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Juin, sommet du développement des colonies, mais quid de la première récolte
F. Anchling
Pour le jeune apiculteur, juin a toujours été le mois des premières récoltes. Malheureusement cette année sa déception risque d’être grande. La belle récolte espérée sera dans la plupart des régions très minime. Fin avril déjà, la floraison des cerisiers a été brutalement interrompue par des températures hivernales et des déluges glacés. Le joli mois de mai de la chanson, ressemblait plus souvent à un mois de novembre. Malgré tout leur courage, les butineuses n'ont pu résister à la froidure ni s'opposer au vent du nord. Seules les porteuses d'eau étaient à l'abreuvoir pour pomper l'eau nécessaire à l’élevage du couvain. Hélas, beaucoup de ces vaillantes ouvrières y ont perdu la vie.
Lorsqu'un rayon de soleil réchauffait un peu l'atmosphère, aussitôt les trous de vol déversaient une meute de butineuses trop longtemps confinées dans un espace trop étroit et l'air s'emplissait d'un vrombissement assourdissant, généré par des milliers d’insectes pressés de prendre un peu d'air et de courir récupérer tous ces nectars en attente.On avait l’impression que tous les ruchers étaient atteints de la fièvre d'essaimage ; une fièvre qui emportait tout sur son passage : jeunes abeilles, butineuses gavées de miel, récolteuses de pollen les pattes encore chargées etc..
Bientôt nous serons en juin, les jours sont plus longs et plus chauds. Juin c'est aussi le sommet de la saison apicole, marquée par le solstice d'été, date à laquelle le printemps cédera la place à l'été. Nos colonies ont atteint le maximum de leur développement, la population va maintenant lentement décliner.
Au contraire varroa continue à se développer, il va devenir dangereux pour nos protégées et il faudra commencer à décompter les marques laissées par sa présence.
Pour l'apiculteur, juin est un mois d'activité intense. Il lui faudra tout à la fois :
- courir après les derniers essaims, les enrucher et pousser leur développement
- récolter les hausses
- renforcer les colonies de productions et préparer la transhumance
- faire des nucléis pour rajeunir le cheptel
- préparer la commercialisation de la récolte sans oublier la réglementation concernant la traçabilité.
Il lui est donc fortement conseillé d'être en forme, car ni l’abeille, ni l'essaim, ni le miel, surtout celui de colza, n'attendent.
A - Courir après les derniers essams
En temps normal, une butineuse est épuisée après vingt jours de travail intensif à la recherche de pollen et de nectar et elle ne rentrera pas de sa dernière sortie. Mais avec les conditions climatiques que nous avons connues en avril et mai, elle était au repos forcé. Elle vivra donc plus longtemps et encombrera l'espace vital de la colonie. La réclusion prolongée d'un grand nombre de butineuses condamnées à l'inactivité, en compagnie d'une armée de jeunes abeilles naissantes, elles aussi en partie désœuvrées provoque inévitablement la fièvre d'essaimage.
Pour essayer d'enrayer ce processus qui conduit inévitablement à l’édification de cellules royales, il est conseillé d'offrir de l'espace sous forme de hausses avec des cadres de cire gaufrée à étirer, afin d'attirer les cirières. Malheureusement, les températures très basses que nous avons connues ont été un frein à la montée des cirières dans les hausses. De plus, l'absence de récoltes conduisant à un manque de nourriture, les réserves sont à cette époque totalement épuisées, n'incitait nullement à l'étirage des cires. La disette de certaines colonies était patente, c'est ainsi que nous avons dû récupérer des essaims totalement épuisés, étalés à même le sol, car n'ayant aucune réserve de nourriture et qu’il a fallu immédiatement secourir pour éviter leur disparition. Pour sauver la colonie d'une mort certaine, un essaim dit de sauveté, a quitté la souche et tenté sa chance.
Cette fièvre d'essaimage prévisible courant mai, risque malheureusement de perdurer si les conditions météorologiques ne s'améliorent pas, d'autant plus que les aires de butinage se rétrécissent. Les floraisons des arbres fruitiers et du colza n'ont, en de nombreux endroits, pas pu être exploitées par les colonies. Les répercussions sont visibles : pas d'abeilles, pas de pollinisation, pas de fruits. Les acacias ne miellent pas quand le vent du nord les caresse. Que reste-t-il pour remplir nos maturateurs ? Tous ces essaims devront être nourris pendant quelque temps pour les aider à construire les rayons qui deviendront leur demeure. Plus tard lorsque nous pourrons en trouver, il sera judicieux de remplacer toutes ces reines dont on ne connaît pas l'origine exacte, ni les caractéristiques. Malgré notre désappointement, profitons de tous ces essaims pour admirer l'architecture des rayons.
