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L’heureux temps du fluvalinate

La varroase, une situation alarmante (2002)
Par Jean-Paul Faucon

Traiter la varroase reste, si l’on veut conserver des colonies productives, une nécessité impérative.

  1. Lorsque la parasitose s’est développée en France au début des années 1980, seuls étaient disponibles des traitements à action ponctuelle. Pour les débutants en apiculture et pour ceux qui l’auraient oublié, un traitement ponctuel élimine les seuls parasites présents sur les abeilles adultes. Les varroas prisonniers du couvain conservent toutes leurs possibilités de recontamination. Obligation est donc faite de traiter sans couvain. Mais est-on toujours sans couvain, même au coeur de l’hiver ? Les colonies d’un même rucher ont-elles un cycle biologique identique ? La réponse est non. Le manque d’efficacité de ces traitements ponctuels, manque d’efficacité imputable comme il a déjà été signalé à la présence variable de couvain, a rapidement conduit à la multiplication des applications. Plus de dix applications par an ont été recensées dans certains cas pour un même rucher. Devant la difficulté à maintenir bas les seuils d’infestation, une fausse conclusion de résistance du parasite à l’amitraze a été portée (1986). À ce jour, cette résistance ne semble pas la cause dans le manque d’efficacité des traitements à base d’amitraze (Rapport européen 2001 : lutte contre la varroase, contrôle des médicaments ayant une AMM).
  2. Le fluvalinate sous ses différentes formes d’application (Apistan, Klartan, Mavrick) s’est ensuite imposé (1988) octroyant un répit. Ces traitements à action rémanente permettaient de tuer les varroas présents sur les abeilles adultes et les varroas lors de leur sortie de l’alvéole dans la mesure où suffisamment de produit acaricide était présent dans la colonie. Il semble qu’une perte de vigilance des exploitants ait pris source dans la bonne efficacité de ces traitements. En effet, les traitements au fluvalinate étaient efficaces même avec des applications peu rigoureuses et en dehors des recommandations: inserts artisanaux en jute, bois, buvard, carton, et autres matières... disposés entre les cadres, sur les cadres, au trou de vol, pédiluve à l’entrée des ruches, badigeonnage des plateaux au fluvalinate... La liste n’est sûrement pas exhaustive. L’idée que le problème de la varroase était peut-être réglé s’est insinuée dans les esprits.La résistance du parasite au fluvalinate (1995) a fait resurgir une partie des problèmes rencontrés au début de l’infestation lorsque seuls les traitements ponctuels étaient utilisés

Cette situation a été aggravée par :

  • L’oubli des premiers acquis : manque d’efficacité générale des traitements ponctuels, présence du couvain... 
  • La difficulté d’abandonner un acaricide (le fluvalinate) qui, sur le terrain, semble toujours être efficace (l’exclamation ça tombe encore ! reste courante). On oublie que :
  • seule la population de varroas sensibles tombe,
  • que les varroas résistants perdurent et développent une population de plus en plus importante,
  • que les résistances apparaissent en peau de léopard et qu’il faut prévenir leur apparition par un changement de traitement. À l’heure actuelle le fluvalinate est encore préconisé et utilisé à tort dans certains départements.
  •  L’utilisation de l’acrinathrine, insecticide acaricide de la même famille que le fluvalinate (pyréthrinoïdes) et pour laquelle une résistance est aussi acquise (année).
  • La conservation des pratiques en cours non adaptées aux autres molécules. Des inserts artisanaux sont faits à base d’amitraze. Quel que soit le support ou le solvant, l’amitraze n’est pas stable et disparaît rapidement. Ces traitements n’ont donc que le nom de rémanent. Ils sont simplement ponctuels ou un peu plus que ponctuels. Une certaine efficacité peut être obtenue en renouvelant deux fois le traitement et en positionnant impérativement ces inserts au milieu du nid à couvain. Cela n’est pas toujours réalisé.

Les traitements ponctuels, ou faussement rémanents, reviennent en force avec leurs inconvénients
Les traitements sont divers, éclectiques, utilisent de façon immodérée des acaricides toxiques sans étude du risque pour les produits de la ruche et pour l’opérateur, sans connaissance de l’efficacité exacte. 

Quelques exemples sans qu’il soit tenu compte de l’aspect réglementaire autorisant ou non l’emploi de ces traitements, ce qui complique encore le problème :

Coumaphos
L’emploi de cette matière active se fait à partir du médicament vétérinaire Asuntol, médicament n’ayant qu’une AMM pour les animaux de compagnie.

