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Des pissenlits à perte de vue
Mars, ça repart (2004)
Par F. Anchling
C'est que mars est encore un mois d'hiver qui s'en va comme à regret dans une valse hésitation, poussé vers la sortie par un soleil qui chaque jour s'enhardit et grimpe un peu plus au-dessus de l'horizon.
Nos ancêtres n'avaient pas de télé, mais le temps de se fondre avec la nature, d'étudier ses différentes phases, et de ces longues observations ils nous ont laissé quelques dictons, qui chaque année se vérifient sans peine. Ainsi cet avertissement « En mars soigne tes abeilles, comme si le lendemain devait être un jour de mauvais temps » doit nous guider et nous inciter à la prudence dans nos interventions au rucher.
Il est certain que le jeune apiculteur devient fébrile lorsque le soleil réchauffe l'atmosphère et que la gent ailée remplit l'air d'un vrombissement réjouissant. Il peut alors observer, après chaque claustration, un nombre de plus en plus important de sorties pendant lesquelles les abeilles font face à la ruche, tournent en rond et exécutent des cercles de plus en plus larges. Ce sont de jeunes abeilles qui se repèrent pendant plusieurs séances avant de pouvoir se lancer à l'aventure, en quête de quelque subside. Puis un peu plus tard il constate que presque partout les abeilles rentrent du pollen, et que d'autres pompent de l'eau dans les flaques.
Ce sont les signes visibles de la reprise d'activité à l'intérieur de la ruche : ponte de la reine et élevage du couvain. Et cette activité s'accélère de jour en jour, comme conditionnée par la lente montée du soleil au-dessus de l'horizon. Le réchauffement de l'atmosphère à pour conséquence le développement d'un couvain qui doit être nourri alors que les ressources extérieures sont encore absentes. Les nourrices puisent alors dans les réserves pour alimenter les larves naissantes.
Comment aider mes colonies ?
Le jeune apiculteur devra se convaincre que pour exister et se développer, la colonie que l'on peut appeler « l'unité abeille » est influencée par son logement, son environnement, ses provisions. Chaque intervention de l'apiculteur perturbe l'harmonie qui doit exister entre tous ces facteurs et engendre un stress prolongé préjudiciable au bien être de l'unité. Il faut se pénétrer de cette réalité : le rôle de l'apiculteur n'est pas d'ordonner à ses colonies une marche à suivre, mais d'accompagner leur développement en éliminant tout ce qui pourrait l'entraver ou le ralentir. Et les obstacles sont nombreux : varroas, pollution chimique dans la ruche et dans l'atmosphère.... De nombreuses expériences conduites par des scientifiques qui ont compté le nombre d'abeilles et les surfaces de couvain à intervalles réguliers et répétés, ont établi avec certitude que l'unité abeille n'acceptait pas la modification de son horloge biologique, uniquement réglée par l'harmonie environnementale.
L'apiculteur doit vivre comme ses colonies, au rythme des floraisons qui constituent le seul calendrier vraiment opérationnel pour la conduite d'un rucher. Des observateurs avertis ont constaté que les espèces ne fleurissent pas dans le désordre; bien au contraire, chacune vient à son heure et avec une régulière constance d'une année sur l'autre et aussi d'une région à l'autre. Pour conduire son rucher en harmonie avec la nature et la biologie de l'abeille, il est recommandé de se constituer un calendrier des floraisons. Il est certain que les dates de floraison varient en fonction des données climatiques et que nous relèverons quelques écarts, mais avec le temps il en résultera une moyenne très utile pour programmer nos décisions.
Ainsi quelques repères naturels guideront nos interventions tout en se rappelant que moins on dérange une ruche mieux elle se porte.
- Avant la floraison des saules et noisetiers : aucune intervention n'est possible sauf cas de force majeure. C'est uniquement au trou de vol que nous rechercherons les signes révélateurs de l'état de nos colonies.
