Le marquage des fleurs visitées par les abeilles et les bourdons (2002)
Revue bibliographique
Par Jacqueline Pierre
INRA, UMR Bio 3P
BP 35327, F-35653 Le Rheu cedex - France

Pour les pollinisateurs que sont les hyménoptères sociaux tels que les bourdons et surtout les abeilles, il tout particulièrement vital de pouvoir collecter leur ressource alimentaire de la manière la plus efficace possible de manière à pouvoir constituer des stocks nécessaires à la survie de la colonie. Cette optimisation de l'approvisionnement peut se faire grâce à divers comportements adaptés parmi lesquels le choix de la fleur par l'insecte est essentiel. En effet, il est rentable du point de vue énergétique d'être en mesure de repérer rapidement les fleurs profitables (c'est-à-dire fournissant du pollen et/ou du nectar) et de rejeter les fleurs qui ne le sont pas ou qui ne le sont plus car elles ont déjà été visitées soit par des congénères soit par d'autres espèces de pollinisateurs.

Pour y parvenir l'insecte dispose de plusieurs moyens. Outre ses capacités innées à être attiré par des stimuli floraux particuliers (odeur, forme, couleur) qui lui permettent d'éviter une recherche trop longue, il peut apprendre à reconnaître, pour une espèce végétale donnée, quelles sont les fleurs exploitables. Pour cela il a recourt directement à des signaux visuels et odorants : évaluation du niveau en nectar (Thorp et al., 1975 ; Marden, 1990), taille et aspect des anthères (Cresswell et Robertson, 1994). Il peut aussi, de manière indirecte, prendre en compte des informations liées à la disponibilité ou la richesse en ressource de la fleur. Ainsi, il acquiert une connaissance de l'évolution de la morphologie ou de la couleur de la fleur en fonction de son stade (- association entre le degré d'ouverture de fleurs de papilionacées et la teneur en nectar ou l'accessibilité au pollen : Pierre et al., 1996 ; Stout 2000 ; - association entre la couleur des pétales et le vieillissement de la fleur : Ne'eman et Nesher, 1995). Il peut également par expérience mémoriser la position des fleurs les plus bénéfiques dans une inflorescence (Pyke, 1979) ou encore choisir les fleurs les plus grandes dans un lot de fleurs d'un même espèce (Galen et Newport, 1987) parce qu'il a appris que celles-ci contenaient davantage de nectar en raison de la taille plus grande des nectaires. L'insecte peut aussi éviter de revisiter une fleur en ayant des déplacements systématiques entre les fleurs mais ce seul comportement n'empêche pas les congénères de risquer de butiner une fleur récemment visitée.

Un autre moyen, très différent, consiste à être prévenu ou à prévenir les autres visiteurs de l'état de la fleur grâce à une communication chimique (phéromone) consistant en un marquage de la fleur par l'insecte. 

Ainsi, deux types de marquage permettent aux pollinisateurs de savoir si une fleur a déjà été visitée ou si elle vaut la peine d'être visitée. Ces marquages ont été étudiés chez l'abeille domestique et quelques espèces de bourdons. Nous proposons de faire ici un historique et un bilan bibliographique des travaux effectués sur ce sujet.

Le marquage répulsif : " Cette fleur vient d'être visitée "
Depuis de nombreuses années, on sait que l'abeille placée dans une situation de stress émet des odeurs. Le siège de l'émission de la phéromone d'alarme sont les glandes mandibulaires où est sécrétée la 2-heptanone (Shearer et Boch., 1965 ; Vallet et al., 1991). Les glandes des gaines de l'aiguillon (glande de Dufour) sont également impliquées dans l'émission de cette phéromone ou d'un complexe phéromonal (composé d'isopentyl ou isoamyl acétate) à effet répulsif. Signalons, à ce propos, que cette émission est particulièrement marquée lorsque la tête de l'abeille est sectionnée car dans ce cas, l'appareil vulnérant n'est plus sous le contrôle inhibiteur du système nerveux central qui commande sa régulation (Balderrama et al. 1996).

