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Profiter du répit de l'hiver (2004)
Par B. Cartel
Nous avons la chance d’avoir, parmi vous lecteurs, un éventail très large du niveau et de la diversité de vos connaissances en apiculture : cela va du tout débutant qui veut progresser, à l’apiculteur confirmé qui connaît (presque) tout sur le métier. Chacun comprendra aisément que cette page mensuelle ne peut pas prétendre répondre aux aspirations de tous sur tout. Aussi, nous efforçons-nous d’abord de décrire les principales opérations à exécuter sur nos ruches dans le mois. Cela peut paraître comme une redite pour les anciens, mais c’est le b.a. ba pour le débutant. Au contraire, quand l’article devient plus technique, l’apiculteur confirmé peut y trouver intérêt sans que cela rebute pour autant le nouveau qui peut s’étonner ou s’émerveiller de la complexité du sujet, quand cela touche par exemple la biologie de l’abeille (physiologie, pathologie, génétique, etc…). Que chacun admette cet état de fait et puise ce qu’il recherche en gardant à l’esprit que cette page est destinée à cette diversité d’hommes et de femmes dont les besoins et le savoir sont également très divers.
Formalités - renouvellement d'adhésion
Parmi les différentes formalités à accomplir en début d’année, il en est d’obligatoires et il en est d’autres fortement conseillées. Les premières concernent d’abord la déclaration de rucher à la Direction des Services Vétérinaires départementale (arrêté interministériel du 11 août 1980). Sur ce document, on déclare et c’est important, le nombre de ruches possédées à cette époque. Ce document sera nécessaire pour obtenir une carte d’apiculteur transhumant pour ceux qui déplacent leurs ruches d’un département à l’autre.
La tenue à jour du Carnet de Registre d’élevage est également obligatoire (arrêté du 5 juin 2003). L’agent sanitaire local peut demander à le consulter en cas de visite de routine ou en cas d’épizootie. C’est dans ce carnet que nous vous conseillons de ranger tous les documents administratifs ou non relatifs au rucher (déclaration de ruches, contrat d’assurance, analyse de miel, carte de transhumance…).
Assurer ses ruches n’est pas obligatoire mais très, très fortement conseillé. Il existe au moins trois possibilités :
- Prendre une assurance spécifique auprès de son assurance personnelle. Ce n’est peut-être pas la meilleure solution car les apiculteurs sont organisés de façon à répondre à ce besoin d’assurance. Votre syndicat départemental, affilié au Syndicat National d’Apiculture (Fédération de syndicats) propose généralement deux types d’assurance.
- La responsabilité civile (R.C.) qui assure les dégâts éventuels provoqués par l’apiculteur et ses colonies pour un coût minime.
- L’assurance multirisque propose en plus de la R.C. plusieurs formules d’assurance qui peuvent couvrir tous les risques. Alors, pourquoi aller chercher ailleurs ce que votre syndicat sait faire ?
Pour s’assurer, il faut adhérer au syndicat ou bien renouveler son adhésion (l’assurance prend effet le jour de son enregistrement). C’est à faire sans tarder pour faciliter le travail de toutes les équipes de bénévoles, qu’elles soient départementales ou nationales. Nous n’avons jamais eu autant besoin d’être syndiqué. Outre les divers services que le syndicat rend sur le plan local (assurances, conseils et aide technique, sanitaire, formation, groupement d’achat…), il représente la profession auprès des administrations et peut comme c’est le cas actuellement s’engager dans des conflits avec des firmes très puissantes, pour défendre nos intérêts, nos abeilles dont le rôle majeur de pollinisatrices s’accorde bien avec celui non moins important de sentinelle de l’environnement. Notre revue L’Abeille de France vous en tient régulièrement informés. Alors adhérez, renouvelez votre adhésion, incitez les apiculteurs isolés à nous rejoindre.
Si les dirigeants des deux grandes centrales syndicales nationales ont gagné quelques combats contre ces firmes, ils n’ont pas hélas gagné la guerre des pesticides. A nous de les soutenir en adhérant massivement.
Visites au rucher
Au rucher, l’activité apicole est quasi nulle. Lors des visites régulières, nous nous bornerons à veiller que les ruches soient toujours bien installées, que les trous de vol soient libres. Il se peut que de fortes accumulations de glace empêchent les échanges gazeux. Dans ce cas, il faut dégager, sans heurt, le trou de vol.