Comment l'abeille fait-elle pour construire des cellules Hexagonale ?
Les rayons construits par l'abeille, avec leur apparence extérieure, impressionnante de régularité ont depuis toujours fasciné les hommes. Certainement, beaucoup le supposent, qu'autrefois l'abeille a obtenu un don de mathématique, car autrement la réalisation de cette construction qui rappelle un cristal ne pourrait s'expliquer.
Et pourtant, les découvertes du groupe de travail sur l'abeille, de l'université de Wurzburg démontrent que la forme des cellules est le résultat, du jeu combiné des abeilles avec les propriétés de la cire. L'architecture des rayons de cire construits par l'abeille, résulte d'une invention géniale de la nature. Nulle part dans le règne animal, ne se rencontrent des formes géométriques aussi exactes. Elles servent d'ailleurs de modèles pour de très nombreuses réalisations ornementales ou même des constructions légères. Autrefois déjà, de brillants chercheurs tels que Galilée où René-Antoine Ferchault de Réaumur se sont confrontés à ce sujet. Ce n'est que bien plus tard que les biologistes ont commencé à s'intéresser à l'abeille et ont cherché à découvrir les organes régissant ses capacités de travail. Les connaissances acquises concernent principalement les organes sensoriels. C'est ainsi que Martin Lindauer, chercheur réputé, a découvert il y a quelques dizaines d'années, que les antennes sont des instruments de mesure essentiels avec lesquels les abeilles déterminent entre autres l'épaisseur des parois des rayons de cire. D'autre part, leur sens de la gravité les aide à construire des rayons verticaux.
La cire du rayon est un matériau robuste. Lorsqu’un essaim quitte la ruche pour s’installer dans un nouvel emplacement, il emporte avec lui des abeilles dont les glandes cirières sont fortement développées. Les quatre couples de glandes cirières disposés de chaque côté de la partie arrière de l'abdomen de l'abeille produisent des écailles de cire. Ces petites plaques de seulement 70/1000 de mm d'épaisseur sont les substances de base pour la construction des rayons. En cas de nécessité, elles sont renforcées avec de la propolis.
Les produits nécessaires à la survie de la colonie : le nectar, le pollen et le couvain sont rangés sur ces rayons avec exactitude. Au centre du rayon, on trouve le couvain et d'une manière générale, tout autour, une couronne de cellules de pollen. Ainsi les nourrices ont le chemin le plus court pour soigner le couvain. Les alvéoles destinées à stocker le miel sont rassemblées vers la périphérie. Ces rayons ont une énorme résistance ; ainsi 20 grammes de cire peuvent contenir 2 kilos de miel. Les cires font aussi office de nursery et de téléphone (nous en reparlerons cet automne).
Comment les cirières construisent-elles les rayons ?
Dans la grappe, les abeilles construisent d'abord des cylindres autour d'elles-mêmes. Leur propre corps est la référence de grandeur. Le fonds des alvéoles est construit sous forme d'une demi boule. Comment en arrive-t-on alors aux formes hexagonales parfaites ? L'explication résulte de la combinaison de différentes expériences que les chercheurs ont réalisées à l'université. De simples expériences physiques faites avec de la cire : analyse des formes de la cellule, de longues observations des abeilles pendant leur travail de construction, le relevé des températures des cires pendant l'avancement de la construction, le tout mélangé - il en est résulté toute une série de découvertes étonnantes. La forme hexagonale des cellules résulte de la réunion de deux conditions : premièrement les propriétés matérielles de la cire et deuxièmement son réchauffement par la grappe. La cire est constituée du mélange de plus de 300 substances de base. Plus elle est chauffée, plus elle devient malléable. Des modifications visibles interviennent déjà en dessous de 30 degrés. A 40 degrés, elle devient malléable au point de pouvoir être modelée.
