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raconte-moi 15

Raconte-moi le miel... (2003)
Par F. Anchling

Comme pour les écoliers, juin est la période des révisions, des examens, des choix, des grandes joies mais aussi quelquefois des déceptions. C'est le sommet de la saison apicole. Les journées sont longues et chaudes avec une seule hantise : la pluie et les orages qui peuvent quelquefois durer des jours et des semaines. Mais bientôt ce sera le solstice et le printemps cédera la place à l'été.

Pour l'apiculteur, juin est un mois d'activité intense : surveiller le rucher, récolter les hausses, traquer les derniers essaims, vérifier qu'il n'y a pas de colonies bourdonneuses, préparer la transhumance.

Surtout, il faut recommencer à s'inquiéter de varroa en surveillant son développement et en créant des nucleus permettront de conserver son cheptel. Mieux vaut être en forme, car ni l'abeille, ni l'essaim, ni le miel, surtout de colza, n'attendent.

A) Surveillance du Rucher
La surveillance des ruches en cours de miellée est une activité soumise à un très grand nombre d'inconnues et d'aléas : le temps, la végétation, la force des colonies...

Tout est possible : une ruche au bord de l'essaimage avec des hausses entièrement remplies de miel, des ruches dont les hausses pleines de miel sont prêtes à se renverser, le centre de gravité ayant été modifié par le poids des récoltes. Il arrive aussi que dans des circonstances exceptionnelles, les hausses se remplissent en quelques jours et l'on peut trouver au rucher des hausses pleines de miel avec un essaim accroché sous le toit chalet de la ruche, avec des bâtisses remplies de miel. Sans parler de la végétation, qui semble profiter de l'absence de l'apiculteur pour obstruer l'entrée des ruches.

Il faut aussi profiter de ces moments où la végétation est en fleurs pour rechercher et repérer de nouveaux emplacements.

B) Récolte des hausses
En juin, l'apiculteur a enfin atteint le but vers lequel tendaient tous ses efforts, c'est le mois des satisfactions avec la récolte du "miel de fleurs". Récolter sur ses colonies le surplus de miel constitue la récompense normale pour la peine et les soins prodigués à ses protégées. Mais en prélevant dans chacune de ses ruches la part qui légitimement lui revient, l'apiculteur devra se garder d'agir en pillard et savoir modérer ses prétentions.

Recolter de manière équitable
Il serait vraiment absurde et irréfléchi de s'approprier de manière radicale la totalité du miel disponible dans la ruche, au prétexte que la belle saison aidant, nos abeilles pourraient reconstituer leurs stocks très rapidement. Il est impératif que chaque colonie dispose en permanence d'une réserve de sécurité d'environ 10 kg de miel. Une colonie privée brutalement de ses réserves serait gravement choquée et stressée. Elle serait à ce moment-là en état de faiblesse, face aux atteintes eventuelles d'agents pathogènes ou de parasites. D'autre part, même si le mois de juin introduit l'été, le début du mois peut encore se révéler froid et pluvieux, avec de brusques arrêts de la miellée, conduisant à la disette des bataillons de butineuses notamment.

Il est aussi indispensable qu'une couche de miel coiffe en permanence l'ensemble des rayons de couvain. En temps normal, le couvain ne touche jamais la barrette supérieure des cadres. Il en est séparé par une épaisseur de miel de hauteur variable qui en forme de banane coiffe les berceaux des générations futures. Mais lorsque les hausses sont posées, il est fréquent de constater que le couvain affleure la barrette supérieure des cadres, la coiffe de miel étant dans la hausse. En soutirant tous les rayons de miel de la hausse, comme cela se pratique couramment, la coiffe de miel est totalement supprimée. La colonie privée brutalement de son environnement vital est en détresse et le fait savoir. Pendant plusieurs jours, elle va manifester sa révolte en se montrant agressive avec l'apiculteur qui se promène au voisinage du rucher et ce qui peut être plus grave, avec les passants et animaux qui se trouveraient dans les environs immédiats.

