La dérive
par Gilles Fert
Auteur de « L’élevage des reines » aux Editions Rustica

avec l'aimable autorisation de la revue
Abeilles et Fleurs

On utilise le terme « dérive » pour définir le phénomène des abeilles qui se trompent de ruche à leur retour. Dans certaines conditions, surtout en période de vent fort, cette dérive peut entraîner un important déséquilibre de population. En période de miellée, certaines ruches ayant perdu des abeilles risquent même un refroidissement de couvain alors que les autres, bénéficiaires de ces erreurs d’orientation, se voient bloquées par l’excès de nectar. Les mâles aussi dérivent fréquemment, mais sans conséquence, mise à part une éventuelle transmission de maladie. Enfin, lorsqu’il s’agit de jeunes reines fécondées, il faut bien sûr éviter la dérive.

Etape n°1

Dans le rucher, la disposition des ruches en désordre convient beaucoup mieux aux abeilles qu’un alignement au cordeau.

L’alignement favorise la dérive vers les bords, et les abeilles et leur récolte ont tendance à s’accumuler dans les ruches situées en bout de ligne.

Mais cela dépend également de la race d’abeille que vous travaillez. Nous savons que l’abeille italienne (jaune) Apis mellifera ligustica ainsi que ses croisements dérivent beaucoup plus que la carniolienne (grise) Apis mellifera carnica.

Notre abeille noire locale Apis mellifera mellifera se situe quant à elle entre les deux.

la derive 1

Etape n°2

En Afrique du Sud, où l’abeille locale dérive beaucoup, des travaux scientifiques ont montré que l’installation la plus sûre pour que les abeilles regagnent bien leur colonie était de disposer les ruches en cercle.

Si votre emplacement ne vous permet pas de fantaisies, une répartition en groupes de 4 à 8 ruches disposés en S ou en U est conseillée.

Dans le cas du U, pensez à mettre les entrées vers l’intérieur.

Etape n°3

Recherchez de préférence des emplacements pourvus de repères naturels : de la végétation, des arbres, des arbustes, des rochers, etc

L’abeille a beau avoir un champ visuel voisin de 360°, elle n’a une acuité visuelle que de 1/80 par rapport à celle de l’homme.

D’où la nécessité de repères physiques bien évidents.

Etape n°4

Si l’environnement de votre rucher est neutre, vous pouvez le caractériser, par exemple en plaçant des palettes bariolées de couleurs vives, avec des formes repérables par les abeilles.

C’est le célèbre chercheur Karl Von Frisch qui a le premier mis en évidence la reconnaissance des formes et des couleurs par les abeilles.

Etape n°5

Pour un dessin, peignez une forme massive à côté d’une figure découpée : nos abeilles les distinguent bien.

En revanche, elles peuvent confondre les formes pleines entres elles, et les formes effilées entre elles.

C’est le moment d’utiliser tous les fonds de pots de peinture qui encombrent votre atelier ! 

Sachez que ce sont les couleurs noir, blanc, jaune et bleu qui permettent aux abeilles le meilleur des repérages.

            Etape n°6

Pour les ruchettes de fécondation, en plus des faces, pensez à peindre des repères sur les toitures.

Au retour de leur vol nuptial, surtout en période ventée, les reines dérivent fréquemment si les nuclei sont trop uniformes.

N’oubliez pas d’orienter les entrées dans différentes directions.


Précautions
Ne placez jamais un nouvel essaim sans couvain à proximité de ruches bien peuplées. Les abeilles dériveront vers ces ruches déjà installées. Les phéromones du couvain ouvert attireront immanquablement les ouvrières, provoquant ainsi une dérive au détriment du nouvel essaim.

Pour en savoir plus
Louveaux (J.) – Les abeilles et leur élevage, Hachette, pages 36-39, 1980.Von Frish (K.)
Vie et mœurs des abeilles, Albin Michel (excellent ouvrage paru également en livre de poche), 1969.

Gilles Fert
Auteur de « L’élevage des reines » aux Editions Rustica