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abeilles hiver 1

Les abeilles d'hiver s'installent (2004)
Par B. Cartel

La reprise de ponte de fin de saison vient à point pour remplacer nos abeilles d'été, vieillies, usées par le butinage, parfois affaiblies à la suite des nombreuses piqûres de varroas. Ces derniers sont en voie d'extermination provisoire si les traitements en cours ont été bien conduits.

Au contraire, les jeunes abeilles d'hiver naissantes doivent être saines et fortes parce qu'elles auront pour tâche d'assurer le long hivernage et l'élevage du premier couvain printanier.

N'étant pas productives, elles subiront la claustration et l'immobilité dans la grappe vivante. Elles ne connaîtront ni les corolles odorantes, ni les parfums enivrants, ni la liberté des grands espaces.

Pour assurer ce relais avec succès, l'apiculteur doit leur offrir non seulement le gîte, mais le confort et la sécurité alimentaire. L'automne est la période de l'année où le miel disponible se trouve en quantité dans les ruches. Certaines colonies sont tentées de piller. Certes, les gardiennes sont là, prêtes à intervenir, à rétablir l'ordre. Mais si le rapport de forces se déséquilibre au profit d'une colonie pillarde, c'est alors une petite guerre qui s'amorce et elle peut se propager à tout le rucher si l'apiculteur ne s'en rend pas compte et n'intervient pas à temps. Notons que ces mêmes effets peuvent aussi être la conséquence de mauvaises pratiques apicoles.

Logement et provisions
Le logement doit être adapté au volume de la colonie prête à hiverner. Si nécessaire, ne pas hésiter à supprimer un ou plusieurs cadres, parmi les plus légers et placer ensuite une partition. Les abeilles disposant d'un plus faible volume consommeront moins de « carburant » pour assurer la régularité thermique de la grappe. Par là-même, elles produiront moins de déchets au bénéfice de leurs intestins, réduisant de fait les vols de propreté toujours risqués en hiver. C'est encore plus vrai si les provisions stockées sont constituées de miellat. Ce type de miel possède une forte proportion de mélézitose, sucre difficilement assimilable qui génère davantage de déchets. Si l'ampoule rectale extensible de l'abeille doit supporter pendant plusieurs jours une accumulation de matières fécales, cela risque de provoquer fermentation, dysenterie et peut-être une maladie de l'abeille adulte : la nosémose.

Si les provisions semblent insuffisantes, il est trop tard pour les compléter avec du sirop. Il ne serait certainement pas pris, surtout par les colonies faibles. Quand bien même il le serait, les abeilles n'auraient plus le temps de soustraire son excédent d'humidité et de le stocker convenablement. Il risquerait donc de fermenter provoquant les mêmes effets nuisibles qu'un miellat.

En cas de doute ou de manque, seules des provisions sous forme solide telle qu'une plaque de candi, un pot de miel cristallisé renversé sur le trou de nourrissement peuvent être proposés avec succès aux abeilles. Elles viendront si besoin prélever cette nourriture d'appoint et l'opération peut être renouvelée tout l'hiver en période de redoux, sans déranger la colonie.

   

Pillage et défense de la colonie
Tant que durent les miellées, les butineuses concentrent leur activité sur la récolte du nectar et du pollen. Mais que la sécheresse s'installe, que les fleurs se fanent, que le nectar se raréfie, alors certaines butineuses, peut-être plus opportunistes, vont se transformer en pillardes.

Elles sont alertées par la moindre odeur, la moindre coulure de miel provenant de la ventilation des colonies ou du travail de l'apiculteur. Dès que l'une d'elles repère une source inespérée de nourriture, une colonie mal défendue, elle le communique à d'autres pillardes et en très peu de temps, on peut observer l'effervescence gagner le rucher.

Ce sont les gardiennes qui ont la tâche de défendre le nid. Âgées de 12 à 25 jours, juste avant d'atteindre la fonction de butineuses, elles peuvent être reconnues par leur position particulière de défense, quand elles la prennent : campées sur les 4 pattes postérieures, celles de devant relevées, les antennes dirigées vers l'avant, elles filtrent le flot des butineuses.