Récolter en faisant des choix
Dans notre pays, nous avons la chance de disposer, suivant les régions, d'une très grande diversité de floraisons mellifères, qui peuvent donner plusieurs miellées successives tout au long de la saison.

Suivant la clientèle ciblée par l'apiculteur, il peut y avoir intérêt à récolter séparément les différents crûs, reflets de leur origine florale, pour obtenir des miels uni floraux (en théorie seulement, car en pratique ils ne sont qu'à dominante uni florale) : fleurs de printemps, pommiers, colza, acacia, tilleul, lavande, etc...

Ce choix dans l'appellation des miels récoltés, conduit l'apiculteur à s'interroger et à définir une politique de récolte avec transhumance sur les lieux de production. Car il est certain qu'une même ruche ne peut pas récolter tous les types de miel. Il y a un choix à faire, de façon à réserver certaines colonies pour certaines miellées et certaines appellations.

Du nectar au miel
Le miel est élaboré par les abeilles à partir de sucres produits par des végétaux, soit sous forme de nectar, soit sous forme de miellat.

Le nectar est un liquide sucré sécrété par les nectaires dont sont dotés certains végétaux à la base des corolles. Le nectar est composé d'eau et de sucres, mais aussi de nombreuses autres substances à l'état de traces, tels que des acides aminés, des acides organiques, des substances aromatiques, des vitamines, des minéraux, etc… Ces substances sont responsables de la valeur aromatique d'un miel et lui confèrent sa personnalité. Les sucres en concentration très variable selon la nature de la plante et les conditions environnementales, (de 10 à 70 %) sont principalement du glucose, du saccharose et du fructose, mais aussi en très faibles quantités, différents autres sucres. Le spectre des sucres est une caractéristique des familles botaniques butinées et permet de déceler des fraudes concernant l'appellation ou l'origine d'un miel. Le nectar contient encore de nombreux micro-organismes qui peuvent influencer le devenir d'un miel.

Différents facteurs influencent la sécrétion du nectar : l'âge de la fleur (la ronce), le sexe (l'érable), la durée de floraison (le butinage du colza accélère sa défloraison). La morphologie de la plante n'est pas toujours adaptée au butinage par l'abeille. Les conditions météo jouent également un rôle très important : le nectar est plus abondant lorsque l'humidité de l'air est élevée. Au contraire si la température est fraîche, si le vent du nord est dominant, les nectaires se tarissent. Un exemple frappant est donné par l'acacia : croulant de fleurs il n'est pas butiné par vent du nord ou si la température est trop fraîche.

Nos abeilles sont en constante recherche de la meilleure source de nectar, le plus concentré en sucres. Elles ont le souci de la rentabilité et à l'arrivée dans la colonie, celles qui ramènent la charge la plus concentrée sont déchargées en priorité alors que les autres doivent patienter.

Le comportement de butinage fait apparaître des relations croisées entre d'une part, l'abeille et sa fleur, et d'autre part entre les abeilles elles-mêmes. Une exploratrice guidée par des signaux visuels (forme et couleur) mais aussi par l'odeur trouve une source de nectar intéressante. Selon la qualité et la quantité du butin elle mémorise les caractéristiques de la source de nourriture. De retour à la ruche elle informe d'autres butineuses par ses danses ; on dit qu'elle recrute.

Les fines gouttelettes sucrées qui perlent, attirent les abeilles qui les aspirent avec la trompe et les stockent dans le jabot. Le jabot est un sac extensible, piriforme, d'un volume de 50 à 60 µl (environ 20 000 jabots par litre) ouvert du côté de l'œsophage et de l'intestin avec lequel la jonction est assurée par une soupape (le proventricule) qui permet de filtrer le nectar et d'en éliminer les impuretés, mais surtout qui interdit au contenu de l'intestin de remonter dans le jabot.

