Aethina tumida
Compte rendu d’un voyage aux Etats-unis par 8 apiculteurs professionnels
Jean FEDON
Etats visités : Caroline du Sud et Georgie ou Aethina Tumida est arrivé en 1996
Afin d’étudier correctement l’incidence de ce parasite sur l’apiculture de production le programme des visites comportait l’université de Clemson ou Mike Mood étudie Aethina depuis 5 ans, 2 apiculteurs amateurs à Colombia, 2 apiculteurs amateurs près de Charleston et 2 apiculteurs professionnels, gros producteurs de reines en Géorgie.
1er jour : Visite à Clemson
Mike Mood nous reçoit dans son labo à Clemson et pendant deux heures nous présente Aethina, son arrivée aux USA, son cycle de reproduction, son extension aux USA et les dégâts éventuels aux colonies. C’est un coléoptère dont les espèces sont nombreuses. Celui qui affecte les ruches est originaire de zones tropicales humides africaines. Deux « variétés » determinées par analyse A.D.N. ont été révélées sur la côte Est (Caroline, Géorgie, Floride), Aethina n’a pas été importé avec des abeilles mais est probablement arrivé en 1996 au port de Charleston par cargo sur des fruits ou plus simplement sur les containers.
L’adulte ressemble à une petite coccinelle marron foncé, voire noire et affectionne dans la ruche ou à l’extérieur l’obscurité, la chaleur, l’absence de ventilation et un milieu humide.
Son cycle de vie et sa reproduction
L’adulte vit plusieurs mois et se reproduit en été. L’œuf est pondu sur le pollen, dans les détritus de fond de ruche ou sous les talons de cadres ; dans des endroits hors de portée des abeilles nettoyeuses, qui pourchassent les adultes. L’œuf est sensiblement plus petit qu’un œuf de reine, il craint la dessiccation et éclos 36 à 48 heures après la ponte, si les conditions sont optimum. La chenille se nourrit principalement de pollen et, contrairement à la teigne, ne se transforme pas en adulte dans la ruche, mais migre au bout de 2 semaines à l’extérieur de la ruche pour s’enfoncer dans le sol (5 cm), le soir ou la nuit. Le sol doit être très meuble, très humide et à une température supérieure à 25 °.
Dans des conditions optimum l’adulte apparaît 2 à 3 semaines plus tard. Dans les meilleures conditions il peut y avoir 5 cycles annuels. Dans les régions sèches au sol dur il peut n’y avoir que 2 cycles avec une disparition importante des chenilles dont le principal prédateur est la fourmi ainsi q ue certains oiseaux et autres coléoptères.
L’après-midi est réservé à la visite des ruches tout près du campus. Mike Mood nous a prévenu qu’il y a peu d’Aethina dans ses ruches car le climat est sec et le sol est trop sec et trop dur, d’où une reproduction difficile ; il a un rucher à 300 km plus au sud pour ses études. Dans ses ruches il a quelques Aethina qui fuient la lumière, quelquefois poursuivis par les abeilles et se réfugient dans les endroits obscurs de la ruche. Mike Mood nous dit que les ruches, normalement peuplées, ne subissent aucun dommage du parasite. Mais, comme avec la teigne, ce sont les colonies désorganisées qui sont touchées jusqu’à destruction complète.
La 2ème journée
Nous sommes chez Cliff Ward à Columbia à 160 km plus au sud, à 140 km de la côte. C’est une zone de climat tropical humide, au sol sablonneux. Cliff nous reçoit pour la journée avec un des ses amis apiculteur amateur comme lui. Ils sont retraités et s’occupent convenablement de leurs ruches tant pour varroa que pour la loque américaine. Leur apiculture consiste à peupler au printemps les ruches mortes avec des paquets d’abeilles, poser les hausses, récolter en juin, extraire et remettre les hausses sur les ruches qu’ils enlèvent, ou pas, avant l’hiver. Ils sont attentifs et interviennent sérieusement pour traiter le varroa.
A chaque ouverture de ruche ils projettent sur les Aethinas visibles de l’huile de colza qui les étouffe et maintiennent ainsi une infestation acceptable. Certaines ruches ont encore du couvain mais il n’y a pas de chenilles.
La 3ème journée
Nous arrivons chez Archie Biering près de Summerville en zone idéale pour Aethina. La mer est à 20 km, le sol sableux est très humide, la nappe phréatique est à fleur de terre et en été le climat est de type tropical humide.
Archie est retraité de la marine et nous confirme que le nouveau parasite est probablement arrivé par cargo au port de Charleston. Depuis 8 ans il reçoit 12 000 visiteurs payants par an dans sa Bee- farm doublée d’un restaurant. Il s’occupait peu des ses 150 ruches, varroa en a affaibli beaucoup, Aethina en a profité.
Il nous conduit aussi chez un des ses amis qui dirige, malgré son âge, une entreprise de tôlerie et possédait 220 ruches utilisées surtout pour la pollinisation. Varroa, la teigne et Aethina ont presque tout détruit.
La 4ème journée
En Géorgie Reg. Wilbanks nous accueille sur son exploitation de 6 000 ruches. Production annuelle 60 000 reines et 12 à 15 000 paquets. Pour Reg., Aethina n’est pas un grand problème. Varroa est plus important.
La plupart de leurs ruches sont en pleine zone Aethina et ils veillent à avoir de fortes colonies.
Leur traitement varroa à base de Coumaphos (Chekmite) est également efficace contre Aethina. Il nous apprend que le Canada va rouvrir sa frontière, fermée depuis 15 ans, aux importations d’abeilles en provenance des U.S.A. Malgré Aethina, les professionnels continuent à venir hiverner dans le sud sans avoir à faire de traitement ensuite.
L’après-midi Jerry Rozier nous accueille dans l’exploitation qu’il dirige : 5000 ruches, production 60 000 reines, 12 000 paquets. Pour lui aussi Aethina n’est pas un grand problème. Le traitement consiste à mettre un check-mite au fond de la ruche recouvert d’une toile de 20 cm x 10 cm. C’est simple et très efficace. Jerry nous dit aussi qu’en raison du peu d’incidence d’Aethina sur les colonies aucune disposition particulière réglementaire n’a été prise.
ET EN FRANCE QUE RISQU’ON-NOUS ?
L’énorme mouvement des marchandises et des personnes sur la planète est le meilleur et le plus rapide moyen que les insectes, les virus, les bactéries et parfois les animaux ont utilisé pour s’y éparpiller avec plus ou moins de succès dans leur implantation dans un milieu plus ou moins favorable. Parfois l’homme, volontairement, participe avec succès à cette dispersion. Par exemple, l’abeille européenne en Amérique du nord et du sud au 17ème siècle, certaines espèces de bovins et ovins mais aussi involontairement, doryphore, metcalfa etc…
Aethina a probablement voyagé dans le monde et n’a réussi son implantation, plus ou moins bien, qu’en de rares endroits, selon le climat. Il est possible qu’on le voit sur notre sol. Mais les conditions climatiques et géologiques ne peuvent faciliter sa reproduction hors ruches. Quant à son importation par les œufs, avec des reines c’est fort improbable en raison de leur fragilité face à la désydratation qui affecte tout le vivant voyageant par avion.
Dans 10 ans on saura si j’ai raison ?