Chaque colonie adapte le nombre de ses gardiennes en fonction des besoins.

C'est le moment de les aider en réduisant les trous de vol si les conditions favorables au pillage sont réunies. Si malgré ces précautions, le pillage s'amorce, que des mouvements anormaux d'abeilles, des combats soient observés, il faut le plus vite possible y mettre un frein pour éviter son extension par quelques mesures d'urgence. D'abord fermer les tirettes d'entrée, en ne laissant le passage que pour une seule abeille, aussi bien sur les ruches des colonies pillées que sur celles des pillardes. On peut décourager celles-ci en disposant une grosse poignée d'herbe sur la planche de vol d'une ruche pillée.

Dans les cas extrêmes et si cela est possible, ne pas hésiter à pulvériser de l'eau sur la face avant de la ruche et sur la planche de vol. Ensuite, la fermeture totale de toutes les ruches du rucher mettra provisoirement fin au pillage, c'est-à-dire que le risque se représentera dès la réouverture de la ruche.

En tout cas, une fois les ruches fermées, il faut tenir compte de l'élévation de la température intérieure des ruches, surtout s'il fait très chaud à l'extérieur et dans ce cas, on peut avoir recours tout simplement au jet d'eau.

Enfin, il ne faudra pas oublier de nourrir un peu plus tard les colonies pillées pour compenser la perte de nourriture.

Le léchage des hausses
Après extraction, il reste toujours une petite quantité de miel dans les alvéoles et d'autre part, les cires ont été endommagées lors de la désoperculation. Certains apiculteurs stockent les hausses telles quelles, d'autres préfèrent les donner aux abeilles afin qu'elles les lèchent et puis ils réparent les cires avant stockage.

Cette pratique a déjà été évoquée dans La Page des Jeunes des numéros précédents de l'Abeille de France, mais nous pensons qu'il est utile de revenir sur ce sujet.

La pratique du léchage n'est pas sans risques et il est important que tout apiculteur et en particulier le débutant en soit conscient. Il faut savoir qu'en période de non-miellée, et c'est souvent le cas en automne, le léchage provoque d'abord une excitation sur les ruches désignées et elle gagne ensuite les autres, voire celles des ruchers proches. Les pillardes, toujours à l'affût, perçoivent très vite la bonne odeur du miel, localisent rapidement d'où elle vient et arrivent bientôt en nombre.

Le phénomène s'accentue avec une température élevée et voilà réunies les conditions propices pour amorcer un pillage qui peut se généraliser.

Tant que la perturbation ne concerne que les abeilles, le mal n'est que partiel. Mais si la colère de quelques excitées se reporte sur la gente animale du proche environnement, cela devient gênant, mais bien plus dramatique encore si cela concerne les humains.

Mon collègue a développé dans le numéro de septembre l'emploi du chasse-abeilles pour le retrait des hausses. Cet appareil est également préconisé pour le léchage des hausses. Il peut même être amélioré par un système qui permet, sans ouvrir la ruche, d'escamoter le chasse-abeilles ou au contraire de le mettre en service.

Le VIDHAUS, tel est son nom, est conçu selon le schéma n°1.

Il est inscrit dans un plateau couvre-cadres d'une pièce, d'une épaisseur de 10 mm et il possède une poignée qui permet en tirant, d'ouvrir le passage aux abeilles (position A) ou en poussant, de l'obstruer grâce aux 3 chasse-abeilles (position B).

Mode d'emploi :

  • Découvrir la ruche désignée pour lécher 1 ou 2 hausses, pas plus de préférence. 
  • Remplacer le couvre-cadres par un nourrisseur couvre-cadres percé d'un trou central d'environ 80 mm .
  • Placer au-dessus le plateau équipé du VIDHAUS en position d'obstruction (poignée poussée). Bien vérifier que l'appareil permet le passage des abeilles de haut en bas.
  • Poser la hausse ou la pile de hausse à lécher.
  • Poser le couvre-cadres d'origine sur l'ensemble et recouvrir la ruche de son toit.
  • Réduire les entrées de la ruche et de toutes celles du rucher (le travail des gardiennes en sera facilité).
  • Tirer sur la poignée de l'appareil : l'ensemble des 3 chasse-abeilles s'escamote et permet aux abeilles d'accéder aux cadres à lécher. 
  • Après 2 ou 3 jours (suivant la force de la colonie et les conditions climatiques), pousser la poignée de l'appareil.
  • D'un coup, les 3 chasse-abeilles obstruent les 3 fenêtres : les abeilles du corps de ruche ne peuvent plus monter. Celles situées dans la ou les hausses regagnent le corps de ruche en passant sous les languettes des chasse-abeilles sans possibilité de retour. Après quelques heures (une journée par exemple), la ou les 2 hausses sont vides d'abeilles ou bien il n'en reste que quelques isolées.