Une butineuse pèse 100 mg ; elle visite de 20 à 100 fleurs pour constituer une charge de 30 à 60 mg de nectar (soit la moitié de son poids). Pendant son retour à la ruche, elle commence l'enrichissement du nectar avec des enzymes secrétés par ses glandes labiales et pharyngiennes : (des diastases, des invertases et du gluco-oxydase. Un chercheur disait lors d'une conférence " l'abeille est un laboratoire enzymatique volant ".

De retour à la ruche, la butineuse remet son nectar à une abeille d'intérieur. Ce nectar circule très vite d'une abeille à l'autre, tout en s'enrichissant de sécrétions glandulaires. Pendant ce transfert, les abeilles évaporent l'eau du nectar en en refoulant une goutte et en l'étalant sous la trompe. C'est la phase de séchage actif qui dure de 15 à 20 minutes. Quand le taux d'humidité est tombé à 40-50 %, le nectar est déposé dans les cellules où l'évaporation de l'eau se poursuit sous l'action de la ventilation. C'est la phase passive qui s'étend sur 4 à 5 jours. Le séchage du miel dans la ruche est une opération qui implique un grand nombre de jeunes abeilles. Il a été calculé, que pour 10 à 15 000 butineuses, c'est 25 à 30 000 jeunes abeilles qui œuvrent à la transformation du nectar en miel.

Ce travail est en relation directe avec la nature de la ruche (largement ouverte et bien ventilée), la force de la colonie, la quantité journalière de nectar récoltée et la concentration en sucre de ce nectar.

Ainsi pour une concentration
 en sucre du nectar de
Eau à évacuer pour obtenir
1 kg de miel
60 %  0,3 kg
40 %  1 kg
20 %  3 kg
13 %  5,2 kg 

L'humidité est très difficile à éliminer si les nuits sont chaudes et cette opération peut s'étaler sur 4 à 5 jours notamment avec l'acacia. Le niveau d'humidité a aussi une influence directe sur le poids spécifique du miel extrait : à 15 % d'humidité un litre de miel pèse 1,435 kg ; alors qu'à 18 % un litre pèsera 1,417kg. Quand le miel est mûr, c'est-à-dire lorsque le taux d'humidité est inférieur à 18 - 20 % (pour la bruyère) les abeilles ferment la cellule avec un couvercle de cire : elles operculent.

Le miel possède en outre des propriétés bactériostatiques et même antibiotiques provenant tout autant des plantes butinées que de l'abeille elle-même.

Le miellat est en général élaboré par un puceron qui pique les parties tendres des végétaux, se nourrit des matières azotées contenues dans la sève et rejette les sucres qu'il ne peut digérer. Ces exsudats sont repris par les abeilles et à nouveau transformés pour devenir un miel de miellat. La gluco-oxydase oxyde l'eau et le glucose contenus dans le miel, avec dégagement de peroxyde d'hydrogène (l'eau oxygénée) et d'acide gluconique.

Quand récolter ? 
Les quelques éléments succincts ci-dessus sur la transformation du nectar en miel vont nous guider pour décider du moment favorable à la récolte. Le miel ne doit être récolté que lorsqu'il est mûr, c'est-à-dire suffisamment sec pour se bien conserver. Son humidité ne doit pas dépasser 18 % pour tous les miels, sauf la bruyère. D'instinct nos avettes savent à quel moment le produit de leur travail est en état de bonne conservation et aussitôt elles le protègent avec une fine pellicule de cire, un opercule. Lorsqu'un cadre est entièrement operculé, c'est un indice de maturation et généralement son taux d'humidité est inférieur à 18 % ; mais ce n'est pas toujours le cas. Quelquefois pressées par les rentrées de nectar et les difficultés de l'assécher dans une atmosphère environnementale trop humide, nos abeilles operculent un miel qu'il faudra assécher. Dans certaines régions c'est souvent le cas du miel d'acacia.

