Miels d'Asie Centrale (2005)
Ouzbékistan - Kirghizstan - Tadjikistan - Kazakhstan
  
Par Thierry Sompairac

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Apiculture d'Asie Centrale
L’Asie centrale présente un milieu naturel varié, composé de plaines, de déserts et d’une chaîne de montagnes qui se prolonge jusqu’aux premiers contreforts de la chaîne himalayenne.

On y trouve d’immenses espaces vierges, non pollués, riches en plantes mellifères variées. Le milieu se prête donc particulièrement bien à l’apiculture. Les principaux pays producteurs de la région sont l’Ouzbékistan , la Kirghizie, le sud du Kazakhstan et le Tadjikistan.

L’apiculture avait connu un fort développement en Asie centrale du temps de l’Union Soviétique, qui avait encadré administrativement la production de miel dans chacune des républiques, mais qui autorisait de surcroît les apiculteurs particuliers de vendre leur production et ainsi de se constituer des revenus privés particulièrement prisés à l’époque.

Les apiculteurs d’Asie Centrale s’appuient donc sur une tradition ancienne et sont capables d’effectuer des opérations complexes (élevage de reines, etc). On peut rencontrer des dynasties de plusieurs générations d’apiculteurs, de véritables clans, telle cette famille de la vallée de Fergana qui réunit environ 4.000 ruches.

beekeeper

Il y a un grand nombre d’apiculteurs amateurs pour lesquels le miel reste à destination familiale. Les apiculteurs professionnels ont en général entre 150 et 350 ruches à cadres et pratiquent à 90 % une apiculture transhumante, la plupart des ruches étant fixées à demeure sur des remorques (deux ou trois rangées). La race d’abeilles la plus répandue est l’Apis mellifica carnica, écotype carpathe, race particulièrement bien adaptée à l’environnement local, lequel se caractérise notamment par de grandes variations de températures.

Les transhumances s'effectuent à l'aide de remorques ouvertes ou de petites roulottes. Ces dernières sont particulièrement bien organisés : les opérations s’effectuent depuis l’intérieur, avec un extracteur intégré dans l'abri. Les apiculteurs eux-mêmes vivent dans la roulotte.

La saison apicole est variable suivant les régions : les régions sud, limitrophes de l’Afghanistan démarrent pratiquement en mars, les autres un peu plus tard.

Les apiculteurs travaillent au printemps sur une ou plusieurs régions sauvages, par exemple ceux qui sont basés dans la zone centre de l’Ouzbékistan (Samarkand, Jizzak) partent pour le désert du Kyzylkoum avant de remonter dans les montagnes au nord de Samarkand. De même, les Kirghizes et les Ouzbèks de la vallée de Fergana (Fergana, Namangan, Andijan, Osh) partent déjà dans la montagne kirghize en avril/mai. Puis en juillet, tout le monde revient travailler dans les plaines pour le début de la saison du coton qui s’achèvera vers la fin septembre.


Transhumances de printemps / Transhumances d'été

Ce mode opératoire permet aux apiculteurs de travailler pendant la moitié de la saison dans des régions sauvages, loin de toutes villes, usines et plantes cultivées. Avec quelques changements mineurs des pratiques de production, ce miel sera prêt pour une qualification en miel biologique.

La plus grande difficulté rencontrée par les apiculteurs locaux est la commercialisation de leurs produits. Du temps de l’Union Soviétique, cette question était prise en charge par l’État, à l’exception des petites ventes personnelles locales. Aujourd’hui, personne n’a pris la relève en dehors de contrebandiers turcs ou russes qui viennent acheter des marchandises de manière sporadique.

L’apparition de Cenasco en tant qu’acheteur a modifié ce contexte ainsi que les comportements des apiculteurs, qui commencent à voir des possibilités de commercialisation régulières de leurs produits. Ainsi, ils ont commencé à faire beaucoup plus attention aux médicaments qu’ils utilisent pour traiter leurs ruches. Toutefois, la faible productivité locale a encore un impact négatif sur les coûts de production et donc sur les prix de vente.

Les miels d’Asie Centrale
Il est aujourd’hui impossible de produire des statistiques régionales fiables et les chiffres les plus fantaisistes circulent sans recoupements possibles. Toutefois, il s’agit d’une production de plusieurs milliers de tonnes par pays (Ouzbékistan, Kirghizstan, Tadjikistan et sud du Kazakhstan).

Aujourd’hui, seul le Kirghizstan a obtenu un agrément d’importation européen. L’Ouzbékistan a également commencé à travailler ce sujet.

Coton
Noms scientifiques : Gossipium arboreum, Gossipium herbaceum
Ce miel monofloral représente environ 50 % de la production totale régionale.
Il faut signaler à ce sujet que la culture du coton, longtemps grosse consommatrice de pesticides, est devenue propre depuis la disparition de l’Union Soviétique, non pas pour des raisons idéologiques, mais parce que les pesticides coûtent trop cher. Ils ont été remplacés par une forme de lutte biologique : on disperse dans les champs de coton une sorte de petit papillon qui est le prédateur naturel du ver du coton. Le miel de coton n’est donc pas contaminé par des produits de traitement de la plante. Il s’agit d’un miel crémeux, de couleur ambrée claire (17 à 35 mm environ) et au goût doux sans amertume ni acidité excessive, agréable, floral.

Les autres 50 % de la production se répartissent entre des miels monofloraux assez typés et des miels polyfloraux de fleurs sauvages, ces derniers étant essentiellement récoltés dans les montagnes de Kirghizie.

Yantak 
Noms scientifiques : Alhagi canescens (Regel) Keller & Shap., Alhagi kirghisorum Schrenk (camel’s thorn), Alhagi persarum Boiss. & Buhse, Alhagi pseudalhagi Desv.
Famille Galegeae
Synonyme français : herbe à chameaux.
Buisson pérenne piquant, présent notamment dans le désert du Kyzylkoum.
Cette plante donne un miel ambré clair, assez doux, sans amertume, légèrement acidulé, assez agréable, floral.

Akuraï
Noms scientifiques : Psoralea drupacea, Cullen drupaceum (Bunge) Stirton
Autres espèces Cullen americanum, Cullen cinerea, Cullen corylifolium, Cullen drupaceum, Cullen glandulosa, Cullen graveolens, Cullen obtusifolium, Cullen patens, Cullen tenax, Cullen tomentosum
Famille Fabacea
Herbe pérenne, utilisée pour le traitement du vitiligo (disparition, par plaques limitées, de la pigmentation de la peau).
Blanc neigeux, plaisant au goût, pas d'amertume, coloration inférieure à 10 mm en général.

Vasiliok
Noms scientifiques :Centaurea squarrosa, Centaurea depressa, Centaurea ruthenica
Famille Asteraceae
Herbe pérenne. Cette plante donne un miel ambré moyen, à la saveur un peu piquante, assez typée.
Il faut noter que l’ensemble de la région, en particulier les plaines et les déserts, est particulièrement sec et que ceci se retrouve dans le taux d’humidité des miels récoltés (seulement 16 à 17 % !).

Il convient toutefois de nuancer ce tableau idyllique : si les conditions exogènes de l’apiculture centrasiatique sont excellentes, les pratiques des apiculteurs locaux laissent parfois à désirer par manque de connaissances (par exemple utilisation d’antibiotiques à des fins prophylactiques). Les analyses peuvent révéler la présence de résidus d’antibiotiques à des niveaux prohibés. La plus grande prudence est donc de rigueur. L’utilisation de sucre reste à un niveau très raisonnable de 5 kg par ruche et par an. Nous n’avons rencontré aucun cas d’adultération.