Et en réalité des températures de 40° ont été mesurées dans la grappe des cirières avec un mini thermomètre implanté dans la cire pour en prendre la température de façon continue. Les abeilles produisent une température aussi élevée en actionnant leur musculature alliaire. Une caméra à infra-rouge a permis de confirmer les indications du thermomètre.
On arrive assez facilement à reproduire artificiellement les phases des modifications observées par le travail de l'abeille. Si l'on rassemble en paquet de petits tuyaux de cire et qu'on les réchauffe à 40°, on observe que progressivement la cellule ronde se transforme automatiquement en hexagone.L'impression que le fond des cellules se compose de trois losanges, n'est valable lors d'une observation minutieuse que pour les vieilles cires. Si l'on imprime la forme négative de cellules fraîchement construites, on peut démontrer que le fond a la forme d'une demi-boule très régulière. L'impression de voir une forme de losange vient du fait de la vision par transparence de la cellule opposée qui est décalée. C'est une illusion d'optique et non une performance architecturale de l'abeille. Par suite de réchauffements répétés, le fond s'aplatit en trois parties au cours du temps, mais la forme idéalement géométrique des trois losanges n'est jamais obtenue.
Les nouvelles cellules sont toujours construites en forme de cylindre sur les bords d'extension du rayon, Pendant les travaux de construction, les abeilles raccrochent toujours sur le pourtour de nouvelles cellules, de sorte que les vieilles alvéoles migrent des bords vers l'intérieur du rayon alors qu'en même temps leurs côtés sont tirés en hauteur. Les cellules se rapprochent toujours plus de la forme hexagonale car la cire par les réchauffements répétés commence à devenir malléable et prend ainsi la forme la plus économique en énergie. Si l'on observe avec attention un rayon de cire en construction, on distingue nettement les rouleaux sur les bords extérieurs et leur progression vers l'hexagone plus on va vers le centre du rayon.
Ces constatations ne diminuent en rien la grande considération que l’on doit avoir du travail des abeilles. Bien au contraire, la combinaison des caractéristiques matérielles de la cire extrudée par les abeilles avec ses comportements particuliers sont la marque d'une combinaison remarquable.
B - Récolter des hausses
D'ordinaire, en juin, l'apiculteur a enfin atteint une première étape du but vers lequel tendaient tous ses efforts, c'est le mois des satisfactions avec la récolte du "miel de fleurs". Récolter sur ses colonies le surplus de miel constitue la récompense normale pour la peine et les soins prodigués à ses protégées. Mais cette année malheureusement il aura beaucoup de peine à déterminer la quote-part qui légitimement pourrait lui revenir.
a) Récolter de manière équitable
Il est beaucoup question de commerce équitable ces temps-ci. Il en va de même pour nos colonies ; il est légitime et impératif que chaque colonie dispose en permanence d'une réserve de sécurité d'environ 10 kilos de miel. Il serait imprudent de croire que la belle saison aidant, nos abeilles pourraient reconstituer leurs stocks très rapidement. Même si le mois de juin introduit l'été, le début du mois peut encore se révéler froid et pluvieux, avec de brusques arrêts de la miellée conduisant à la disette des bataillons de ventres affamés. De plus une colonie brutalement privée de ses réserves subit un choc qui modifie complètement son comportement. Elle peut aussi bien ne plus être capable de faire face aux agressions environnementales, que manifester sa révolte en attaquant violemment avec force piqûres, l'apiculteur qui se promène au voisinage du rucher et même, ce qui peut être plus grave, passants et animaux qui se trouveraient dans les environs immédiats.
II est également indispensable, et nous l'avons décrit au paragraphe précédent, que le couvain soit toujours entouré de quelques cellules de pollen et qu'une couche de miel coiffe en permanence l'ensemble des rayons de couvain. En temps normal, le couvain ne touche jamais la barrette supérieure des cadres. II en est séparé par une épaisseur de miel de hauteur variable qui en forme de banane coiffe les berceaux des générations futures. Mais lorsque les hausses sont posées, la population nombreuse et le couvain abondant, il est fréquent de constater que le couvain affleure la barrette supérieure des cadres, la coiffe de miel se prolongeant alors jusque dans la hausse. En retirant tous les rayons de la hausse, comme cela se pratique couramment, la coiffe de miel est totalement supprimée. La colonie privée brutalement de son environnement vital est en détresse et le fait savoir. Pendant plusieurs jours elle va manifester sa révolte.