En pratique, il est conseillé de ne récolter que les rayons entièrement garnis et operculés ; parfois bien sûr pour éviter de revenir pour 1 ou 2 cadres, on peut retirer un cadre operculé au 3/4. Par acquit de conscience, pour s'assurer que ce miel non encore operculé est pourtant mûr, une petite tape sur la barrette supérieure du cadre tenu en main, ne doit pas provoquer d'éclaboussures. Si des gouttes de miel giclent encore, ce miel n'est pas mûr ; mieux vaut attendre encore un peu avant de le récolter. Un miel qui n'est pas encore à maturité complète est trop liquide et une fois extrait, il risque de contenir des spores de levure ou des moisissures qui le feront fermenter. Un miel fermenté est impropre à la consommation tant pour l'homme que pour l'abeille. Du miel qui fermente prend un goût extrêmement désagréable et il n'est pas recommandé d'en mettre sur la table de l'un de vos amis.

Les cadres non retirés sont rassemblés au centre de la hausse et les vides sont comblés avec des cadres de réserve. Sinon, après extraction, les cadres seront rendus aux abeilles, au début de la nuit, après avoir été vaporisés avec de l'eau pour éviter une excitation au rucher. Dans les régions sans colza et si vous désirez récolter un miel toutes fleurs, rien ne presse. En cas d'abondance de récolte, vous pouvez envisager la pose d'une deuxième hausse et même de plusieurs. La hausse supérieure pourra contenir des cadres de cire gaufrée, ce qui présente un avantage certain. Si la colonie est forte nous tirons les jeunes ouvrières vers le haut. Nous combattons un peu l'essaimage, pour arriver à une bonne et abondante récolte de miel.

Par contre dans les régions de colza, il est prudent de surveiller le remplissage des hausses, de récolter les rayons au 3/4 operculés et de les extraire rapidement. Le miel de colza cristallise très rapidement, même dans les hausses. C'est pourquoi dès que les champs passent du jaune au brun foncé, il faut récolter sans attendre.

Technique de récolte
Il est préférable de choisir une journée calme, ensoleillée et favorable au travail des abeilles. Évitez surtout les journées orageuses ou venteuses ; les abeilles vous feraient connaître rapidement leur désaccord. On peut intervenir soit le matin à la fraîche (les butineuses sont encore nombreuses dans la ruche mais le calme règne), soit en fin d'après-midi. C'est la solution que je préfère, car cette intervention met les ruches concernées et par contagion tout le rucher en effervescence. Avec la tombée de la nuit (la nuit porte conseil) le calme revient rapidement et réduit ou supprime totalement l'excitation que nous aurons déclenchée par nos manipulations plus ou moins malheureuses. Pensez surtout au voisinage ; l'apiculteur étant de moins en moins toléré, il importe qu'il se fasse oublier, surtout pendant ces interventions qui peuvent provoquer quelques réactions piquantes.

Se munir :

  • D'un enfumoir, mais attention, la fumée ne doit pas être envoyée dans la hausse, le miel prendrait mauvais goût. Elle doit raser le dessus des cadres.
  • D'une hausse vide, posée à l'ombre et recouverte d'un linge pour récupérer les cadres bons à extraire.
  • D'une planche formant plan incliné, posé devant la ruche et affleurant le trou de vol qui évite aux jeunes abeilles de se perdre dans l'herbe.

Les méthodes de récolte sont diverses et toutes ont des avantages et des inconvénients ; tout dépend du nombre de ruches et de l'emplacement du rucher.