Nùñez a fait, pour la première fois en 1967, l'hypothèse que la 2-heptanone pourrait servir au marquage des fleurs pour indiquer qu'elles n'ont plus de ressource. Cette hypothèse était d'autant plus plausible que la production de la 2-heptanone est maximale chez les butineuses (Boch et al., 1970 ; Vallet et al., 1991) et que l'on sait qu'elle éloigne les butineuses de la source alimentaire (Simpson, 1966 ; Ferguson et Free, 1979). Aux environs des années 80, divers observateurs travaillant dans les conditions naturelles ont remarqué qu'en effet les abeilles évitaient de butiner pour le nectar une fleur récemment visitée (Corbet et al., 1984 ; Wetherwax, 1986). Le même comportement a été signalé chez des bourdons et chez une espèce d'abeille charpentière du Texas (Frankie et Vinson, 1977). Ces auteurs ont également constaté que des extraits de la glande de Dufour avait un effet répulsif. Cependant démontrer que l'évitement d'un fleur déjà visité provenant principalement d'un signal odorant a nécessité des expérimentations contrôlées en laboratoire en utilisant des fleurs artificielles dont la seule ressource était du sirop en guise de nectar. Une expérience décisive a été faite sur l'abeille par Giurfa et Nùñez (1992) avec des fleurs artificielles sur lesquelles on pouvait ou non évacuer le marquage odorant en faisant agir ou non un extracteur d'air. Ces auteurs ont ainsi montré que les fleurs déjà visitées étaient très nettement moins rejetées quand on faisait passer un flux d'air éloignant l'odeur signal de la nouvelle l'abeille visiteuse. Depuis, les travaux se sont multipliés montrant l'existence d'un marquage par une odeur répulsive de courte durée pour signaler que la fleur a été visitée récemment par un congénère. Ceci a non seulement été démontré chez l'abeille. (Giurfa et Nùñez 1992 ; Giurfa, 1993; Goulson et. al. 1998) mais également chez les bourdons (Stout et al., 1998 ; Williams C.S., 1998 ; Goulson et al., 2000).

Une autre expérience a permis également de faire la part de l'information visuelle et de l'information odorante provenant du nectar ou du marquage. Pour ce faire l'expérimentatrice (Williams CS, 1998) a complémenté avec du nectar naturel de bourrache les fleurs qui avaient été vidées suite à une visite d'abeille. Dans ce cas, il s'avère que la complémentation en nectar diminue le rejet de la fleur par les abeilles sans toutefois le supprimer complètement. Tout se passe comme si le marquage odorant, bien que fonctionnant toujours, soit contrebalancé par l'odeur du nectar signalant à l'abeille que la fleur est encore exploitable même si celle-ci a déjà fait l'objet d'une visite. Une complémentation avec de l'eau reste par contre sans effet, ce qui montre bien le rôle de l'odorat plutôt que la vue d'un liquide dans cette perception de la valeur de la fleur.

Dans le cas des bourdons, le marquage se ferait principalement par le biais de sécrétions glandulaires (constituées d'un mélange de longues chaînes d'hydrocarbure) émises au niveau des tarses (Stout et al., 1998 ; Goulson et al., 2000). Ceci a été mis en évidence en analysant et en utilisant des extraits des tarses ou des composés synthétiques proches (Schmitt et al., 1991). On a également constaté que sur les fleurs artificielles fournissant du sirop on retrouvait 1000 fois plus de substances volatiles de marquages par les tarses que sur les fleurs où le sirop était inaccessible (Schmitt et al., 1991). Ce résultat serait à verser en faveur d'un marquage actif. Cependant il est prématuré de dire avec certitude si cette sécrétion est active et régulée ou bien si elle est passive comme le serait une simple trace de pas.

Savoir combien de temps dure le marquage reste également difficile à déterminer : la durée serait estimée à moins d'une minute selon Giurfa et Nùñez (1992), en conditions de laboratoire ou selon Williams C.S. (1998) d'après des calculs d'estimation effectué au champ sur la bourrache. En revanche, une durée d'environ 20 minute a été trouvée par Stout et al (1998) au cours d'observations faites au champ sur un ensemble de bourdons (B. terrestris, pascuorum, hortorum, pratorum) butinant sur la grande consoude. Or, il s'avère qu'il faut environ 50 à 60 minutes pour que la fleur se remplisse à nouveau de nectar (cf figure 1). Une autre étude faite sur le mélilot conduit également à une estimation de l'ordre de 20 minutes pour les abeilles et les bourdons confondus (Stout et Goulson, 2001). Ces auteurs expliquent cette durée en faisant observer que dans le cas des expériences de Giurfa et Nùñez le sirop était constamment fourni et que dans le cas de la bourrache (Williams C .S., 1998) le taux de renouvellement du nectar est très rapide tandis que chez le mélilot le délai de 20 minutes correspond au temps nécessaire pour un nouveau remplissage de cette fleur en nectar. Ils supposent donc que les abeilles sont capables de moduler le signal selon l'espèce végétale concernée et ils suggèrent l'existence d'un marquage par une deuxième substance moins volatile que la 2-heptanone.