b) Récolter en faisant des choix
Dans notre pays, nous avons la chance de disposer, suivant les régions, d'une très grande diversité de floraisons mellifères, qui peuvent donner plusieurs miellées successives tout au long de la saison. Suivant la clientèle ciblée par l'apiculteur, il peut y avoir intérêt à récolter séparément les différents crûs reflets de leur origine florale, pour obtenir des miels uni-floraux (en théorie seulement, car en pratique ils ne sont qu'à dominante uni florale) : miel de printemps, de pommiers, de colza, d'acacia, de tilleul, de lavande, etc.., Ce choix dans l'appellation des miels récoltés, mais aussi l'absence de récolte comme c'est le cas cette année, conduisent l'apiculteur à s'interroger et à définir une politique de récolte avec transhumance sur les lieux de production.
c) Du nectar au miel
Le miel est élaboré par les abeilles à partir de sucres produits par des végétaux, soit sous forme de nectar, soit sous forme de miellat. Le nectar est un liquide sucré, sécrété par les nectaires dont sont dotés certains végétaux à la base des corolles. On le vérifie aisément lorsqu'on mâchouille une fleur d'acacia. Le nectar est composé d'eau et de sucres, mais contient également de nombreuses autres substances à l’état de traces, tels que des acides aminés, des acides organiques, des substances aromatiques, des vitamines, des minéraux, etc. Ces substances sont responsables de la valeur aromatique d'un miel et lui confèrent sa personnalité. Combinées aux sécrétions de l'abeille, elles sont à l'origine des effets bienfaisants attribués à certains miels depuis la plus haute antiquité. Les sucres en concentration très variable selon la nature de la plante et les conditions environnementales, (de10 à 70 % ) sont principalement du glucose, du saccharose et du fructose, mais aussi en très faibles quantités, différents autres sucres. Le spectre des sucres est une caractéristique des familles botaniques butinées et permet de déceler les fraudes concernant l'appellation ou l’origine d'un miel. La nouvelle directive miel de 2001 y fait référence. Le nectar contient encore de nombreux micro-organismes qui peuvent influencer le devenir d'un miel, en particulier les levures. Différents facteurs influencent la sécrétion du nectar : l’âge de la fleur (la ronce), le sexe (l’érable), la durée de floraison (le butinage du colza accélère sa défloraison). La morphologie de la plante n'est pas toujours adaptée au butinage par l’abeille (le trèfle incarnat). Les conditions météo jouent également un rôle très important : le nectar est plus abondant lorsque l'humidité de l'air est élevée. Au contraire si la température est fraîche, si le vent du nord est dominant, les nectaires se tarissent. Un exemple frappant en est donné par l’acacia : croulant de fleurs, il n'est pas butiné par vent du nord ou si la température est trop fraîche ; il n'exhale alors aucun parfum.
Nos abeilles sont en constante recherche de la meilleure source de nectar, le plus concentré en sucres. Elles ont le souci de la rentabilité et à l'arrivée dans la colonie, celles qui ramènent la charge la plus concentrée sont déchargées en priorité alors que les autres doivent patienter. Les fines gouttelettes sucrées qui perlent, attirent les abeilles qui les aspirent avec la trompe et les stockent dans le jabot. Le jabot est un sac extensible, piriforme, d'un volume de 50 à 60 µl (environ 20 000 jabots par litre) ouvert du coté de l’œsophage et de l’intestin avec lequel la jonction est assurée par une soupape (le proventricule) qui permet de filtrer le nectar et d'en éliminer les impuretés, mais surtout qui interdit au contenu de l'intestin de remonter dans le jabot.
Une butineuse pèse 100 mg ; elle visite de 20 à 100 fleurs pour constituer une charge de 30 à 60 mg de nectar (soit la moitié de son poids). Pendant son retour à la ruche, elle commence l’enrichissement du nectar avec des enzymes secrétées par ses glandes labiales et pharyngiennes : (des diastases, des invertases et du gluco-oxydase. Un chercheur disait lors d'une conférence et à juste titre « l'abeille est un laboratoire enzymatique volant » De retour à la ruche, la butineuse remet son nectar à une abeille d'intérieur. Ce nectar circule très vite d'une abeille à l'autre, tout en s'enrichissant de sécrétions glandulaires. Pendant ce transfert, les abeilles évaporent l'eau du nectar en en refoulant une goutte et en l'étalant sous la trompe. C'est la phase de séchage actif qui dure de 15 à 20 minutes. Quand le taux d'humidité est tombé à 40-50 % le nectar est déposé dans les cellules où l’évaporation de l'eau se poursuit sous l'action de la ventilation. C'est la phase passive qui s'étend sur 4 à 5 jours.