Des chutes cumulées de neige peuvent recouvrir totalement les ruches. Cela n’a rien d’inquiétant. Si on déneige, on observe alors qu’il s’est formé une poche d’air devant le trou de vol autorisant la respiration de la grappe.
Laissons donc les ruches enfouies d’autant que la neige non transformée en glace est perméable à l’air. De plus, elle possède un pouvoir isolant. Dans un igloo, grâce à la respiration des personnes qui s’y trouvent, la température de l’air est proche de 0°, même s’il fait – 30° à l’extérieur (souvenir de jeunesse du chasseur alpin !). Ce qui paraît plus dangereux, ce sont les ruches installées en zone inondable. Si risque il y a de les voir « patauger », on peut prévoir de les surélever précautionneusement d’une ou deux hauteurs de parpaings. Sitôt le danger passé, elles seront remises à leur niveau. Lors de ces visites, si la température est douce, nous pourrons peut-être observer quelques sorties d’abeilles qui exécutent leur vol de propreté salutaire.
A l’inverse, les ruches qui ne présentent aucune activité pendant plusieurs journées consécutives au cours d’une période douce sont à surveiller : faibles ? Malades ? Mortes ? On peut pour celles-ci et par sécurité, réduire le trou de vol pour éviter un éventuel pillage de ces colonies qui ne présentent pas ou peu de défense.
Controler Varroa
Si le contrôle d’efficacité du traitement d’été anti-varroa n’a pas pu être exécuté en décembre, c’est maintenant l’ultime période sans couvain pour le mettre en œuvre. Dès la reprise de ponte qui ne saurait tarder, notamment dans les zones du Sud, les varroas rescapés vont se précipiter dans les cellules occupées par des larves de 5 jours, juste avant l’operculation. Ils se nourriront de l’hémolymphe des nymphes en cours de transformation et se multiplieront à l’abri d’un éventuel traitement tardif.
Le cycle infernal rompu pendant la trêve hivernale sans couvain repart et l’apiculteur qui a négligé ce contrôle ou qui ne l’a pratiqué que tardivement, ne peut s’en prendre qu’à lui-même, s’il constate à posteriori la naissance d’abeilles atrophiées.
C’est le signe indiscutable que le nombre de varroas devient dangereux pour la colonie. Seul un traitement à libération lente peut désormais entraver le développement de l’acarien.
Un mode opératoire du contrôle a été largement décrit en novembre, nous n’y reviendrons pas.
La propolis : qualités, composition, utilité
L’apiculteur débutant qui découvre la propolis considère d’abord qu’elle représente un inconvénient : cadres collés, dépôts derrière les crémaillères, entre les planchettes couvre-cadres… lorsqu’il utilise un tapis comme couvre-cadres, il le retrouve soudé au sommet des cadres et il faut tirer par à coups pour le décoller : les abeilles n’apprécient pas toujours les mouvements saccadés.
D’où vient cette matière collante, salissante et à quoi sert-elle pour la colonie ?
Les abeilles recueillent la propolis (dont la teinte va du jaune au brun noir), pendant les heures chaudes de la journée, sur les bourgeons de certains arbres : peupliers, bouleaux, aulnes, marronniers d’Inde, frênes, saules, chênes… Elles l’agglutinent sur la corbeille des pattes postérieures, de la même façon que pour le pollen. Dans la ruche, la propolis n’est pas stockée dans les alvéoles, mais elle est déposée, çà et là pour boucher quelques fissures, enduire les surfaces irrégulières, les cadavres d’animaux trop volumineux à évacuer. Une colonie peut ainsi récolter de 100 à 300 g de cette substance résineuse, dont la composition diffère selon son origine florale. Elle est composée en moyenne de :
- 50 à 55 % de résines et de baumes,
- 20 à 35 % de cire
- 5 à 10 % d’huiles essentielles
- 3 à 5 % de pollen
- 5 % environ de matières diverses d’origine organique et minérale.
Malléable dès 21°, elle fond à partir de 66° et est soluble dans l’alcool. Par ailleurs, la propolis possède des substances bactéricides, fongicides et virulicides nécessaires à l’auto-entretien sanitaire de la colonie. Pour des ruches installées en zones non boisées, un manque de propolis pourrait favoriser le développement des maladies bactériennes et des (loques…). Parmi les différentes races d’abeilles européennes, c’est Apis mellifera caucasica qui possède le plus fort instinct à propoliser.