- Pendant la floraison des saules, par temps calme et si la température se maintient au-dessus de 15° nous pourrons envisager le nettoyage des plateaux. C'est une opération importante car au cours de l'hiver tous les déchets (opercules, abeilles mortes, cristaux de nourriture, pelotes de pollen) s'y accumulent et avec l'eau de condensation commencent à fermenter. Certaines colonies possèdent un comportement de nettoyage très poussé et éliminent elles-mêmes la plupart des débris lors des premières sorties, mais les débris fermentés et collés entre eux sont difficiles à évacuer et il est utile d'aider à leur élimination.
- Ce n'est que lorsque le thermomètre affiche à l'ombre et pendant plusieurs jours une valeur supérieure à 17° que l'on pourra envisager la visite de printemps. Nous en reparlerons en avril.
Châtons de saule (Thunin 13)
- Lorsque les cerisiers sont en fleurs, que la température est clémente et le temps calme, nous pouvons envisager d'agrandir le volume des colonies les plus fortes permettant ainsi leur développement et le stockage du miel récolté.
- Avant la floraison des saules et noisetiers : aucune intervention n'est possible sauf cas de force majeure. C'est uniquement au trou de vol que nous rechercherons les signes révélateurs de l'état de nos colonies.
- Lorsque les pissenlits s'épanouissent et que la température est agréable, il est alors possible de commencer à faire bâtir.
- Pendant la floraison des saules, par temps calme et si la température se maintient au-dessus de 15° nous pourrons envisager le nettoyage des plateaux. C'est une opération importante car au cours de l'hiver tous les déchets (opercules, abeilles mortes, cristaux de nourriture, pelotes de pollen) s'y accumulent et avec l'eau de condensation commencent à fermenter. Certaines colonies possèdent un comportement de nettoyage très poussé et éliminent elles-mêmes la plupart des débris lors des premières sorties, mais les débris fermentés et collés entre eux sont difficiles à évacuer et il est utile d'aider à leur élimination.
- Ce n'est que lorsque le thermomètre affiche à l'ombre et pendant plusieurs jours une valeur supérieure à 17° que l'on pourra envisager la visite de printemps. Nous en reparlerons en avril.
Premières interventions
Contrôle des provisions
Si le nourrissement automnal a été suffisamment abondant et proposé assez tôt pour un bon stockage, nos colonies devraient être encore bien pourvues. La consommation des mois de décembre et janvier est relativement faible et ne dépasse pas le kg par mois. Mais dès la mi janvier la reine reprend sa ponte et le couvain se développe à partir des réserves de pollen et de miel de la colonie. La force de la population, le dynamisme de la reine, l'état sanitaire de la colonie, les conditions météo sont des paramètres qui influencent l'expansion du nid à couvain et augmentent la consommation des réserves. Il est donc prudent de soupeser les ruches pour détecter les plus légères. L'opération est relativement aisée : on soupèse une ruche vide et par comparaison, l'on s'affole ou se rassure. En cas de doute il ne faut pas hésiter à mettre un pain de candi ou un pot de miel sur le trou de nourrissement. C'est surtout en avril que ce contrôle est primordial car c'est en avril que les pertes de ruches dues à la famine sont les plus fréquentes.
Que disent nos planches d'envol
Aussi longtemps que l'ouverture des ruches est impossible pour une revue de détail, c'est sur les planches d'envol que nous chercherons à décrypter l'état de chaque colonie. Toute l'année, c'est par cette petite ouverture que bat la vie d'une colonie. C'est par là qu'elle respire et qu'elle rejette tout ce qu'elle ne supporte pas dans son domaine. C'est par là aussi qu'elle transmet son message, car c'est là l'endroit, où, par son attitude, elle nous fait connaître son état de santé, ses souffrances, si elle a besoin ou non de l'aide de l'apiculteur.
Un apiculteur passionné Monsieur Storch a condensé dans un petit ouvrage intitulé « Au trou de vol » toutes les observations faites pendant de nombreuses années avec leur explication. Ce livre est disponible à la bibliothèque du Syndicat.