  1. Récolte cadre par cadre : C'est la plus ancienne et la plus simple. Par le trou d'envol, je donne quelques jets de fumée pour mettre les abeilles en bruissement : (une abeille gorgée de miel est moins agressive). Une ou deux minutes plus tard je découvre la section de hausse dans laquelle je veux intervenir ; un petit jet de fumée rasante c'est suffisant (surtout pas d'excès de fumée, le miel est un produit délicat), je retire le cadre de rive et ainsi de suite, une légère tape sur la barrette supérieure du cadre fera tomber un certain nombre de butineuses qui avec empressement regagneront l'abri des cadres du corps de ruche. Avec une balayette je brosse avec délicatesse les récalcitrantes (je dis bien brosser et non piquer), je range les cadres dans la boîte à rayons naturellement étanche. Et ainsi cadre après cadre. Tous les 3 ou 4 cadres, un petit jet de fumée toujours rasante aide à maintenir le calme.
  2. Récolte par hausse complète : Grâce à un appareil que l'on trouve dans le commerce, le chasse abeilles. C'est un plateau couvre-cadres qui ne permet le passage des abeilles que dans un sens. Ce plateau est intercalé la veille au soir entre la ruche et sa hausse ; pendant la nuit les abeilles sont descendues à la rencontre de leur reine et le lendemain matin, la hausse est pratiquement vide et peut être récoltée très rapidement, sans aucune excitation au rucher. Après extraction, à la nuit tombante, on enlève le chasse abeille et on redonne la hausse dont les cadres ont été préalablement vaporisés avec de l'eau. C'est de loin le procédé que je préfère. Un dernier petit truc : ne perdez pas de temps à chasser la petite récalcitrante qui colle à son miel. Pendant le transport des cadres entre le rucher et votre extracteur, les vibrations chasseront les dernières attardées.
  3. colte par soufflerie : C'est du domaine des professionnels. On retire la hausse et avec une soufflerie on expulse toutes les abeilles. C'est brutal mais expéditif.

Extraction
Les rayons récoltés sont transportés à la miellerie pour être extraits de suite, pendant que le miel est encore chaud. La miellerie est un local propre, sec, bien ventilé avec possibilité de chauffage et de déshumidification. Il devra posséder une source d'eau si possible chaude et être inaccessible aux abeilles. Ce local doit être aménagé de façon à faciliter le travail de l'apiculteur au maximum. L'outillage minimum comprend un extracteur en inox, des seaux inox ou en plastique alimentaire, un bac à désoperculer, un maturateur inox ; des éponges et chiffons pour nettoyer les bavures de miel. Rien n'est plus dangereux que des opercules sous les talons.

Il ne faut pas oublier que le miel est un produit acide et que seul l'inox ou le plastique alimentaire donnent toute garantie de conservation sans altération. D'autre part le miel est un produit alimentaire et son travail doit respecter les règles d'hygiène comme tout produit alimentaire ainsi que les règles spécifiques au produit miel.

Les cadres sont désoperculés sur les deux faces avec une herse ou un couteau électrique, placés dans l'extracteur et centrifugés sur les deux faces également. Le miel recueilli passera par un tamis à double filtre : un premier à mailles larges pour recueillir les plus grosses impuretés (des fragments de cire), un second à mailles plus fines permet de retenir les plus petites particules.

Le miel est un produit hygroscopique, c'est-à-dire qu'il absorbe l'humidité de l'air. Pendant l'extraction, les gouttes projetées contre les parois de l'appareil éclatent en une multitude de petites gouttelettes qui absorbent l'humidité ambiante du local. On devra donc veiller à ce que ce local soit toujours très sec. Pour le contrôler, la miellerie sera équipée d'un hygromètre couplé à un thermomètre ( ce n'est pas cher).

Pour obtenir un miel de bonne qualité, l'humidité relative de la miellerie devrait être <40 % pendant l'extraction et <60 % pendant la maturation. Des déshumidificateurs permettent d'obtenir ces chiffres.

La maturation
Le produit issu de l'extracteur est versé après filtration dans un maturateur. C'est un récipient en inox de contenance variable, qui en une huitaine de jours, dans une ambiance à 25 - 30 ° permet la décantation du miel, c'est-à-dire qui permet au miel de rejeter vers la surface les bulles d'air emprisonnées par la centrifugation et les petites impuretés que les filtres n'ont pas pu retenir. Avec un coupe pâte on récupère régulièrement l'écume qui surnage à la partie haute du maturateur. On peut accélérer ce processus de décantation en remuant la masse de miel de temps en temps.