Figure 1 : Lien entre la durée de l'efficacité du marquage répulsif et le délai de remplissage de la fleur en nectar (d' après Stout et al., 1998)

marquage fleurs 1  marquage fleurs 2

Le marquage attractif : " Cette fleur mérite dêtre visitée "
Le marquage permettant de signaler qu'une fleur présente un intérêt en tant que ressource est supposé être très différent. Il s'agit dans ce cas d'une phéromone attractive dont l'existence a été montrée dès 1955 par Ribbands dans une étude menée au laboratoire. Chez l'abeille c'est la glande de Nasanov (ou Nassanov, Nasonov, Nassanoff), située sur la partie dorsale de l'extrémité de l'abdomen, que l'on suppose a priori la plus apte à jouer ce rôle. Cette glande est absente chez la reine et les mâles d'abeille. L'exposition de la glande de Nasanov par les ouvrières s'accompagne d'une posture reconnaissable qui consiste en un dressé de la partie arrière de l'abdomen. Cette posture exprimée par une abeille induit fréquemment la même posture chez les autres abeilles et se répand rapidement. Depuis longtemps on sait que les abeilles utilisent ce signal à l'entrée de la ruche (Butler et al., 1969) ou quand elles ont trouvé de l'eau (Free et Williams I.H., 1970) et que cette phéromone facilite le recrutement et l'orientation lors de l'essaimage.

Les phéromones produites par cette glande ont été identifiées. Ce sont des terpénoïdes volatiles tels que principalement le géraniol, et ses métabolites comme des citral et des acides géraniques dont l'action est améliorée par une fraction protéique (Cassier et Lensky, 1993). 

Cependant dans le cas qui nous intéresse, à savoir le marquage des fleurs, le rôle de la glande de Nasanov à elle seule est difficilement explicable car les abeille n'exposent visiblement la glande que lorsque la source n'est pas odorante à savoir lorsque c'est de l'eau ou du sirop (Ribbands, 1955 ; Free et Williams 1972). L'émission de la phéromone aurait donc davantage un rôle dans l'orientation vers une source qui manque d'odeur pour être repérée plutôt que pour signaler qu'une fleur est bénéfique. Ceci aurait entraîné des erreurs d'interprétation quant à son rôle possible sur le marquage des fleurs à partir de résultats d'expériences obtenus en laboratoire sur du sirop inodore présenté dans des tubes.

D'autres phéromones attractives sont connues. Elles sont de trois types : les " traces de pas " (footprint) de la glande des tarses (glandes de Arnhart), le (Z)-11-eicosen-1-ol de la glande à venin (Free et al., 1982) qui joue aussi un rôle d'alarme et enfin le marquage attractif pour le butinage (attractant forage-marking ; Ferguson et Free, 1979).

Au total 4 phéromones sont impliquées dans l'orientation des abeilles et pourraient être candidates comme agent dans le marquage positif des fleurs. Connaître leur rôle exact est complexe car certaines peuvent agir en synergie. Ainsi la fraction protéique qui augmente l'effet de la glande de Nasanov se trouve également dans les glandes des tarses de sorte que l'association entre le fonctionnement de la glande de Nasanov et la marche des abeilles sur un support aurait un rôle de marquage (Winson, 1987 ; Cassier et Lensky, 1993).

De plus, une ambigüité existe quant à ces phéromones car dans certains cas le composé chimique a été identifié alors que dans d'autres cas la désignation est flou (footprint, forage-marking) et ces différents modes de marquage pourraient fort bien faire appel aux mêmes phéromones.

Quoiqu'il en soit un marquage existe chez les abeilles car au bout de 24h après une première visite à des fleurs de mélilot, les fleurs déjà visitées sont plus fréquemment visitées que des fleurs qui ne l'ont jamais été (Stout et Goulson, 2001).

Chez les bourdons la panoplie de phéromones semble moins grande. Seules les sécrétions des tarses seraient en cause (Cameron, 1981 ; Schmitt et Bertsch, 1990 ; Schmitt et al., 1991). Tout comme dans le cas du marquage répulsif, on ignore si cette sécrétion est active ou passive.