Révisons ensemble quelques comportements :
- les butineuses rentrent de grosses pelotes de pollen : tout va bien, l'élevage a commencé, c'est bon signe.
- la colonie ne rentre pas de pollen ou seulement de petites pelotes : à surveiller. Si cette situation perdure, elle est peut être orpheline (attendre avril) ou malade (à contrôler de suite).
- Il n'y a aucune activité : Sans hésitation, il faut ouvrir la ruche. Peut-être celle-ci est morte de faim ou de faiblesse, la grappe était certainement trop petite pour affronter les rigueurs de l'hiver. Quelquefois nous arrivons à temps pour sauver cette colonie mourant de faim. Les abeilles resserrées sur elles-mêmes frémissent encore légèrement. À ce stade, seule solution, les arroser avec un peu d'eau miellée tiède, réduire le volume de la ruche en enlevant tous les cadres non occupés par des abeilles, mettre des partitions et nourrir, soit avec un cadre de miel collé contre la grappe soit avec un pot de miel cristallisé posé sur le trou de nourrissement.
- Une ruche morte sera évacuée immédiatement pour éviter tout pillage. À l'atelier il sera loisible de rechercher la cause du drame. Les cadres seront découpés pour être fondus et tout le matériel sera désinfecté avant d'être réutilisable.
- Lorsqu'une ruche et sa planche d'envol sont souillés par des déjections, nous avons affaire à une population malade, bien souvent on peut aussi observer de petits paquets d'abeilles sur les herbes environnantes. Il est alors impérieux de prévenir rapidement le spécialiste apicole qui vous aidera à prendre les dispositions nécessaires.
Ce petit livre explique encore beaucoup d'autres phénomènes qu'il est possible de constater à la sortie de l'hivernage et nous vous en conseillons la lecture.
Nettoyage des plateaux
Le nettoyage des planchers peut-être réalisé dès que la température atteint 15° afin de ne pas déranger des abeilles encore partiellement en hivernage La saison hivernale était propice à la révision du matériel et aussi à la construction de plateaux grillagés avec tiroir (il y en a aussi dans le commerce mais attention à la distance entre la grille et le tiroir qui doit être au minimum de 35 mm pour éviter la remontée de varroa). L'avantage du plateau grillagé pendant la saison hivernale est qu'il rend possible le décryptage de l'état des colonies tout au long de l'hiver sans les déranger. Ainsi l'on a un double diagnostic : au trou de vol et aussi sur le fond.
La technique pour remplacer un plancher est simple : la ruche est soulevée, déposée provisoirement sur un support, son plancher est enlevé et remplacé par un plancher de réserve, puis la ruche est remise en place. L'opération se déroule plus rapidement si l'on est deux. Les planchers sales sont grattés, lavés à l'eau de javel, séchés et désinfectés à la flamme, puis éventuellement réparés et repeints. Dès les premiers travaux de l'année au rucher, on se rend compte de l'intérêt de disposer d'une réserve de matériel qui permet des interventions plus rapides.
L'observation des déchets sur les plateaux est riche d'enseignements. C'est l'empreinte de l'évolution de la colonie pendant la période comprise entre deux contrôles.
Ruche morte et occupée par un couple de souris
Evacuation de larves mortes et couvain calcifié
Quelques observations :
- 3 à 5 bandes de déchets de longueurs différentes en forme d'ellipse. Ces bandes toujours situées à l'avant de la ruche confirment que la grappe hivernale s'installe à proximité du trou de vol ; sa forme elliptique correspond à la forme d'une grappe en forme ; tout va bien.
- Lorsque ces bandes sont brun foncé ou même noires ; les cadres sont âgés et doivent être renouvelés.
- Des cristaux blancs sont mélangés aux déchets : ce sont des provisions d'hiver qui ont cristallisé. Attention aux réserves qui s'épuisent plus vite.
- Lorsque des abeilles mortes pendant l'hiver gisent dispersées sur toute la surface du plancher, les pattes écartées, nous avons la preuve que la grappe hivernale a été dérangée. Quelques abeilles s'en sont éloignées, ont été surprises par le froid et sont mortes. Prendre note de cette observation pour en élucider la cause lors de la visite de printemps.
