Les frelons actuellement présents dans notre pays, sont tous originaires d'Asie. Pour éviter de l'oublier, on appelle « frelon asiatique » le Vespa velutina arrivé chez nous en 2004 et « frelon oriental » le Vespa orientalis signalé à Marseille en 2021. Le nôtre, celui que nous appelons « l'européen » Vespa crabro, est chez nous depuis très longtemps et on aurait tendance à oublier que lui aussi est originaire d'Asie.

Les désinsectiseurs du grand Sud-Ouest observent cette année particulière, ponctuée de gelées printanières tardives et de périodes caniculaires, une diminution de près de 80% des colonies de Vespa velutina.  Vespa crabro, quant à lui, montre une résurgence suffisamment notable pour mettre en évidence d'une part la difficile compétitivité qu'il livre avec l'envahisseur ainsi que son adaptation et sa résilience aux aléas climatiques de notre pays.

A force d'observations suivies, ces 18 dernières années, on sait maintenant que les fondatrices du frelon asiatique sortent de diapause au printemps plus précocement que le frelon européen, même s'il n'est pas rare de les observer ensembles vaquer aux besoins de leurs nids primitifs respectifs.

Depuis des milliers d'années, le frelon européen s'est lentement adapté à notre climat. Sachant que notre printemps peut être parfois surprenant, avec des gelées tardives. Aussi, la reine sait choisir des sites protégés tels que tronc d'arbre creux, nichoir à oiseaux, abris de jardin fermé, auvent de toiture isolée pour implanter sa fondation.

Ce n'est pas le cas pour le frelon asiatique qui semble ne pas s'être adapté à notre climat... pour l'instant.

On sait que le redoux printanier et l'allongement de la durée d'éclairement journalier sont les facteurs principaux qui conditionnent la sortie de diapause hivernale des vespidés.

Les colonies primitives de Vespa velutina sont souvent très exposées, dans les haies, sous les avant-toits, sous terre, sous les bâches de couverture etc. Ces emplacements, qui conviennent peut-être dans son pays d'origine, ne lui ont pas permis de résister aux pics de gelées nocturnes que nous avons connu dans le grand Sud-Ouest début avril entre ( -5,7° et -4,5° C). Voilà pour l'inadaptation au froid.

Quand on observe une colonie de frelons européens, on est frappé par le fait que le nid ne ressemble pas tout à fait à celui de l'asiatique. En effet, la paroi externe (l'involucre) est totalement fermée et enveloppante chez l'asiatique, alors qu'elle reste largement ouverte à la base chez l'européen. Bien aérée par le bas, la température de la bâtisse est plus facile à réguler lors des températures estivales excessives. Cette adaptation semble faire défaut à Vespa velutina pour l'instant et peut expliquer les perforations parfois observées sur des nids d'aspect aberrant.

Le choix habituel du site de relocalisation a vraisemblablement été défavorable à Vespa velutina cette année. Sans entrer dans des différences marginales de comportement, l'européen quitte sont tronc d'arbre ou son nichoir devenu trop étroit et se relocalise souvent dans une cheminée, une grange, un appentis etc., où il n'aura rien à craindre de la canicule.

Quand le site choisi par la fondatrice ne permet pas un développement optimal de sa colonie, Vespa velutina se délocalise de préférence au sommet des grands arbres. Or, cette année, les cimes partiellement dépourvues de feuilles étaient très exposées aux rayons solaires.

Trois colonies ont pu être autopsiées. Elles montraient un développement volumétrique très inférieur à la normale pour la saison avec un effectif insignifiant, des plateaux parfaitement bâtis mais sans ponte.

Pas une seule colonie implantée sous toiture n'a fait l'objet d'une intervention à ce jour alors qu'elles constituent en période anomale le quotidien d'un service de désinsectisation.

Cela dit, il n'y a pas lieu de se réjouir trop vite en espérant la fin prochaine du frelon asiatique, on peut faire confiance aux quelques fondatrices qui avaient choisi le bon emplacement pour transmettre cette « adaptation » à leur descendance.

Francis ITHURBURU
Biscarrosse, le 16/09/2022