Après maturation le miel peut-être soutiré et mis en pots ou en seaux hermétiquement fermés pour être stockés dans un local sombre, à température constante de 10 à 14 degrés. Ainsi votre récolte pourra se conserver sans risque pendant plusieurs années.

C) Les colonies bourdonneuses
En juin il arrive de se retrouver avec une ruche dont la population encore importante n'a qu'une activité réduite. En frappant la paroi de cette ruche avec l'index replié, une sorte de plainte se fait entendre qui se prolonge et s'atténue. Les abeilles qui reviennent au trou de vol semblent hésitantes et ne rentrent pas de pollen. Ce sont des signes d'orphelinage. En ouvrant la ruche et en auscultant les cadres, l'on se rend compte qu'il n'y a pas de couvain d'abeilles mais des cellules de mâles disséminées un peu partout et aussi des cellules de reines vides, en plein milieu des cadres : ce sont des cellules de sauveté. C'est la confirmation de l'absence d'une reine.

Elle a pu mourir de vieillesse, être blessée lors d'une manipulation, ou bien la ruche a essaimé et la reine n'est pas rentrée de son vol nuptial. Ceci est fréquent lorsque les conditions météo sont exécrables. Certaines ouvrières ont essayé de pallier l'absence de la reine et ont pondu des oeufs non fécondés évidemment desquels ne peuvent sortir que des faux- bourdons. La population ouvrière décroît de plus en plus rapidement jusqu'à disparition complète. Il serait dommage d'attendre cette éventualité qui automatiquement conduirait au pillage. Ce n'est pas la peine non plus d'introduire une reine, elle serait détruite par les pondeuses. Il est néanmoins possible de récupérer les abeilles de cette colonie. Pour cela par beau temps, j'emporte la colonie à une centaine de mètres du rucher, je l'enfume abondamment pour que les abeilles se gavent de miel.
Au bout d'une dizaine de minutes, je l'enfume encore une fois puis je sors les rayons un par un et secoue les abeilles dans l'herbe. Les rayons vidés de leurs occupantes sont mis dans une boîte et évacués du rucher. Les abeilles retournent à leur ancien emplacement et au bout d'un certain temps se répartissent entre les ruches environnantes dans lesquelles elles sont acceptées puisqu'elles apportent du miel. Les pondeuses de leur côté ne peuvent pas le faire et restent dans l'herbe. Il faut faire cette opération le soir, pour accélérer les réunions.

D) Transhumance
C'est en juin après la fauche des prairies, que dans la plupart des régions les apiculteurs transportent leurs ruches en montagne ou en forêt pour récolter des miels de forêt, de sapins, de bruyère ou autres. La transhumance n'est pas réservée aux seuls professionnels et tout jeune apiculteur peut en profiter pour augmenter la gamme des miels qu'il proposera à son entourage. De plus transhumer est une expérience inoubliable, sportive, qui pendant tout l'été sera un but de promenade et de pique-nique en famille.

L'emplacement doit correspondre à une miellée bien définie et doit être recherché tout au long de l'année tant auprès de l'ONF que des agriculteurs ou des particuliers. On devra veiller à ce que les ruches soient éloignées des habitations, des lieux de promenade des touristes et de tout cheminement. L'endroit sera discret, abrité des vents dominants, il devra permettre une bonne orientation des trous de vol et surtout un accès facile. Le transport à bras d'homme est toujours une épreuve, surtout si la distance est grande et le parcours accidenté.

