Avec l'aimable autorisation de la revue

Abeilles et Fleurs

Les Travaux du Mois - L’automne après un été automnal (2009)
Par Jean Riondet
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L’automne est là qui ressemble curieusement à l’été ! J’exagère, les journées étaient plus longues… Mais la saison apicole 2009 est déjà en route. Les essaims ont été faits aux mois de mai et juin derniers, les reines sont élevées et conservées en nucléis, les remérages des colonies de production sont achevés, les dispersions et réunions de colonies trop faibles ou insuffisamment pourvues en nourriture terminées, tout cela prépare l’année apicole 2009.

Les miellées et l’état des colonies
Rappelons-nous cette année, les grandes miellées et les récoltes de miel ne furent abondantes que très tôt puis chaotiques de mai à mi-juillet. Hormis quelques floraisons spécifiques en fin d’été, après ces mois de fleurs printanières, il n’y eut pas grand-chose, le miel récolté l’été servira aux provisions d’hiver.

J’ai insisté sur le nourrissement rapide et massif dès les récoltes finies, et même nourrir un peu après chacune des levées de miel pour maintenir la ponte de la reine et soutenir la dynamique des populations.

L’objectif est double, avoir en octobre de grosses populations sur des cadres bien pleins de miel et préserver la santé des jeunes abeilles à naître entre septembre et novembre. Cette manière de faire me semble la conduite adaptée aux conditions environnementales qui se combinent pour mettre en péril l’activité apicole.

La France sortira peut-être un jour de cette habitude de consommer des médicaments à tour de bras, nous sommes parmi les plus gros consommateurs européens de spécialités pharmaceutiques, et parmi les plus gros utilisateurs de produits phytosanitaires.

Bonjour l’impact sur la santé humaine, la note se payant sur le long terme.

Mais en attendant, il nous faut réagir en modifiant nos pratiques apicoles afin de limiter les dégâts. Car, pour l’abeille, nous sommes d’abord et avant tout des prédateurs.

Sans doute, la mode de la Warré qui se fait jour sera-t-elle en mesure d’amener nombre de néophytes et d’autres plus aguerris, vers une apiculture plus soucieuse des abeilles et moins fragile face aux aléas environnementaux.

La dynamique des populations
Lorsque l’on parle de la dynamique des populations, on s’intéresse à tous les facteurs qui sont à la source de la croissance de la population.  Deux catégories de facteurs sont à examiner : certains facteurs sont endogènes et on dira qu’ils caractérisent telle ou telle population.

Par exemple, la survie des insectes depuis des millénaires, voire des millions d’années, tient à l’extrême rapidité de leur reproduction. Le cycle court de leur reproduction est un facteur favorable à la vitesse de la croissance des populations. D’autres facteurs sont exogènes, pour ce qui nous concerne, ce sont les conditions environnementales.

A cause du cycle très court de la reproduction de la plupart des insectes, on a peu de chance de les voir disparaître alors que, par exemple, les baleines et autres grands mammifères marins qui ne peuvent assurer plusieurs descendants chaque année, sont destinés à disparaître du seul fait de la pêche intensive.

La dynamique d’une population s’apprécie par l’évolution dans le temps du pourcentage des jeunes en son sein. L’évolution de la surface du couvain dans une colonie au fil du temps donne en fait une idée de sa dynamique.

Dans l’histoire, certaines espèces animales ont disparu suite à des changements climatiques importants, mais dans le même temps les insectes ont survécu.

En apiculture ce seront probablement les apiculteurs qui disparaîtront avant leurs abeilles ! Beaucoup de travail pour une production en baisse qui rémunère de moins en moins les heures consacrées à l’ouvrage met la profession en péril à court terme.

La phrase attribuée à Einstein prédisant la disparition de l’homme rapidement après celle des abeilles est à interpréter dans le sens de la différence de dynamique entre ces deux catégories de population dans un contexte de facteurs environnementaux défavorables.

Si les insectes, qui possèdent une dynamique forte, sont détruits par des conditions exogènes, alors l’homme qui se reproduit lentement est condamné à disparaître à son tour sous l’effet de ces mêmes conditions environnementales. Parions qu’il aura disparu avant les abeilles !