  • Utilisation liquide par dégouttement ou utilisation par poudrage : si le dosage de la préparation utilisée par dégouttement est identique à celui du Périzin (médicament qui n’est plus commercialisé en France mais qui conserve toujours une AMM), le dosage de l’utilisation par poudrage est 8 fois supérieur.
  • Utilisation par trempage d’inserts en bois ou carton, dans une solution de concentration en coumaphos variable : efficacité inconnue.
  • Utilisation du Furet : efficacité, dégradation du produit actif, risques divers inconnus.


Dispositif d’application du médicament Périzin

Le coumaphos est liposoluble. Son accumulation dans les cires a été démontrée. Les différents risques sont :

  • Toxicité sublétale larvaire possible (taux maximum retrouvé dans la cire 5, 8 ppm).
  • Non dégradation lors de la fabrication des cires gaufrées, ce qui aggrave le problème en raison des cumuls de concentration.
  • Présence de coumaphos dans la gelée royale servant au nourrissement des larves (Journal of Apicultural Research, 2001, 40).

Des résistances au coumaphos sont annoncées entre autres en Italie dans la province de Côme. Une baisse d’efficacité semble apparaître en France d’après certains éleveurs.

Amitraze
L’emploi de cette matière active se fait généralement à partir du médicament vétérinaire Taktic, médicament n’ayant qu’une AMM pour les animaux de rente.

  • Utilisation par la méthode à froid : efficace de façon ponctuelle, cette méthode a révélé ses limites dans les années 1980. Malgré le mélange de l’amitraze avec un solvant huileux, l’action ne dure qu’un temps limité (environ 24 heures). Cette méthode est actuellement encore employée comme seul traitement annuel de la parasitose. Cette utilisation peut se justifier dans les régions où le repos hivernal des colonies est fortement marqué ; son efficacité est insuffisante pour les autres égions.
  • Utilisation du furet avec le risque d’emballement des reines (décrit dans les années 1980).
  • Inserts (bois ou carton) imprégnés d’amitraze en solution huileuse, placés sur les cadres ou glissés à l’entrée de la ruche en oubliant que ce positionnement ne permet pas une efficacité suffisante. Comme pour la méthode à froid, l’amitraze est instable et l’action dans le temps est limitée.
  • Couvre-cadres avec la face interne imprégnée de quelques gouttes d’amitraze, morceau de papier imprégné de quelques gouttes d’amitraze et posé sur les cadres, avec les mêmes réserves que précédemment.
  • Amitraze en solution huileuse déversée à la burette de mécano à l’entrée des ruches.

Sans compter les utilisations à partir de spécialités phytosanitaires (Maïtac et autres...) en raison d’un coût inférieur au Taktic et de la facilité à se le procurer, mais de concentration en amitraze différente, avec des adjuvants dont l’incidence est inconnue.

Sans compter qu’en cas d’utilisation de l’Apivar, les inserts doivent rester 10 semaines dans la ruche et être positionnés dans le couvain, ce qui n’est pas toujours réalisé.

Sans compter que l’Apivar présente une variabilité d’efficacité dans un même rucher. À titre d’exemple, un dépistage effectué sur 17 colonies après un traitement parfaitement contrôlé avec des lanières Apivar a révélé un nombre résiduel de varroas variant de x à y (voir tab. 1).


Traitement à l’Apivar

Sans compter que l’amitraze est plus toxique que le fluvalinate, ce qui doit limiter malgré tout la fréquence et la durée des applications, particulièrement la fréquence des applications ponctuelles. 

Tableau 1: Nombre de varroas comptés aprèsun traitement de contrôle suite à 10 semaines
de présences des lanières Apivar. (Rucher personnel)

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Moyenne de varroas par ruche: 205 (33 - 586) Avec un seul traitement à l’Apivar, certaines colonies de ce rucher auront bien du mal à passer l’hiver.

Un contrôle de toutes les colonies du rucher, un traitement complémentaire avec un produit acaricide autre que l’amitraze est donc obligatoire à l’heure actuelle.

Chlorfenvinphos
C’est un organophosphoré utilisé en dernier recours, lorsque les autres traitements sont supposés inefficaces. Ce produit, d’une toxicité élevée, ne fait l’objet d’aucune étude officielle. Les risques pour la colonie sont importants. À ne pas utiliser.