Le marquage des fleurs par les abeilles est-il compris par les bourdons et réciproquement ?

Nous avons vu que les phéromones impliquées dans le marquage ne sont pas les mêmes chez l'abeille et les bourdons alors que ces pollinisateurs sont souvent amenés à partager le même site de ressources. D'autre part il semblerait que les phéromones impliquées dans le marquage soient beaucoup plus nombreuses chez l'abeille.

On peut donc se demander d'une part quel est le degré de précision de la communication entre les abeilles (niveau intraspécifique : entre colonie, entre membres d'une même colonie) et d'autre part si les abeilles et les diverses espèces de bourdons comprennent mutuellement leurs signaux odorants (niveau interspécifique).

La communication au niveau intraspécifique
Marquage répulsif

Par des travaux assez complets sur des fleurs naturelles de bourrache, Catherine S. Williams (1998) a montré que ces fleurs étaient moins visitées par les abeilles ou par les bourdons quand elles avaient déjà été visitées par un congénère de la même espèce (Tableau 1). Les études ont été limitées à l'observation des insectes durant les 25 secondes suivant une visite accompagnée d'un prélèvement. Dans ces conditions près de 70% des fleurs déjà visitées par une abeilles ne sont pas revisitées par les autres abeilles et le rejet le plus fort a lieu lorsque le visiteur précédent est la même abeille (89%).

Marquage attractif
Chez les abeilles, dans la mesure où la phéromone de marquage des fleurs est supposée être la même que celle permettant de marquer l'entrée du nid, on peut supposer que ce marquage est caractéristique de la colonie. Cette hypothèse émise par Ferguson et Free (1979) n'a cependant pas été testé par des expérimentations. La seule information dont on dispose est qu'une abeille ne revisite par davantage une fleur visitée par elle-même que celle visitée par une abeille de la même colonie (Williams C.S. et Poppy, 1997)

La communication au niveau interspécifique
Marquage répulsif
Les bourdons sont capables de percevoir le marquage répulsif effectué par une autre espèce de bourdons. Ainsi, des tests réalisés 3 minutes après la visite par une espèce de bourdon montrent que le message est compris par les autres espèces (Bombus terrestris, pascuorum, hortorum, pratorum ; Goulson et al., 1998)

En ce qui concerne la communication entre les abeilles et les bourdons, Williams CS (1998) a montré que les fleurs de bourrache visitées par une abeille 25 secondes auparavant ne sont rejetées qu'à environ 10% par les bourdons (B. terrestris, B. lapidarius ou ruderarius) ou réciproquement comme si le message odorant répulsif était peu efficace entre le genre Apis et le genre Bombus (Tableau 1).

Tableau 1 : Communication intra et interspécifique pour le marquage répulsif de la fleur.
Les tests ont lieu 25 secondes après une précédente visite de la fleur de bourrache
(D'après Williams C.S., 1998)

Insecte testé

Visiteur précédent

Nombre de fleurs
acceptées

Nombre de fleurs
rejetées

Abeille

Même abeille

6

50

Abeille

Autre abeille

19

37

Abeille

Bourdon

31

4

Bourdon

Autre bourdon, même espèce

41

15

Bourdon

Abeille

52

5

 

Par contre des expériences faites sur le mélilot et effectuées un peu moins de 3 minutes après la visite donne des résultats plus nuancés (Stout et Goulson, 2001) : si le visiteur est un bourdon (B. lapidarius) il rejette autant la fleur qu'elle ait été visitée précédemment par un autre bourdon de la même espèce ou par une abeille (respectivement des rejets de 98% et 90% non différents statistiquement). Si le visiteur est une abeille, celle-ci rejette davantage les fleurs si elle ont été visité par le bourdon (rejet 96%) plutôt que par une congénère (rejet 74%).

Ainsi avec un délai plus long (3 minutes au lieu de 25 secondes), tout se passe comme si pour l'abeille le message laissé par les bourdons avait une valeur de signal plus forte.

Questions sur la réalité et l'efficacité du marquage des fleur

Il serait tentant de résumer le marquage des fleurs selon deux types bien distincts : un marquage répulsif de courte durée permettant aux pollinisateurs d'éviter de revisiter une fleur récemment butinée et un marquage attractif à long terme permettant de signaler les fleurs riches en ressource énergétique.