L'eau élixir de vie
Au printemps, il est souvent choquant de voir des abeilles assises autour d'une flaque d'eau ou d'autres endroits humides pour chercher de l'eau. Mais qu'en font-elles ?
C'est justement au début du printemps que les colonies ont le plus besoin d'eau, car le nourrissage des larves contraint les nourrices à dissoudre le miel en réserve qui est cristallisé. De même quand les jeunes abeilles mangent du pollen, elles ont besoin d'eau pour le digérer et ainsi éviter la constipation. Et enfin les abeilles qui ne sont pas nourrices, ont elles aussi un petit besoin d'eau.
En fin d'hiver, la colonie couvre ses besoins avec l'eau de condensation récupérée dans la ruche ; celle-ci est libérée par la respiration qui correspond à environ 0,5 ml par gramme de nourriture consommée. Elle retombe le long des parois froides de la ruche. La couverture des ruches avec un nylon, ce que je préconise toujours, est favorable à la retenue de la condensation et les pourvoyeuses d'eau peuvent ainsi y récupérer les gouttes d'humidité et les recycler.
En mars avec l'augmentation des surfaces de couvain, l'eau de condensation ne suffit plus. Les périodes froides font obstacle aux sorties des butineuses, et le manque de miellées va rapidement conduire à une pénurie d'eau, ce qui oblige les pourvoyeuses à sortir. Il faut compter cinq porteuses d'eau pour 100 larves. On calcule en moyenne une consommation de 0,15 litre par jour et par ruche, quantité qui peut atteindre 0,5 litre en cas de sécheresse. Si les butineuses rentrent suffisamment de nectar il n'y a aucun besoin d'eau. Le travail des porteuses d'eau est un travail à risque. Parmi tous les paramètres qui permettent à une ruche de vivre en harmonie, une source d'eau qui protège la vie des abeilles est primordiale.
Les abeilles préfèrent les eaux stagnantes, réchauffées. Elles privilégient les eaux acides et enrichies en minéraux. Très souvent elles préfèrent une eau sale à celle du robinet. Si dans les environs du rucher elles trouvent des ruisseaux, des mares ou d'autres eaux stagnantes, ceux-ci seront plus fréquentés que les réservoirs d'eau claire. Les abreuvoirs doivent être aussi proches que possible du rucher. Une bonne colonie qui élève a besoin de 65 à 200 g d'eau par jour, ce qui représente 4 000 sorties par mois. C'est pourquoi la source doit être le plus près possible du rucher, à environ 30 m pour réduire les pertes de porteuses d'eau qui sont en danger permanent.
Abreuvoir original
L'alimentation en eau doit être protégée ; les récipients trop profonds invitent les oiseaux au bain. Chaque apiculteur doit être conscient que la mare ou la piscine du voisin même si elles représentent une source d'eau formidable conduira à des disputes ou à des procès. D'autant plus si les abeilles doivent croiser un sentier fréquenté. Pour éviter de tels incidents il est prudent d'installer des abreuvoirs sur son propre terrain. Une petite mare de 4 à 5 m carrés ou de petits abreuvoirs; il en existe de toutes sortes.
Quelques conseils : Installer les abreuvoirs dès fin février pour que les abeilles n'aient pas pris le chemin vers d'autres endroits; veiller à ce qu'ils ne soient jamais à sec (chez moi lorsque l'abreuvoir est à sec, mes abeilles viennent me chercher dans la piscine) ; ne pas les installer sous la trajectoire des abeilles pour éviter une souillure par des excréments (risque de nosémose). Les conseils d'autrefois pour attirer les abeilles à l'abreuvoir avec de l'eau sucrée n'ont pas lieu d'être. La plupart du temps, si l'emplacement est bien choisi, ces préparatifs ne sont pas nécessaires. Tout au plus peut-on ajouter dans l'eau un peu de sel ou d'ammoniac.
F Anchling