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Varroa, Loque américaine, Nosémose, Toxiques

"Connaître, Appliquer, Respecter"

Rémi Julliard

GDSA de l’Isère, réunion des Agents Sanitaires Apicoles et Assemblée Générale Voiron – 4 février 2006. Compte Rendu par Rémi Julliard, éleveur de quelques abeilles et "jeune" Agent Sanitaire Apicole en Isère.

C'est au CREPS de Voiron que la Direction des Services Vétérinaires et le GDS Section Apicole (GDSA) de l’Isère ont réuni les agents sanitaires du département, pour la matinée du 4 février 2006 avec comme objectif une mise à jour des connaissances en matière sanitaire. Dès 9 heures, malgré le froid glacial, 42 agents avaient risqué le déplacement. Ils étaient accueillis par le Président du GDSA, Michel Gilles.

Après les mots de bienvenue du Président, la parole était donnée au Directeur des Services Vétérinaires, M. Vernozy. Ses propos ne laissèrent personne insensible lorsqu’il qualifia les agents sanitaires apicoles de fantassins sanitaires. Il expliqua qu’ils étaient un maillon important du suivi sanitaire et du maillage départemental nécessaire à la mise en place de la politique de prévention et d’éradication des maladies. Les crises se succèdent : vache folle, grippe aviaire… donc il faut être organisé. Le point fort de l’année 2005 pour le GDSA de l’Isère a été la mise en place du Plan Sanitaire d’élevage dont les objectifs principaux sont en matière de varroa une prophylaxie raisonnée et un accès aux traitements légalement autorisés à un tarif intéressant. Une autre action importante du GDSA a été la mise en place du plan loque américaine avec une devise : parler d’une même voix c’est-à-dire :

  1. pas d’antibiotiques;

  2. transvasement simple des colonies faiblement atteintes ou destruction des colonies fortement atteintes. Pour prendre en compte la destruction de ces colonies, le GDSA a préparé avec le Directeur des Services Vétérinaires un projet d’arrêté préfectoral prévoyant l’indemnisation des ruches détruites suite à une atteinte de loque américaine, destruction qui doit se faire à la demande et en présence de l’agent sanitaire du secteur. Cet arrêté devrait voir le jour dans les toutes prochaines semaines.

La montre étant – pour le Directeur des Services Vétérinaires – l’ennemi de toutes les réunions, la parole retourna rapidement à Michel Gilles qui présenta les nouveaux agents sanitaires et décrivit les actions de terrain conduites en 2005 : 4 visites demandées à chaque agent sanitaire, 334 apiculteurs visités soit 17,8 % des apiculteurs du département dont 128 au cours de visites RESAD, 54 pour des visites de pré-transhumance, 26 au cours d’une journée dite systématique sur les communes de Brié et Herbeys sous la houlette de Maurice Laurent, 29 lors de visites sanitaires (payantes) à la demande d’apiculteurs ayant besoin de conseils en matière sanitaire, 13 à la recherche heureusement infructueuse du petit coléoptère de la ruche chez des apiculteurs ayant importé des reines de provenance suspecte… sans compter les visites faites à la demande d’apiculteurs pour des raisons multiples et variées.

Après un repas convivial et la distribution des lanières d’Apivar (pour traitement de fin d’hiver) aux agents des différents secteurs, le Président Michel Gilles déclarait ouverte l’Assemblée Générale et présentait le rapport d’activité. D. Javon faisait le point sur le traitement anti varroa 2005 et R. Julliard, trésorier, présentait les comptes de l’année 2005.

Pour cette matinée de travail et pour son Assemblée Générale, le GDSA avait invité J.-P. Faucon, chef de l’Unité Pathologie de l’Abeille à l’AFSSA Sophia Antipolis, en lui demandant de traiter des problèmes sanitaires apicoles du moment. Étant donné l’actualité de ces problèmes, il m’a paru intéressant de faire un résumé de ses interventions. N’étant pas personnellement un spécialiste de ces questions difficiles et parfois polémiques, je me suis efforcé de transcrire au mieux ses propos sans les trahir. Il les a validés.

