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L'H.M.F. et les miels (2002)
Paul SCHWEITZER
CETAM Lorraine, Laboratoire d’Analyses et d’Écologie Apicole
L’HMF est l’abréviation usuelle du 5-HydroxyMéthyl-2-Furfural. Sous cette dénomination se cache un dérivé de déshydratation des sucres.
Ainsi le chauffage du sucre du commerce (le saccharose) dans une casserole pour produire du caramel est une déshydratation dont un des premiers intermédiaires est justement l’HMF. Tous les produits alimentaires sucrés et chauffés contiennent cette substance qui, à ces doses, ne présente pas pour l’homme de toxicité particulière.
Ni les nectars ou miellats, ni les miels frais ne contiennent de l’HMF. Contrairement aux amylases et à d’autres substances présentes originellement dans les miels, la teneur en HMF n’est donc pas une propriété intrinsèque des miels. On ne peut donc pas l’utiliser comme moyen pour en déterminer l’origine botanique et cela bien que certains miels « prennent » plus facilement de l’HMF que d’autres. Par contre, l’HMF est une excellente méthode pour en apprécier la qualité. Même non chauffés, les hexoses contenus dans les miels se transforment en HMF au cours d’un processus de vieillissement naturel. Sa teneur est donc un très bon indice de dégradation.
La législation : Le volume 11 du « Codex alimentarius », qui est consacré aux produits sucrés, précise que le miel ne doit pas posséder une teneur en HMF supérieure à 80 mg/kg. Ce chiffre élevé s’explique par la nécessité de prendre en compte l’ensemble des miels produits à l’échelle mondiale. Pour des raisons diverses, certains présentent quelquefois des teneurs en HMF très élevées. C’est souvent le cas pour les miels tropicaux. Ce qui, à l’extrême rigueur, peut se comprendre pour ces derniers miels (cette législation permet cependant de nombreux abus) ne trouverait aucune justification pour les miels produits dans l’Union Européenne pour lesquels le taux maximum d’HMF a été fixé à 40 mg/kg. Cependant, les nombreuses analyses de notre laboratoire montrent que ces taux élevés sont presque exclusivement rencontrés dans les miels en provenance des grands circuits de conditionnement. Les miels vendus directement par les apiculteurs ne dépassent que rarement les 10 mg/kg et pratiquement jamais les 20 mg/kg. L’augmentation de la teneur légale du taux d’HMF dont on parle quelquefois ne se justifierait que par des arguments commerciaux au détriment de la qualité.
Dans les concours, s’agissant toujours de miels produits dans l’année, il est conseillé de fixer la limite maximale à 10 mg/kg. D’une part, ce chiffre permet d’éliminer les miels ayant subi dès le départ un chauffage trop important, pour les rendre, par exemple, plus présentables et, d’autre part, évite la présentation de miels récoltés dans les années antérieures.
De façon générale, un miel de bonne qualité ne devrait pas dépasser 15 mg/kg. Le cahier des charges concernant la production de miels dits « Bio » (dont on peut discuter l’appellation pour d’autres raisons) reprend d’ailleurs ces chiffres puisque pour les miels présentés en fûts ou en vrac le maximum admissible est de 10 mg/kg et pour ceux qui sont conditionnés en pots 15 mg/kg. Quant aux miels d’AOC, la teneur maximale a été fixée à 15 mg/kg pour le « Sapin des Vosges » et à 10 mg/kg pour l’AOC « Corse » sauf dans ce dernier cas pour les miels de printemps à base de bruyère « Erica arborea » où la limite a été fixée à 12 mg/kg. Il s’agit toujours de taux d’HMF mesuré au conditionnement.
Le vieillissement naturel : A température ambiante (20°C) la réaction de déshydratation des sucres pour aboutir à la production d’HMF est très lente. Elle est d’autant plus rapide que les miels sont plus acides, c’est-à-dire que leur pH est plus bas. Ainsi, des miels de sapin ou de châtaignier, dont le pH est voisin de 5 et quelquefois supérieur (quelquefois voisin de 6 pour les châtaigniers), vieillissent bien et ne produisent que très lentement de l’HMF. Au contraire, certains miels de fleurs qui peuvent avoir des pH compris entre 3 et 4 sont beau-coup plus fragiles et vieilliront rapidement (par exemple miels à dominante « trèfles »).
L’influence du chauffage : Les questions qui me sont le plus souvent posées à propos de la teneur en HMF sont les suivantes : A quelle température puis-je chauffer mon miel pour qu’il reste dans les limites légales ? Pendant combien de temps puis-je le maintenir à telle ou telle température pour qu’il reste dans ces mêmes limites légales ? Impossible de répondre de façon simple à de telles questions. Les principes suivants sont cependant à retenir :
d’une part, un chauffage modéré (40°C) mais long (quelques jours) a les mêmes effets qu’un chauffage plus important mais plus court : par exemple quelques heures à 50°C ou quelques minutes à 80°C ;
d’autre part, la conductivité thermique (à ne pas confondre avec la conductivité électrique) du miel étant très mauvaise (10 fois moins importante que l’eau pure), le miel se réchauffe très mal. En conséquence, la refonte de grandes quantités de miel sans précaution pourra aboutir à des écarts thermiques très importants avec des conséquences déplorables sur la qualité. Pour les mêmes raisons, l’utilisation de micro-ondes ménagers est absolument à proscrire. Ces appareils produisent d’énormes écarts de température entre la périphérie et l’intérieur des récipients.
En pratique, en cas de chauffage du miel, seul un contrôle de laboratoire permet de savoir si le miel reste conforme à la législation. La mesure la plus couramment employée utilise une réaction colorée d’autant plus intense que le miel contient de l’HMF. L’intensité de la coloration est quantifiée grâce à un spectrophotomètre. Le dosage peut également s’effectuer par chromatographie.
Paul Schweitzer