En ce qui concerne l’utilisation de la propolis pour la santé humaine, nous ne sommes pas qualifiés pour parler de l’usage thérapeutique des produits du rucher (l’apithérapie). Aussi, suggérons-nous de consulter les articles spécialisés dans cette discipline et de prendre un avis médical. D’autre part, il faut être conscient que la propolis peut parfois provoquer des allergies sur des personnes sensibles (dermatoses des apiculteurs, moins d’1 pour 1000).
Enfin, il faut savoir que les traces de propolis sur la peau sont rebelles au lavage à l’eau savonneuse. Dans ce cas, on peut avoir recours à l’alcool qui dissout cette matière tout comme l’essence de térébenthine.
Traiter la propolis
Tout au long de l’été, nous avons parfois récolté de la propolis issue du grattage des cadres et des boiseries des ruches. Celle-ci nécessite d’être triée car elle contient de nombreux éléments étrangers ou impuretés : de la cire, du bois, des petits clous… Les apiculteurs qui désirent récupérer de la propolis déposent une grille sous le couvre-cadres ou la placent carrément en guise de couvre-cadres. Les abeilles déposent alors cette substance résineuse mais aussi de la cire dans les interstices de la grille (2 x 20 mm environ). Dès que la grille est remplie, on peut récupérer la propolis en essayant de la séparer de la cire. Le grattage est inefficace. Une méthode simple consiste à refroidir la grille par exemple dans le congélateur. Au bout de quelques heures, le froid a durci et rendu cassante la propolis. On récupère la grille, on la roule, on la déroule, on la frappe au-dessus d’une surface propre. Les fractions de propolis et de cire se détachent alors facilement. Mélangée ou non avec ce que nous avons obtenu par grattage, la propolis doit être séparée de ses impuretés, soit pour la vendre, soit pour la conserver en vue de la consommer. L’un de nos fidèles lecteurs, M. Edmond COUTURIER nous propose la méthode qu’il utilise et que nous avons adoptée :
- Trier visuellement à l’aide d’une pince brucelles pour éliminer les plus gros déchets (cire, bois, parties métalliques).
- Loger la propolis « brute » dans un sachet plastique épais, en une couche mince et le déposer au congélateur pour quelques heures.
- Ecraser au marteau la propolis refroidie brute, toujours dans son sachet.
- Vider le contenu du sachet dans un récipient plein d’eau froide. Brasser l’ensemble et laisser reposer quelques instants. La propolis plus dense que l’eau coule au fond du récipient, alors que la cire et les débris de bois remontent à la surface.
- Ecrémer entièrement la surface du liquide. Ces déchets sont à éliminer.
- Filtrer, récupérer, étaler la propolis ainsi nettoyée à l’air libre, à l’ombre du soleil pour séchage.
- Pratiquer si besoin un deuxième tri visuel pour éliminer les éventuels déchets métalliques.
- Empaqueter la propolis parfaitement séchée, dans une boîte opaque de qualité alimentaire, à conserver à température fraîche, au réfrigérateur par exemple.
NB. L’apiculteur qui ne souhaite pas utiliser la propolis à des fins thérapeutiques ou commerciales peut la conserver brute pour alimenter l’enfumoir : une pincée rajoutée au combustible calme les abeilles et dégage une odeur agréable.
Participer à la vie syndicale
Le bon fonctionnement des équipes syndicales apicoles (mais aussi sanitaires), qu’elles soient locales, départementales ou nationales ont besoin d’hommes et de femmes qui s’engagent à donner un peu de temps pour accomplir quelques missions à hauteur de leurs propres capacités. Librement consentie, c’est une aventure passionnante, enrichissante.
Paradoxalement, alors que le temps de loisir prend le pas sur celui du travail, l’engagement pour la cause commune en général et apicole en particulier, marque le pas. Repli sur soi-même, peur des responsabilités, égoïsme, ignorance, désintérêt, peur de se mettre en avant ?
Le résultat est que les équipes vieillissent et sont majoritairement composées de sages retraités (dont je fais partie).
Si l’envie de faire est toujours là, progressivement le poids des années freine naturellement le dynamisme de celui qui de surcroît n’est plus dans le circuit de l’activité générale en constante évolution.
Partant de ce constat, j’invite nos jeunes collègues pleins d’idées et d’allant, à participer aux différentes assemblées générales locales et à s’engager pour la cause apicole. Il y a fort à parier qu’ils ne le regretteront pas.