Varroase

Varroa destructor est toujours présent dans nos ruchers. Le traitement médicamenteux est une obligation si l’on veut conserver ses colonies performantes et en état de produire. Il faut traiter avec des médicaments efficaces et qui ont une AMM, traiter à des périodes précises et sûrement dès la fin de l’été ou tout début de l’automne.

Varroa destructor est à l’origine de l’affaiblissement des colonies, du développement de maladies, le tout pouvant aboutir à la mortalité des colonies. Bien que nous ne soyons qu’au début de l’année, il semble avoir déjà sévi : En ce début d’année… pour ce que l’on sait, les mortalités de colonies sont déjà nombreuses et importantes : 80 colonies dans les Alpes-de-Haute-Provence, 300 colonies dans l’Ain, 300 colonies dans le Gard, 30 % de mortalité en Champagne, des mortalités dans le Jura.

Les symptômes sont souvent les mêmes : petite grappe d’abeilles mortes entre les cadres et entourant la reine, fortes provisions de miels et de pollen, légère mortalité devant les ruches (une persillade de vieilles abeilles). L’examen détaillé d’un de ces cas de mortalité (tous les cas n’ont pas étudié au laboratoire de l’AFSSA) montre des abeilles et du couvain fortement parasité, des abeilles et nymphes aux ailes déformées. Les examens de laboratoire révèlent la présence de loque européenne et de nosémose. Le couvain est caractéristique de celui qui a subi une forte infestation par Varroa destructor. Jean-Paul Faucon insiste : Ces constatations sont à rapprocher de celles de l’enquête Mortalités Hivernales conduite par l’AFSSA en 1999 et 2000, conclusions qui, à l’époque, avaient été fortement réfutées.

Efficacité de l’Apivar

Une expérimentation a été conduite à l’AFSSA Sophia Antipolis (fin 2005 et début 2006) afin de mesurer l’efficacité de l’Apivar. Le nombre de colonies impliquées dans cet essai était de 15 : 10 colonies traitées à l’Apivar et 5 non traitées conservées comme témoin. Après 12 semaines de mise en place des lanières Apivar, l’efficacité a été contrôlée par 3 applications de molécules acaricides différentes : acide oxalique, coumaphos, fluvalinate. L’efficacité de l’Apivar a été très bonne (plus de 98 %).

Trois remarques s’imposent :

  1. le coumaphos a été utilisé dans ce rucher expérimental dans un but de contrôle car on ne peut contrôler l’efficacité de l’amitraze par de l’amitraze. Mais il est bien clair que le coumaphos ne doit pas être utilisé comme traitement du varroa eu égard notamment à sa rémanence dans les cires;

  2. l’expérimentation portant sur un seul rucher d’une seule région, il sera nécessaire de renouveler cette recherche car les manques d’efficacité dénoncés dans certains ruchers peuvent avoir pour origine des souches de varroas résistants à l’amitraze:

  3. les conditions de la colonie (importance du couvain, de la grappe d’abeilles), les conditions de température externe peuvent aussi jouer un rôle important. Le déplacement de la grappe ou sa réduction, en dehors du contact des lanières est un autre facteur à prendre en compte.

Deux conclusions peuvent être tirées de cette expérimentation :

  • l’Apivar reste un médicament qui assure un bon succès thérapeutique avec un très faible risque d’échec;

  • le comptage des mortalités naturelles dans le lot non traité a montré le seuil parfois élevé de varroas présents dans les colonies durant la période automnale. Même si ces parasites se retrouvent morts sur le lange, leur action pathogène durant toute cette période doit être prise en compte. Le dépistage effectué à l’acide oxalique après 12 semaines de comptage révèle un nombre de parasites relativement peu important. Il peut conduire à l’interprétation l’infestation de mes colonies est peu importante. C’est négliger l’infestation présente au cours de l’automne et conduisant à des abeilles affaiblies, contaminées par des virus, pour affronter la période hivernale.