L'opération peut se renouveler ainsi plusieurs fois, sans aucune excitation des abeilles, en toute sécurité.
J'utilise cet appareil depuis plusieurs années et j'en suis satisfait. Toutefois, après chaque saison, il convient de supprimer les éventuels ponts de cire ou de propolis que les abeilles peuvent construire, afin d'éviter le blocage de l'appareil. Ce petit appareil doit trouver sa place au rucher ; il améliore les conditions de travail et de sécurité et réduit les risques de pillage lors des opérations de léchage.

  

Abeilles d'été - Abeilles d'hiver
L'abeille naît complètement formée extérieurement mais physiologiquement immature. Dans nos régions à climat tempéré, nous rencontrons dans nos ruches deux générations d'abeilles dont la longévité et l'état physiologique sont différents : les abeilles d'été à vie courte d'environ 45/60 jours et celles d'hiver d'environ 150/200 jours. Pourquoi ces différences importantes de longévité ? Parmi les facteurs qui sont certainement responsables de ces écarts, citons l'alimentation et l'élevage du couvain.

Mais c'est dans le « Traité de biologie de l'abeille » de Rémy CHAUVIN (1968) que nous avons trouvé une réponse probablement partielle : « L'état actuel des connaissances sur l'action réciproque entre la nourriture, l'état physiologique et la longévité de l'abeille se résume ainsi : deux générations d'abeilles complètement différentes en ce qui concerne la longévité, l'état physiologique, les modes de vie et d'alimentation, vivent dans la colonie, en zone tempérée : les abeilles d'été à vie courte et les abeilles d'hiver à vie longue.

Dans la colonie volant librement, la longévité et l'état physiologique sont réglés avant tout par la nourriture et les soins au couvain. D'autres facteurs comme le conditionnement génétique de la longévité, les signes de vieillissement physiologique et le travail fourni en dehors de la ruche ne jouent dans la régulation de la longévité qu'un rôle plus restreint ».

Retrait des lanières anti-varroas
Les lanières anti-varroas qui ont été posées de bonne heure doivent être retirées après le temps d'utilisation préconisé par le Groupement de Défense Sanitaire Apicole Départemental.

Réduire cette période est dangereux : les varroas rescapés ont été mis assez longuement en contact avec la molécule et il est compréhensible que certains d'entre eux acquièrent progressivement des « armes » pour lutter contre la molécule. Ils hivernent et donneront naissance dans le prochain couvain à une descendance de plus en plus résistante. Nous avons constaté un déclin d'efficacité avec l'une des premières molécules utilisées.

Soyons prudents et respectons les protocoles si nous voulons garder l'efficacité de la seule molécule encore active et possédant une Autorisation de Mise sur le Marché.

Conclusion
Nos colonies sont maintenant prêtes pour le grand repos hivernal. Les colonies fortes bien logées, ayant des provisions en abondance, débarrassées de varroas, n'ont rien à craindre de l'hiver. Après un bon et long hivernage, le réveil n'en sera que meilleur. Nous n'en dirons pas autant pour les petites colonies qui, proportionnellement consommeront davantage.

L'imprévoyant le constatera à ses dépens dans quelques mois ! Qu'il se rassure, il est encore temps pour lui de rassembler les colonies faibles par une belle journée d'octobre. Il n'est jamais trop tard, mais maintenant le temps presse. Que reste-t-il à offrir à nos abeilles sinon le calme et la tranquillité ? Elles l'ont bien mérité !
B.Cartel