Avec l'aimable autorisation du SPMF
SAMAP - Délégation Régionale Midi Pyrénées du SPMF
Réflexion sur les résidus d'antibiotiques (2003)
Par Joël Schiro
Délégation Régionale Midi Pyrénées du Le 25 janvier 2002, soit quatre jours avant la 71éme assemblée générale du SPMF à Samatan, la commission de Bruxelles a décidé l'arrêt total des importations de miels chinois (acté n° 2002/69/CE du 30 janvier 2002). Cette décision est consécutive à la découverte de résidus de chloramphénicol dans le miel (1), un antibiotique prohibé en médecine vétérinaire tant en Europe qu'aux Etats-Unis.
Le miel Chinois représentait ces dernières années 15 à 20% de la consommation totale de l'UE (importations + production intérieure). C'est un euphémisme de préciser que la qualité médiocre de la quasi totalité de ces " miels ", utilisés dans l'industrie ou pour les " premiers prix " de supermarché, tirait l'ensemble des prix vers le bas, et constituait un obstacle dirimant à une vraie segmentation du marché.
Illustration du coté surréaliste des débats actuels de la filière, cet événement, pourtant l'un des quatre ou cinq plus importants de ce dernier quart de siécle, est passé totalement inaperçu et n'a fait l'objet d'aucun débat au cours de l'assemblée générale.
Ces quelques lignes n'ont pour pas pour objet d'analyser le marché à la seule lumière de la situation nouvelle ainsi créée (2). Il s'agit plutôt d'apporter à ceux qui n'ont pas encore les neurones anesthésiées par la désinformation véhiculée à longueur de colonne par la presse apicole, quelques éléments d'information indispensables à la réflexion. Bien entendu, j'encourage chacun à aller vérifier s'il n'y a pas d'erreur dans ce qui va suivre, et surtout, ne pas hésiter à apporter sa pierre. La question des résidus d'antibiotique est un nouveau dossier syndical d'une importance majeure. Nous verrons bien si une correction systématique de la désinformation, dans la mesure du possible au fur et à mesure, permettra d'éclairer un peu mieux le débat et servira à quelque chose.
Mise au point à propos de quelques contres vérités glanées récemment sur les revues de décembre 2002
1. Les méthodes de recherche de résidus d'antibiotiques dans le miel ne sont ni validées, ni fiables.(3)
Cela est totalement faux
La contestation des méthodes et/ou résultats d'analyses est désormais l'argument " tarte à la crème " habituel de tous les hypocrites qui ne souhaitent pas débattre du fond d'un sujet. Le but est de noyer le poisson sous une avalanche d'approximations " techniques " difficilement accessibles même aux spécialistes.
En ce qui concerne ce type d'analyse, plusieurs méthodes ou appareillages ont été testés. Bien entendu, il y a eu des tâtonnements. Mais aujourd'hui, lorsqu'un laboratoire homologué délivre un résultat positif, il y a bel et bien des résidus d'antibiotique dans l'échantillon analysé. Les méthodes les plus économiques, (Elisa et Charm-Test) sont aussi les moins fiables. C'est la raison pour laquelle tout résultat positif obtenu ainsi est systématiquement validé ensuite par l'HPLC que personne ne conteste. Il est de notoriété publique que le test Elisa en particulier, fournit assez souvent des " faux positif ".
Sans entrer dans les détails, pour les antibiotiques " classiques ", (streptomycines, sulphonamides, tétracyclines), on est passé en quelques années d'un seuil de détection de 500 PPB, (0.5gr/tonne) à 10 PPB (0.01gr/tonne). Ceci pour les analyses de routine. Il est possible de descendre beaucoup plus bas si nécessaire.
Pour le chloramphénicol, les enjeux sont différents puisqu'il s'agit d'une molécule classée à haut risque. En conséquence, même les analyses de routine offrent un seuil de détection beaucoup plus bas : 0,3PPB (0,0003 gr/tonne).