Acide oxalique
C’est un exemple de traitement ponctuel.

  • L’efficacité sans couvain est de plus de 98 %, l’efficacité avec couvain est variable et inférieure à 50 % suivant les cas (Apidologie, 2001, 32).
  • Ne permet pas, dans les régions où le couvain reste présent, de passer une année apicole sans encombres.
  • Des traitements complémentaires avec d’autres acaricides doivent être réalisés et un calendrier strict d’application doit être suivi, calendrier qui alterne des traitements avec des acaricides différents.

Certains chercheurs mettent en évidence une toxicité variable de l’acide oxalique vis-à-vis des colonies. Cette toxicité serait plus apparente dans les régions froides. La prudence est donc de rigueur. L’exemple de l’amitraze pour qui l’on soupçonne actuellement une toxicité est à prendre en considération.

L’utilisation de l’acide oxalique présentedes risques pour l’utilisateur, particulièrement avec les méthodes par évaporation à lachaleur (La Santé de L’Abeille no 185, pages 365-368).

Acide formique
A suscité beaucoup d’espoir mais reste d’une utilisation difficile.

  • Plus ou moins efficace suivant le type d’évaporateur employé et la région géographique qui conditionne un blocage de ponte variable.
  • Tue les larves à la naissance. Il y a donc un blocage de ponte artificiel plus ou moins long en fonction de la concentration en vapeur d’acide formique et du temps de présence. En cas de traitement de longue durée, il est conseillé de ne pas dépasser douze jours et de traiter à une période qui permettra par la suite à la colonie à reprendre son développement du couvain. L’utilisation d’appareils débitant une certaine quantité d’acide formique durant une période plus ou moins longue n’est pas à conseiller (type Apidifus). En effet si le débit est trop faible (pour minimiser la toxicité vis-à-vis de l’abeille), l’efficacité est insuffisante ; si le débit est trop fort (pour tuer suffisamment de varroas), l’affaiblissement par arrêt artificiel de ponte n’est pas sans risque pour la survie de la colonie. Le débit de ce type d’appareil reste fortement sous l’emprise de la température externe.

Thymol
L’utilisation du thymol s’est développée ces dernières années avec l’Apilife Var italien, le Thymovar suisse, l’Apiguard Français qui vient de recevoir son AMM et qui sera disponible à la vente en janvier 2002, les cristaux de thymol sur support artisanal. Son action acaricide est réelle mais il est obligatoire de prendre en compte sérieusement ses limites d’emploi :

  • L’efficacité du traitement en présence de couvain est en moyenne de 85 %. Ce traitement seul ne sera donc pas suffisant, il devra être complété par un traitement curatif au moyen d’un autre acaricide.
  • Le traitement montre une efficacité optimale avec des températures élevées. Il doit donc être réalisé en fin d’été début Septembre ; en dehors de cette période le résultat sera insuffisant.

Des ruchers traités seulement au thymol ont montré des pertes hivernales anormalement élevées en sortie d’hiver avec des symptômes de varroase indiscutables. L’utilisation du thymol doit donc être intégrée dans un plan de traitement annuel comprenant d’autres acaricides ; la baisse de la pression du parasite que provoque le thymol permet d’attendre une saison plus propice aux traitements curatifs.

Un des avantages du thymol à étudier plus rigoureusement, résiderait dans son pouvoir bactériostatique qui améliorerait l'état sanitaire général des colonies.

Roténone
Aucune étude scientifique sérieuse ne permet pour l’heure de préconiser ce produit. L’efficacité réelle de diverses préparations est inconnue de même que la toxicité et la présence de résidus dans le miel. Seul le traitement par poudrage a été testé sur quelques colonies (La Santé de l’Abeille no 144, pp 263-264). La lourdeur de la méthodologie a annihilé son développement. D’autres modes d’application sont à l’étude sur le plan européen.

Conclusion
La varroase est un des graves problèmes de l’apiculture.

Mais la varroase est un problème exclusivement apicole. Pour cette raison, il devrait trouver un règlement suivant une ligne de conduite commune à l’ensemble de la profession. Plus de rigueur dans les traitements contribuerait à diminuer une partie des difficultés.Une information soutenue, une acceptation des consignes prodiguées sont les éléments de base à une première avancée sur cette voie. L’administration doit y participer activement en facilitant les procédures d’AMM pour les médicaments apicoles en maintenant une action efficace des Services Vétérinaires.