Au rucher
Le travail au rucher reste modeste, les pains de candi feront leur apparition sur les colonies trop peu pourvues en miel dans le corps. On aura prévu un trou de nourrisseur large de manière à ce que les abeilles puissent nombreuses passer en même temps pour s’agglutiner contre le sucre.

Trop de couvre-cadres ont des trous minuscules. Une ouverture de 50 mm est un minimum.

Pour le reste, c’est le moment où les travaux de débroussaillage sont efficaces. Placer de nouveaux supports, nettoyer les accès, travailler le confort de l’apiculteur n’est jamais à négliger.

Si besoin, poser deux rangées de moellons les uns sur les autres en travers, travailler les ruches en étant bien droit préserve le dos de l’apiculteur, cet ennemi de l’intérieur !

Enfin lors d’une chaude journée, retirer les lanières de traitement, il n’est pas bon de les laisser tout l’hiver. C’est la manière la plus certaine de favoriser le développement de varroas résistants.

A l’atelier
La période froide sans excès pousse aux travaux d’entretien des corps et des hausses. Passer tout le matériel entreposé à la flamme d’un chalumeau est une mesure de prophylaxie importante. Détruire tous les vieux cadres sans perdre son temps et son argent à vouloir récupérer la cire est de bonne guerre.

Préparer des plateaux de sol pour le printemps à venir, des couvre-cadres, innover sur le matériel, pourquoi pas ?

J’essaie depuis deux ans les plateaux à fond tubulaire Happykeeper, je trouve que mes colonies sont plutôt mieux avec. Le refroidissement de la colonie me semble plus limité qu’avec les plateaux grillagés.

Néanmoins, le peu de recul et l’absence d’un travail vraiment comparatif de ma part réduisent à néant la valeur de mon appréciation.

Le bois un peu fragile nécessite un traitement de protection sérieux.

Pour un traitement des bois à la cire microcristalline, y ajouter 150 g de résine de pin par kilo de paraffine donne un bon résultat sur la qualité de l’imprégnation.

Après avoir immergé quelques minutes chaque face des corps dans la cire fondue dans un toit plat en tôle de Dadant ou de Langstroth de 105 mm de hauteur, on repasse rapidement chaque face à nouveau.

Une fine couche de cire se dépose en surface uniquement et crée une bonne protection.

La Warré
Puisque la Warré est à la mode et que ce matériel commence à être disponible chez les revendeurs, y compris en kit, je vous conseille de vous constituer une petite bibliothèque d’ouvrages via les cadeaux de Noël à venir.

L’ouvrage de l’abbé Warré a été réédité, ses successeurs à commencer par Marc Gatineau ont fait évoluer le procédé.

Son cours « L’apiculture telle que je l’aime et la pratique » sous forme ronéotée en 1995 est disponible en ouvrage en couleurs, il donne des indications précieuses pour la construction du matériel.

ete automnal

C’est une conduite en divisible avec cadres que propose Marc Gatineau.

Un autre professionnel a adapté la conduite de la ruche populaire de l’abbé Warré, il s’agit de Gilles Denis. www.ruche-warre.com

Il mixe des corps équipés de barrettes transformées pour empêcher les abeilles de souder les rayons sur les parois, de manière à pouvoir faire de l’élevage des reines de manière commode, avec des corps équipés de barrettes classiques.

Sa conduite diffère de la méthode Warré en ce qu’il ajoute des corps par le dessous de la colonie lors de miellées de faible amplitude mais durables, il charge les corps par le dessus lors de très fortes miellées, comme on le fait classiquement.

Les fans de la méthode originelle, Jean-Marie Frérés et Jean-Claude Guillaume, ont un livre en passe d’être édité.

On en trouvera la référence sur les sites dédiés à la Warré : http://www.apiculture-warre.fr

La Warré a une caractéristique très forte, son volume réduit et une conduite qui limite les ouvertures par le sommet entretient une chaleur des plus élevéee dans la colonie, ce qui est extrêmement favorable à sa dynamique.

Bons rêves.
Jean Riondet
Auteur de « Un rucher dans mon jardin »  CDRom, édition mise à jour en 2008, en vente à l’UNAF