C'est sur la base de ces analyses qualifiées par la presse apicole de " non fiables " et " non validées " que l'Union Européenne a bloqué les importations de toutes les productions animales d'origine Chinoises. (Miel, volailles, lapins, mollusques, crevettes, crustacés….même les aliments pour chiens et chats).
Inutile de dire que si ces analyses n'étaient pas fiables, cela fait longtemps que la frontière aurait été ré ouverte.
La seule question qu'on peut se poser sur ce point est la suivante : comment se fait-il que des apiculteurs qui sont dans leur vie quotidienne des gens équilibrés, sont ils capables, sur ces sujets qui les touchent de si prés, d'avaler de pareils canards. Peut-être ne lisent ils pas la presse apicole ?
2. " Ce sont les conditionneurs et la grande distribution qui demandent des analyses ".
Faux
Ce sont bien entendu les autorités sanitaires qui imposent le respect de la réglementation en vigueur. Les conditionneurs et la grande distribution ne font que répercuter les contraintes légales auprès de leurs fournisseurs.
La aussi il faut être bien ignorant des réalités du marché pour ne pas réagir devant une telle mystification.
Depuis la découverte inopinée des premiers résidus de streptomycine dans le miel il y a 5 ans, le travail des acheteurs est devenu particulièrement risqué. Certains salariés qui ne supportaient pas le stress lié à ces nouveaux risques ont même demandé à changer d'affectation.
3. " Nous devons démontrer que le miel peut être pollué par des pollutions extérieures ".
Là, c'est plus subtil car ce n'est faux qu'à 95%
Il reste effectivement quelques cas probable de contamination exogène. De la à masquer par ces 5% les 95% de pollutions consécutives aux pratiques apicoles il y a un pas. Je refuse pour ma part de cautionner si peu que ce soit une telle dérive syndicale.
Inutile pour se fixer clairement une opinion sur ce point de palabrer des heures. Contentons nous d'un simple problème de mathématiques.
Pour la plupart des antibiotiques utilisés contre les loques, (Oxytétracycline par exemple) la dose administrée est de 1,5 grammes de matière active par colonie. (Soit trois fois 0.5 gramme/ruche, à 8 jours d'intervalle. D'autres posologies ou techniques sont également possibles. Il s'agit simplement d'essayer, par un calcul simple, de " visualiser " ce que l'on entend aujourd'hui par " résidus ").
300 grammes de matière active sont donc nécessaires pour traiter 200 ruches.
Si on admet une moyenne de 20 kg, ces 200 ruches récolteront au total quatre tonnes de miel (4 000 kg).
Il suffira donc qu'une seule de ces ruches déplace du corps dans la hausse 0,1 gramme d'antibiotique non consommé, pour polluer la totalité de la récolte à hauteur de 25 ppb.
En supposant une hétérogénéité parfaite, si chaque ruche remonte 0,0005 Gramme, (soit 0,5 milligrammes ou 0,033% de la dose administrée) on obtiendra la même pollution de 25 ppb.
En l'absence de LMR, il n'est tenu compte en ce moment que de la limite de détection des laboratoires, soit 10 ppb. En conséquence, ces 4 tonnes de miel devraient normalement être retirées du marché.
Compte tenu des pratiques apicoles actuelles, il n'est donc pas étonnant, même en l'absence de pollution extérieure, que l'on retrouve fréquemment des résidus dans le miel.
On peut bien sûr apporter des variantes :
- Si 10 ruches remontent chacune 0,1gr, on arrive à 250 ppb.
- Si les 200 ruches récoltent 40 kgs au lieu de 20, on est à 12,5 ppb.
- Si on ne traite qu'une ruche et qu'elle remonte 0,1gr, toutes choses égales par ailleurs, on obtient le même niveau de 25 ppb…. etc.
En bref, il n'est pas besoin d'aller chercher des échappatoires auprès des traitements contre le feu bactérien ou les élevages industriels de cochons, poulets…. Ou autre.
Les pratiques apicoles actuelles suffisent largement pour expliquer la présence de résidus d'antibiotiques dans un pourcentage considérable d'échantillons. (4)
Comme sur tous les autres sujets, plusieurs points nécessitent d'arrêter une " ligne " (ou cohérence) syndicale.