Le séchage du miel dans la ruche est une opération qui implique un grand nombre de jeunes abeilles. Il a été calculé que pour 10 à 15 000 butineuses. c'est 25 à 30 000 jeunes abeilles qui œuvrent à la transformation du nectar en miel.
Ce travail est en relation directe avec la nature de la ruche (largement ouverte et bien ventilée), la force de la colonie, la quantité journalière de nectar récoltée et la concentration en sucre de ce nectar.
Concentration en sucre du nectar | Eau à évacuer pour obtenir 1 kg de miel |
60 % | 0,3 kg |
40 % | 1 kg |
20 % | 3 kg |
13 % | 5,2 kg |
L'abeille ayant un souci permanent de rentabilité, ce tableau explique pourquoi les butineuses chargées d'un nectar concentré sont déchargées de leur récolte avec plus d'empressement que d'autres qui n'ont pas butiné à la même source.
L’humidité du miel est très difficile à éliminer si les nuits sont chaudes et cette opération peut s'étaler sur 4 à 5 jours notamment avec l'acacia. Le niveau d'humidité a aussi une influence directe sur le poids spécifique du miel extrait : à 15 % d'humidité un litre de miel pèse 1,435 kg ; alors qu'à 18 % un litre pèsera 1,417 kg. Quand le miel est mûr, c'est à dire lorsque son taux d'humidité est inférieur à 18 - 20 % (pour la bruyère), les abeilles ferment la cellule avec un couvercle de cire : elles operculent.
Le miellat est en général élaboré par un puceron qui pique les parties tendres des végétaux, se nourrit des matières azotées contenues dans la sève et rejette les sucres qu’il ne peut digérer. Ces exsudats sont repris par les abeilles et à nouveau transformés pour devenir un miel de miellat.
d ) Quand récolter ?
Le miel ne doit être récolté que lorsqu'il est mûr, c'est-à-dire suffisamment sec pour se bien conserver. Pour tous les miels, le taux d' humidité ne doit pas dépasser 18 %. Une exception, la bruyère peut titrer 20 %. D'instinct nos avettes savent à quel moment le produit de leur travail est en état de bonne conservation et aussitôt elles le protègent avec une fine pellicule de cire, un opercule. Lorsqu'un cadre est entièrement operculé, c'est un indice de maturation. L'apiculteur a alors la certitude que le taux d'humidité du miel est inférieur à 18 %. Quelquefois cependant, pressées par les rentrées de nectar et les difficultés à l’assécher dans une atmosphère environnementale trop humide, nos abeilles operculent à la hâte un miel qu'il faudra encore assécher pour lui assurer une bonne conservation. Dans certaines régions c'est souvent le cas du miel d'acacia.
.En pratique, il est conseillé de ne récolter que les rayons entièrement garnis et operculés ; parfois bien sûr pour éviter de revenir pour 1 ou 2 cadres, notamment en fin de saison, on peut retirer un cadre operculé aux 3/4. Par acquit de conscience, pour s'assurer que ce miel non encore operculé est pourtant mûr, une petite tape sur la barrette supérieure du cadre tenu en main, ne doit pas provoquer d'éclaboussures. Si des gouttes de miel giclent encore, ce miel n'est pas mûr ; mieux vaut attendre encore un peu avant de le récolter. Un miel qui n'est pas encore à maturité complète est trop liquide et une fois extrait, il risque de contenir des spores de levure ou des moisissures qui le feront fermenter. Un miel fermenté est impropre à la consommation tant pour l'homme que pour l’abeille. Du miel qui fermente prend un goût extrêmement désagréable, et il n'est pas souhaitable d'en mettre sur la table de l'un de vos amis.
