avec l'aimable autorisation de la revue
Abeilles et Fleurs

Le célèbre entomologiste de Réaumur (1683-1757) marquait déjà ses reines en rouge. Quant à Pline et Virgile, ils pratiquaient « l’écourtage » des ailes des reines d’abeilles. Aujourd’hui, cela reste une bonne pratique que de marquer d’un point de peinture ses jeunes reines afin de les retrouver facilement par la suite, et de connaître leur âge. Le marquage permet également de repérer les changements de reine suite à l’essaimage, un accident ou une supercédure. Après quelques séances d’entraînement sur des mâles, n’hésitez plus à marquer vos jeunes reines.

Etape n°1

Bien sûr, la première étape consiste à trouver la reine pour la marquer. C’est pourquoi, lorsque vous la tenez entre les doigts lors de l’introduction, ne ratez pas l’occasion de la marquer.

Au cours des différentes visites de printemps comme d’automne, pensez à prendre avec vous le crayon marqueur correspondant à la couleur de l’année.

Au rucher d’élevage également, il est tellement facile de trouver les reines dans les petits nuclei qu’il faut en profiter pour les marquer.

Recherchez votre reine lorsque la population n’est pas trop importante, comme à la sortie de l’hiver ou en forte période de butinage.

marquage 1

Etape n°2

La reine possède un aiguillon lisse qu’elle utilise parfois pour lutter contre une autre reine vierge. Ce n’est que très rarement qu’elle pique légèrement lors du marquage. 

Les marqueurs spéciaux se trouvent chez les fournisseurs de matériel apicole. Les peintures à base d’acétone conviennent très bien.

Toutes les reines se marquent, même les vierges. Cette goutte de peinture ne gêne en rien la fécondation.

On peut ensuite indiquer à l’aide d’une punaise de couleur fixée sur le bois du corps de ruche l’âge de la reine.

Etape n°3

 Il y a plusieurs façons de maintenir la reine immobile pendant le marquage ; soit avec une cage spéciale ou directement entre les doigts.

Si vous choisissez la méthode la plus simple, attrapez-la par les deux ailes. Ensuite, tenez-la au niveau du thorax, là où sont fixées les ailes. Jamais au niveau de l’abdomen qui est l’usine à œufs, particulièrement fragile.

Puis placez votre majeur dessous, en appui, ce qui permet de bien doser la pression exercée.

Cette petite goutte de peinture ne doit pas se trouver autre part que sur le thorax, surtout pas sur la tête. Veillez à ne pas endommager les pattes.

Etape n°4

Si vous craignez de saisir la reine entre les doigts, vous pouvez utiliser une pince spéciale qui s’ouvre comme une pince à linge. Seule la reine reste prisonnière, les ouvrières s’échappant par les trous calibrés.

Ensuite, transférez la reine dans le tube à piston.

Faites coulisser le piston jusqu’au blocage de la reine sur la partie grillagée, le thorax apparent au niveau d’une maille du grillage.

Marquez-la à travers le grillage. Dans le cadre d’un plan de sélection, une petite pastille numérotée appliquée sur le thorax permet de suivre les lignées.

Etape n°5

Tous les éleveurs à travers le monde respectent un code international pour les couleurs. Cela permet de connaître l’âge de la reine dès qu’on la repère sur un cadre.

Si vous ne suivez pas ce code de couleur mais souhaitez marquer vos reines, il semble qu’une reine marquée en jaune se distingue plus facilement parmi toute la population.

Laissez sécher la peinture quelques minutes avant de redéposer la reine sur un cadre d’abeilles. Surveillez la réaction des ouvrières qui ne doivent pas former une boule agressive sur la reine : « l’emballement ».

Si oui, reprenez-la, enfumez bien la population et réintroduisez-la.

Pour toutes ces manipulations, évitez si possible de travailler avec des gants.

            Etape n°6

Le « clippage » ou l’écourtage d’une partie de l’aile de la reine n’évite en rien l’essaimage.

C’est juste pour éviter de voir partir l’essaim trop haut ou trop loin, ou d’importuner les voisins. (Si c’est le cas, essayez de récupérer l’essaim primaire, placez-le dans une nouvelle ruche. Ne laissez qu’une cellule royale naturelle dans la colonie de départ afin d’éviter l’essaimage secondaire).

Le « clippage » évite également de polluer génétiquement notre secteur si on travail avec des races étrangères. Pour les apiculteurs qui changent leurs reines tous les deux ans, il est bien de couper l’extrémité de l’aile gauche les années paires et l’aile droite les années impaires.

Attention de ne pas couper trop court car le moignon restant peut, par frottement, abîmer l’abdomen de la reine. Auquel cas, on entraîne une supercédure.

La pratique du clippage est interdite par la plupart des cahiers des charges bio.


Les précautions à prendre
Suite au stress que subit la reine lors du marquage, parfois elle se tétanise et tombe en syncope. Pas d’affolement, déposez-la sur un cadre posé à plat, entourée de ses abeilles. Quelques minutes après, elle se réveillera doucement. La « supercédure » (mot dérivant de l’expression anglaise) signifie le renouvellement de la reine sans essaimage.

Attention
Ne séchez pas la peinture à l’aide de l’enfumoir. Un excès de fumée peut entraîner un emballement de la reine par les ouvrières qui ne reconnaissent pas « l’odeur », c’est-à-dire les phéromones de leur mère.

Pour en savoir plus
A. Perret-Maisonneuve, 1949, L’apiculture intensive, PUF.
Le Traité Rustica de l’Apiculture, 2002, pages 336, 351.

Gilles Fert
Auteur de « L’élevage des reines » aux Editions Rustica