Sélection des peuples retenus. Un rucher n'est jamais transhumé dans sa totalité. Seules les colonies les plus fortes ou notamment renforcées et possédant une jeune reine seront retenues. Il faut savoir que la vie en montagne est rude pour les abeilles aussi. Les peuples retenus seront visités huit jours avant le déplacement prévu. Les hausses seront vidées de toute récolte operculée et garnies de cadres construits et soigneusement léchés pour éviter une pollution des crûs espérés. Le corps de ruche devra être pourvu d'une réserve d'au moins 10 kg de provision. Une colonie en transhumance ne doit pas courir un risque de disette. Il sera prudent de vérifier la quantité de cadres de couvain disponible et éventuellement de renforcer cette masse de futures butineuses. Il est important de ne plus toucher à la ruche pendant les huit jours qui précèdent son départ, afin que les cadres soient bien propolisés et ne se déplacent pas pendant le transport.

La veille du départ, au soir, on pose les grilles d'aération sur la ruche. Avec des sangles on amarre solidement les planchers avec les corps et les hausses. Les orifices d'évasion éventuels sont colmatés avec du papier collant large. Dans une pochette plastique qui sera fixée sur une ruche on mettra le certificat sanitaire, le certificat de transhumance, son numéro d'apiculteur, son nom et son numéro de téléphone.

Le transport se fera par une nuit fraîche, de façon à arriver à l'emplacement prévu au lever du jour. Le matériel ordinaire de visite sera accompagné d'une torche électrique, d'une bombe aérosol, d'un rouleau de cordes et d'un rouleau de scotch pour parer à toute éventualité. Les gants et le voile seront à portée de main. Après chargement, une pulvérisation d'eau sur les grilles d'aération calme les abeilles les plus excitées. À l'arrivée, les ruches sont installées sur les supports prévus à cet effet, recouvertes et mises à l'abri de la pluie. L'enfumoir est allumé, le jour se lève, la prudence recommande le port du voile et des gants. On ouvre les trous de vol en commençant par les peuples les plus calmes tout en enfumant l'orifice. Après une retraite rapide, l'observation à distance permet de vérifier que tout est en ordre.

E) Ne pas oublier Varroa
Dans un rucher, l'infestation des différentes colonies par varroa n'est jamais une constante. Certaines sont fortement chargées en parasites, d'autres en sont presque indemnes. Pourquoi ? Plusieurs facteurs indépendants qui se cumulent peuvent expliquer ces différences.

Tout d'abord l'âge du peuple. Alors que les colonies anciennes atteignent le maximum de leur développement fin juin et réduisent progressivement les surfaces de couvain, les plus jeunes n'arrivent au maximum de leur développement qu'en septembre ou octobre et continuent l'élevage jusque tard en saison... et qui élève du couvain élève aussi des varroas.

L'emplacement du rucher et les conditions météo conditionnent également le degré d'infestation. Des abeilles privées de sortie conservent les varroas ; celles qui voyagent en perdent. Les ruchers isolés et de faible importance ont moins de risques que les grandes concentrations.

Comment connaître dans ces conditions le degré d'infestation de notre rucher ?

La réponse est simple : par la lecture des planchers grillagés. Le rôle des plateaux grillagés est double :

tout d'abord suivre avec précision le niveau d'infestation de chaque ruche par le décompte de la chute naturelle des varroas. Si la chute naturelle est inférieure à un varroa / jour, une intervention est superflue. Si la chute est de un varroa / jour elle se révèle utile ; au-delà de un varroa / jour elle est absolument nécessaire. N'oublions pas que la présence de un varroa / jour correspond à quelques centaines dans la grappe.

ensuite, prolonger la période hors couvain, pendant laquelle chaque varroa tombé sur le lange graissé ne sera pas dans la grappe et ne pourra pas se multiplier au printemps suivant.

Il est donc nécessaire de commencer dès juin l'analyse des langes. Chaque colonie reçoit un lange graissé et deux semaines plus tard, on dénombre soigneusement les varroas prisonniers de la graisse.

Alors bonnes récoltes et longue vie à vos colonies. 
F. Anchling