Les cadres non retirés sont rassemblés au dessus des cadres de couvain du corps de ruche et les vides sont comblés avec des cadres de réserve. A défaut, le soir même, après extraction, les cadres seront rendus aux abeilles, au début de la nuit, après avoir été vaporisés avec de l'eau pour éviter une excitation au rucher.
Dans les régions sans colza, si vous désirez récolter un miel toutes fleurs, rien ne presse. En cas d'abondance de récolte, vous pouvez envisager la pose d'une deuxième hausse ou même de plusieurs. La hausse supérieure pourra contenir des cadres de cire gaufrée, ce qui présente un avantage certain : si la colonie est forte, nous suçons les jeunes ouvrières vers le haut et ainsi nous combattons un peu l'essaimage, pour arriver à une bonne et abondante récolte de miel.
Par contre, dans les régions où l'on cultive le colza, il est prudent de surveiller le remplissage des hausses. Dès que les champs passent du jaune au brun foncé, il faut récolter les rayons, même s’ils ne sont operculés qu'aux 3/4 et les extraire de suite. Le miel de colza cristallise très rapidement, même dans les hausses surtout si la colonie a essaimé ou si les nuits sont froides.
e ) Techniques de récolte
Le miel est un produit noble chargé de saveurs et de flaveurs. Rien ne devra porter atteinte à ces qualités.
1) Le chasse abeilles : Le procédé le plus respectueux de la qualité du produit, le moins stressant pour la colonie, indépendant des conditions climatiques, c'est le chasse-abeilles, appareil que l'on trouve dans le commerce et qui ne permet le passage des abeilles que dans un seul sens. Il est fixé sur un plateau couvre-cadres. Ce plateau est intercalé la veille au soir entre la ruche et sa hausse. Pendant la nuit les abeilles sont descendues à la rencontre de leur reine et le lendemain matin, la hausse est pratiquement vide et peut être récoltée très rapidement, sans aucune excitation au rucher. Les rayons bons à extraire sont prélevés, la hausse regarnie avec des rayons vides. Le chasse abeilles est enlevé, la hausse remise en place pour que la colonie continue à engranger. Après extraction, à la nuit tombante, on redonne les cadres préalablement vaporisés sur les deux faces avec de l’eau fraîche. C'est de loin le procédé que je préfère. Avec certains types de ruches, la mise en place d'un chasse-abeilles est impossible. Il faut alors récolter cadre par cadre et l'on devra respecter certaines règles.
Il est préférable de choisir une journée calme, ensoleillée et favorable au travail des abeilles. Évitez surtout les journées orageuses ou venteuses ; les abeilles vous feraient connaître rapidement leur désaccord. On peut intervenir soit le matin à la fraîche (les butineuses sont encore nombreuses dans la ruche mais le calme règne et elles collent au cadre), soit en fin d'après-midi. C'est la solution que je préfère, car l'amputation de leurs réserves met les ruches concernées et par contagion tout le rucher en effervescence. Avec la tombée de la nuit (la nuit porte conseil), le calme revient rapidement et réduit ou supprime totalement l'excitation que nous aurons déclenchée par nos manipulations plus ou moins malheureuses. De plus elles auront toute ta nuit pour réparer les dégâts involontaires.
Pensez surtout au voisinage : l'apiculteur étant de moins en moins toléré, il importe qu'il se fasse oublier, surtout pendant ces interventions qui peuvent provoquer quelques réactions piquantes.
Pour intervenir avec efficacité, il faudra tout préparer et le disposer à portée de mains. Une hausse vide fermée, un enfumoir bien garni, un seau d'eau et une éponge pour laver les taches de miel, un seau avec couvercle pour récupérer les chutes de cire, un lève-cadre et une brosse à poils doux, une planche formant plan incliné, posée devant la ruche et affleurant le trou de vol pour éviter que les jeunes abeilles se perdent dans l'herbe.
Un rappel : la fumée ne doit pas être envoyée dans la hausse, le miel prendrait mauvais goût. Elle doit raser le dessus des cadres pour décourager les gardiennes de quitter l'abri protecteur de la ruche. Brosser les abeilles ne signifie pas les piquer mais les pousser délicatement pour nettoyer le cadre.