Les toxiques dans les ruches

Beaucoup sont aujourd’hui d’accord pour dire que les toxiques concernent le sanitaire et s’il est un sujet polémique, c’est bien celui-ci. La parole est à J.-P. Faucon :

Les résultats de l’enquête multifactorielle prospective pour l’année 2004 ont été donnés début janvier. Ces résultats montrent la contamination des abeilles vivantes, du pollen, du miel. Des traces d’imidaclopride et de ses métabolites, de fipronil et de ses métabolites et des traces d’autres insecticides ont été retrouvées plus ou moins régulièrement dans toutes ces matrices. Le fipronil est mis en évidence plutôt au printemps ce qui semble en relation avec l’époque des semis, les autres produits indifféremment au cours de l’année. En ce qui concerne les cires, 70 % des échantillons contiennent des substances chimiques et 14 matières actives différentes ont été retrouvées. Les cires, en ce qui concerne les molécules solubles dans les graisses, peuvent témoigner des apports de contaminants aux colonies au cours de l’année. Les principales molécules retrouvées sont cependant celles provenant de l’activité apicole : coumaphos et fluvalinate. L’abeille reflète vraiment la qualité de l’environnement dans lequel elle vit. Des abeilles contaminées par des traces de toxiques, qui consomment du pollen et du miel contaminés tout au long de l’année doivent, cela semble logique, être tout de même victimes d’effets négatifs. Il est à noter que nous sommes en présence d’une toxicité chronique à doses subléthales. L’expérimentation réalisée à l’AFSSA il y a quelques années et qui consistait à nourrir des colonies d’abeilles avec des traces d’imidaclopride n’avait pas montré de toxicité aiguë. Les abeilles retrouvées contaminées au cours de l’enquête 2004 ne montrent pas d’anomalies mesurables. Les deux résultats sont en accord et dans la même continuité. La rigueur du travail de l’Unité Pathologie de l’Abeille de l’AFSSA doit être soulignée. Fortement critiquée lors de sa mise en place, l’enquête voit actuellement ses résultats utilisés par les organisations apicoles pour faire avancer le dossier pesticide, ce qui est à saluer pour le bien de notre abeille. Sur un autre point, il faut signaler la difficulté des techniques d’analyse qui cherchent à mettre en évidence de très faibles doses de produits toxiques. Ces difficultés peuvent expliquer que des analyses effectuées par plusieurs laboratoires ou par un même laboratoire à des moments différents puissent apparemment quelquefois se contredire. La sensibilité des appareillages et des méthodes d’analyse s’est grandement développée ces dernières années. Dans ces conditions, toutes les précautions techniques et d’interprétation doivent être prises pour assurer un résultat fiable et utilisable.

Nosema

Un nouveau parasite vient d’être mis en évidence en Espagne. Il s’agit de Nosema cerana. D’après les chercheurs espagnols, il serait à l’origine de certains des problèmes décrits dans de nombreux pays. Nosema cerana a été mis en évidence en France dans les échantillons de l’enquête prospective 2005 de l’AFSSA et ce en collaboration avec l’équipe du professeur Higès. Parmi ces échantillons positifs en Nosema apis, certains le sont en fait en Nosema cerana. à ce sujet, J.-P. Faucon pense qu’il est nécessaire de faire un point plus approfondi et que des études complémentaires doivent être entreprises pour valider ou non les conclusions apportées par ces chercheurs.

Loque américaine

La loque américaine reste une affection très répandue et à l’origine de mortalités importantes de colonies.

LA MEILLEURE SOLUTION EN CAS DE LOQUE AMÉRICAINE EST LA DESTRUCTION PURE ET SIMPLE DES COLONIES. Mais cette destruction n’est pas toujours psychologiquement évidente à réaliser. En effet, par exemple, l’apiculteur qui possède 2 ruches peut se voir privé de 50 % ou de 100 % de son cheptel, ce qui moralement est difficile à supporter. Par contre et cela se conçoit fort bien, l’apiculteur possesseur d’un plus grand nombre de ruches supportera cette destruction avec plus de facilité.

Le transvasement seul peut aussi être employé. Il est en général efficace si l’atteinte est faible sachant qu’il impose de parfaitement surveiller les colonies afin de veiller à un éventuel redémarrage de la maladie toujours possible.