Vos innovations, trouvailles ou expériences
Quel est celui d’entre nous, débutant ou apiculteur confirmé qui n’a pas tenté un essai, mis au point une méthode ou tout simplement réalisé un outil utile à l’apiculture ? Quand
je visite un rucher, je suis souvent surpris de l’ingéniosité de son propriétaire en observant sa pratique et ses outils.
Vous avez vous-même peut-être un petit truc bien personnel, qui pourrait se révéler utile à tous nos collègues. Et si vous nous en faisiez part ? Ecrite, décrite, votre trouvaille ou méthode personnelle pourrait trouver sa place dans les colonnes de l’Abeille de France dans la mesure où elle est originale et profitable à tous.
Il est regrettable que ces mille et une petites choses réalisées et réussies, restent dans l’ombre des ruchers plutôt que d’être portées à la connaissance de tous. La mise par écrit est peut-être un frein pour certains, mais ne doit pas être rédhibitoire. Alors, à vos stylos pendant que l’activité apicole hivernale vous en laisse le temps. Nous attendons de connaître vos petits ou grands secrets …
Le temps de lire et de s'informer
L’hiver ne doit pas être la seule période pour se former et s’informer de tout ce qui concerne l’abeille. Mais nos soirées qui sont plus longues sont propices à la lecture. Le S.N.A. et ses satellites que sont les syndicats départementaux proposent une grande diversité de livres et de publications pour tous les goûts et tous les âges. Et si lire n’est pas votre tasse de thé, vous pouvez vous rendre aux Assemblées Générales ou réunions apicoles, conférences, stages divers car c’est là que circule l’information dans la grande famille des apiculteurs. L’ambiance y est conviviale et l’on y fait des rencontres tant utiles qu’amicales.
A l'atelier
à l’atelier que le travail ne manque pas : remise en état et désinfection des ruches disponibles, confection de cadres, gaufrage, réparation des outils ou des matériels. Tout doit être remis à neuf pour démarrer la prochaine saison, le temps passe si vite : il n’y a rien de plus rageant que d’être à court de ruches ou de cadres en état le jour où l’on en a besoin.
Pour stocker ces derniers, j’ai fixé au plafond de mon atelier, deux jeux de deux rails horizontaux distants de telle façon qu’on puisse les glisser et les empiler verticalement.
L’un des deux jeux est réservé aux cadres à remettre en état et l’autre aux cadres prêts à l’emploi. Avec ce système, on peut ranger un maximum de cadres pour un minimum d’encombrement. Une précision toutefois : il ne faut pas stocker des cadres bâtis et encore moins si la pièce est tempérée. La fausse teigne s’y développerait facilement.
Consommation hivernale
Nous avons souvent écrit que pour bien hiverner, une colonie doit disposer de 12 à 15 kg de miel ou d’aliment équivalent (sirop transformé). Cette fourchette de poids tient compte de la consommation réelle de la colonie qui est elle-même fonction du volume de la grappe et des conditions climatiques.
D’octobre à mars, on évalue la consommation à environ 9 kg dans les régions tempérées, auxquels il faut rajouter quelques kilos supplémentaires au cas où les rentrées de nectar seraient faibles en début de printemps. Pour résumer, il est souhaitable que la colonie vive en permanence dans une certaine opulence pour hiverner en toute sécurité alimentaire et pour assurer son développement au moment voulu. Alors que nous sommes au cœur de l’hiver, seul un apport de candi peut être proposé si on soupçonne un manque de nourriture. Nous le déposerons dans les mêmes conditions que celles décrites dans la Page des Jeunes de novembre, en prenant soin d’éviter tout choc ou fausse manœuvre susceptible de déranger la grappe, et ce lors d’un redoux.
Conclusion
Tout au long de l’année, nous rédigeons (Francis ANCHLING et votre serviteur) en collaboration cette page des jeunes, naturellement chacun avec sa propre personnalité et sa propre expérience.
Avons-nous l’année dernière rempli notre mission ?
Chers amis lecteurs, c’est à vous qu’il appartient de le dire, de nous faire part de vos souhaits, de vos idées ; nous tenterons de répondre au mieux à vos interrogations, dans la limite de nos possibilités respectives.
En 2005, nous comptons donc sur vous, sur vos critiques, tant négatives que positives et utiles pour comprendre vos aspirations et mieux vous servir. En attendant ce retour de courrier, Francis et moi-même vous présentons ainsi qu’à vos familles, tous nos vœux de santé, de bonheur et la réussite dans la passion qui nous réunit : l’élevage de l’abeille.
B. Cartel