Entre autre :
- Faut il fixer une LMR ou non ?
- Si oui, à quel niveau ?
- Quid de l'image du miel ?
Mais pour cela, il faudrait au préalable un minimum de rigueur et de transparence. Que se passe t il réellement sur le terrain ?
Par ailleurs et au-delà du domaine syndical, il y a l'idée que chacun se fait de l'honnêteté intellectuelle. Manifestement nous n'avons pas tous la même.
En ce qui me concerne :
- Je sais que nos pratiques apicoles peuvent dans certains cas générer des résidus.
- Je sais que, légalement, en l'absence de LMR, tout miel " contaminé ", devrait être détruit.
- Je sais que des lots importants de miels chinois ont été incinérés.
Même si " nos " antibiotiques n'ont rien à voir avec le chloramphénicol, je sais que d'ici quelques semaines ou quelques mois, il dépend d'une décision administrative délocalisée, en France ou sur le territoire communautaire, qu'un apiculteur se voit imposer la destruction de sa récolte. C'est un danger énorme. Le premier rôle d'un syndicat est d'informer correctement ses adhérents, pas de les maintenir dans l'ignorance et encore moins de leur faire risquer la destruction ou le déclassement de leur production.
Je préfère prendre date dés aujourd'hui. Ceux d'entre vous qui se laisseraient bercer par la manipulation/désinformation des revues risquent de tomber de haut.
Sur ce sujet, la question primordiale n'est pas de " Démontrer que le miel peut être pollué par des pollutions extérieures ".
La vrai question, est D'informer les apiculteurs sur les risques qu'ils courent s'ils n'adaptent pas leurs pratiques professionnelles à l'évolution de la réglementation et des techniques de contrôle.
Il y a dans ce dossier une dimension économique évidente. La sur utilisation des antibiotiques se justifie avant tout par des économies d'échelle et de main d'œuvre. Sous réserve d'une rémunération correcte de nos produits (Miel, pollen, gelée royale etc..) et de nos services (pollinisation), il est parfaitement possible d'adapter nos techniques de travail à un objectif " zéro résidus " très rapidement.
Bien entendu les choses seraient grandement facilitées si nos abeilles étaient moins exposées aux intoxications par produits phytosanitaires. A l'évidence, un organisme affaibli est beaucoup plus sensible aux attaques de microbes, parasites et autres virus pathogènes, ce qui nécessite, mécaniquement, une utilisation accrue des médicaments disponibles.
Joël Schiro. 15 janvier 2003.
Notes
1) Notons pour la petite histoire qu'une scientifique de L'AFSSA SOPHIA ANTIPOLIS faisait partie de la mission de l'Office Alimentaire et Vétérinaire, (OAV) qui a constaté en Novembre 2001 " de graves lacunes dans le système de contrôle de l'administration Chinoise". Elle avait eu l'occasion de lire avant de partir le numéro spécial du SPMF à propos de l'adultération des miels. (Consultable sur Internet : www.apiculture.com/spmf )
2) Les prix pour les miels les plus courants ont flambé tout au long de 2002. Jusqu'à 150% d'augmentation pour certains pays. Les mono floraux ou régionaux spécifiques, pour l'instant, n'ont quasiment pas évolués. Cette hausse se fera dans un deuxième temps, probablement en 2003/2004 si l'embargo (et/ou les contraintes actuelles) est maintenu. En outre, la nouvelle directive (2001/110/CE), qui oblige à l'indication d'origine entrera en vigueur en Août 2003. Je doute que l'origine " Chine " (qui n'était déjà pas très valorisante) ait acquis une image positive après cette affaire.
3) Une méthode d'analyse est " fiable " dés lors qu'elle ne fournit ni " faux positif ", ni " faux négatif ". La précision, qui est secondaire, est toujours recherchée après que les tests de fiabilité aient été validés.
4) On admet que de 10 à 30% des miels sont décelés positifs, la plupart à moins de 50 PPB. La proportion peut dépasser 50 % sur les premières récoltes de printemps.