En effet si le marquage répulsif à court terme semble bien établi chez l'abeille, nous avons vu que la durée de son efficacité est incertaine. Il semble cependant logique qu'il corresponde grosso modo à la durée nécessaire pour assurer un renouvellement de la fleur en nectar car c'est là tout son intérêt, l'objectif supposé étant d'économiser à l'insecte des efforts de recherche et de prélèvement inutiles. On peut se demander comment se fait cet ajustement entre durée du marquage et délai de remplissage. Rien n'empêche de faire l'hypothèse que l'abeille, en particulier, apprendrait par expérience la temps nécessaire au remplissage de l'espèce florale à laquelle elle est fidèle et modulerait la durée efficace de marquage en fonction de cette donnée. La 2-heptanone étant très volatile (durée de vie : moins d'une minute), elle serait relayée par un marqueur moins volatile de durée de vie plus longue pouvant aller jusqu'à environ 60 minutes. Une chose est certaine : ce marquage devient inefficace au bout de 24 heures.

Nous avons vu que le marquage répulsif est différent selon qu'il s'agit d'abeille ou de bourdons. Au minimum on peut dire que les bourdons n'utilisent pas une aussi grande diversité de phéromones de marquages que les abeilles. Les données les plus récentes semblent montrer que les abeilles sont capables de reconnaître les marquages de tarses des bourdons. Si les abeilles utilisent également des marques de tarses, on peut penser que la différence avec celle des bourdons vient, entre autre, de la quantité déposée ces derniers étant de taille plus grande.

La réalité du marquage attractif est plus délicate à montrer. Si ce marquage a été mis en évidence chez les abeilles, des données décisives obtenues en conditions naturelles manquent encore pour ce qui concerne les bourdons.

Globalement les données acquises en conditions de laboratoire se réfèrent à quelques auteurs regroupés dans deux équipes (4 articles principaux de 1972 à 1997), les données acquises en conditions naturelles sont également peu nombreuses (3 équipes) et sont majoritairement encore très récentes (7 articles principaux de 1998 à 2001). Il ne faut donc guère s'étonner du nombre d'interrogations restées en suspens (cf. Tableau 2). On notera également que la totalité des travaux portent sur la collecte de nectar, sans doute parce que celui-ci est une ressource renouvelable et considérée comme plus difficile à évaluer par l'insecte que le pollen. De plus, il est plus aisé, en laboratoire, de manipuler du nectar (sirop) que du pollen.

Tableau 2 : Récapitulatif des phéromones produites par les ouvrières d'abeille domestique (d'après Winston 1994)
Les mots entre parenthèses correspondent à une traduction ou à un terme équivalent.

Phéromone

Glande

Produits

Fonction

Nasonov

Nasonov

Geraniol
Acide géranique
Acide nérolique
(E)-citral, (Z)-citral
(E-E)-farnasol
nérol

Attractive :
Orientation
recrutement
Marquage d’un site
Marquage de la fleur ?

Footprint
(empreinte de pas)

Arnhart
(G. des tarses)

?

Attractive:
Orientation,
Marquage d’un site
Marquage de la fleur ?

Forage-marking
(marquage floral)

?

?

Attractive :
Orientation
Marquage de la fleur

Alarme

Glande mandibulaire

2-Heptanone

Répulsive :
Alarme et défense
Marquage de la fleur

Alarme

Glande de Dufour
(G. des gaines de l’aiguillon)

Isoamyl acétate (Isopentyl acétate)
N-butyl et hexyl acétate
Benzyl acétate
Isopentyl alcool
N-octyl acétate
(Z)-11-eicosen-1-ol

Répulsive :
Alarme et défense
Marquage de la fleur

Reconnaissance

?

?

Reconnaissance entre individus
d’une colonie et entre colonies

 

Outre des études comportementales portant sur les visites et la description fine des postures de marquage, ces recherches devront être accompagnées d'une étude cytologique plus approfondie des glandes impliquées et surtout poursuivies par des analyses chimiques des dépôts phéromonaux. Ce dernier point devrait permettre de mieux comprendre quels sont les éléments communs ou distinctifs entre les marquages et de savoir si le passage du marquage à court terme vers le marquage à long terme se fait par une modification des composants d'un bouquet d'odeurs au cours du temps comme cela existe chez d'autres insectes que les hyménoptères.

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