L’usage des antibiotiques n’est plus autorisé en raison de l’absence de Limite Maximale de Résidus. Néanmoins, une note de service de la DGAl permet à nouveau l’utilisation de l’oxytétracycline dans la mesure où le miel des colonies traitées est détruit juste avant la mise en place de la hausse. Cette utilisation de médicament permet de consolider l’action du TRANSVASEMENT TOUJOURS IMPÉRATIF DES LA PRESENCE DE SIGNES CLINIQUES. À noter et ceci est capital, que l’application d’oxytétracycline ne peut se faire que sur ordonnance d’un vétérinaire spécifiant le mode opératoire en détail. À noter également que l’oxytétracycline est à ce jour encore efficace comme en témoignent les essais de laboratoire réalisés à l’AFSSA Sophia Antipolis et en cours de publication (Précision de J.-P. Faucon).

Afin de ne plus utiliser les antibiotiques, source de résidus dans le miel qui nuisent à l’image de marque de ce produit, il faut former les apiculteurs aux diagnostics de terrain, effectuer des visites fréquentes et complètes des colonies, faire réaliser des analyses de laboratoire dès l’apparition de signes suspects, renouveler les rayons des colonies en les remplaçant par des cires gaufrées (apporter au moins 2 cadres par an), désinfecter fréquemment le matériel (corps de ruche, plateaux, couvre-cadres…), limiter les échanges de matériel entre ruchers, travailler avec des reines sélectionnées pour leur comportement hygiénique…

À la question posée par un des membres de l’assistance : est-il nécessaire de rechercher les spores de l’agent de la loque américaine dans le miel ? La réponse a été spontanée : NON ! À l’insinuation : Y a-t-il un laboratoire capable de faire cette recherche en France ? La réponse a été véhémente : OUI ! Et de préciser : Une telle recherche peut se concevoir sur le plan scientifique pour étudier la prévalence d’un risque loque américaine dans une région déterminée. Mais pratiquement, apicolement parlant, pour diminuer le risque dû à la contamination du miel par les agents des loques, faisons une prophylaxie offensive : désinfection du matériel, renouvellement fréquent des cadres, utilisation des plateaux grillagés, non-utilisation du miel inconnu en nourrissement. L’AFSSA Sophia Antipolis Unité Pathologie de l’Abeille peut, si besoin est, réaliser, cette recherche. Les techniques sont au point et similaires à celles utilisées pour réaliser des antibiogrammes vis-à-vis de Paenibacillus larvae et pour confirmer l’efficacité de l’oxytétracycline dans le traitement de la loque américaine. Mais dans le contexte actuel, il faut faire des choix en fonction des risques ou de l’importance des problématiques. Il est difficile de courir plusieurs lièvres à la fois : travailler sur le problème des affaiblissements des colonies, conduire une enquête nationale de terrain, rechercher des pollutions diverses et mettre au point les méthodes d’analyse pour les molécules à venir…

Conclusion

Si je devais résumer en quelques mots la philosophie du message de J.-P. Faucon, je reprendrais sa première diapo et je dirais : Conduite sanitaire apicole : connaître, appliquer, respecter, d’où l’importance de la transmission en cascade du savoir.

Comme nombre d’agents sanitaires, j’ai rencontré pour la première fois Jean-Paul Faucon lors de mon stage d’initiation qui, dans mon cas, a eu lieu à Moulins en 2005. Une semaine sur les maladies des abeilles, au départ cela peut paraître beaucoup mais avec un peu de recul cela est sûrement, en tout cas pour moi, très insuffisant. C’est la raison pour laquelle la mise au point qu’il a faite ce jour a été, en ce qui me concerne, une véritable piqûre de rappel avec tous ses effets bénéfiques. Sans méconnaître la polémique qui existe dans de nombreux domaines qu’il a abordés, garder ce bénéfice pour les seuls présents ce jour-là à Voiron m’a semblé égoïste et dommage. C’est pourquoi je remercie La Santé de l’Abeille d’avoir accepté ce bref résumé de sa présentation. Gageons que nombreux seront les apiculteurs à l’apprécier.