2) Récolte cadre par cadre : c'est la plus ancienne et la plus simple. Par le trou d'envol, je donne quelques jets de fumée pour mettre les abeilles en bruissement : (une abeille gorgée de miel est moins agressive). Une ou deux minutes plus tard je découvre la section de hausse dans laquelle je veux intervenir, un petit jet de fumée rasante c'est suffisant (surtout pas d'excès de fumée, le miel est un produit délicat) ; je retire le cadre de rive et ainsi de suite, une légère tape sur la barrette supérieure du cadre fera tomber un certain nombre de butineuses qui avec empressement regagneront l'abri des cadres du corps de ruche. Avec une balayette, je brosse avec délicatesse les récalcitrantes (je dis bien brosser et non piquer), je range les cadres dans la boîte à rayons naturellement étanche. Et ainsi cadre après cadre. Tous les 3 ou 4 cadres, un petit jet de fumée toujours rasante aide à garder la maîtrise des opérations. Un dernier petit truc : ne perdez pas de temps à chasser la petite récalcitrante qui colle à son cadre. Pendant le transport des cadres entre le rucher et votre extracteur, les vibrations chasseront les dernières attardées.
3) Récolte par soufflerie : c'est du domaine des professionnels. On retire la hausse et avec une soufflerie, on expulse toutes les abeilles. C'est brutal mais expéditif et sans danger pour le miel.
f ) Extraction
Les rayons récoltés sont transportés à la miellerie pour être extraits de suite, pendant que le miel est encore chaud. Le miel est un produit alimentaire et son travail doit respecter des règles d'hygiène comme tout produit alimentaire ainsi que les propriétés spécifiques du miel. Il ne faut pas oublier que le miel est acide et que seuls l'inox et le plastique alimentaire sont autorisés pour son élaboration ou sa conservation. La miellerie est un local propre, sec, bien ventilé avec possibilité de chauffage et de déshumidification. Elle sera alimentée en eau potable, si possible chaude et être inaccessible aux abeilles. Ce local doit être aménagé de façon à faciliter le travail de l'apiculteur au maximum. L'outillage minimum comprend un extracteur en inox, des seaux inox ou en plastique alimentaire, un bac à désoperculer pour recevoir les opercules et les coulures de miel, un maturateur inox, éponges et chiffons pour nettoyer les bavures de miel ; rien n'est plus dangereux que des opercules sous les talons
.De nombreux apiculteurs nous interrogent au sujet de réglementations concernant les mielleries. La réponse à toutes les questions fera l’objet d'un développement ultérieur en relation avec l’obligation d"une traçabilité depuis le 1er janvier 2005.
Les cadres sont désoperculés sur les deux faces avec une herse ou un couteau électrique, placés dans l'extracteur et centrifugés sur les deux faces également. Le miel recueilli passera par un tamis à double filtre : un premier à mailles larges pour recueillir les plus grosses impuretés (des fragments de cire), un second à mailles plus fines permet de retenir les plus petites particules. Le miel est un produit hygroscopique, c'est-à-dire qu'il absorbe l’humidité de l'air. Pendant l'extraction, les gouttes projetées contre les parois de l'appareil éclatent en une multitude de petites gouttelettes qui absorbent "humidité ambiante du local. On devra donc veiller à ce que ce local soit toujours très sec. Pour le contrôler la miellerie sera équipée d'un hygromètre couplé à un thermomètre (ce n'est pas cher). Pour obtenir un miel de bonne qualité l'humidité relative de la miellerie devrait être < 40 % pendant l'extraction et < 60 % pendant la maturation. Des déshumidificateurs permettent d'obtenir ces chiffres.
g ) La maturation
Le produit issu de l'extracteur est versé après filtration dans un maturateur. C'est un récipient en inox de contenance variable, qui en une huitaine de jours, dans une ambiance à 25 – 30° permet la décantation du miel, c'est-à-dire qui permet au miel de rejeter vers la surface les bulles d'air emprisonnées par la centrifugation et les petites impuretés que les filtres n'ont pas pu retenir. Avec un coupe pâte on récupère régulièrement l'écume qui surnage à la partie haute du maturateur. On peut accélérer ce processus de décantation en remuant la masse de miel de temps en temps. Après maturation le miel peut-être soutiré et mis en pots ou en seaux hermétiquement fermés pour être stockés dans un local sombre, à température constante de 10 à 14 degrés. Ainsi votre récolte pourra se conserver sans risque pendant plusieurs années.
C - Suivi des colonies
Courant juin lorsque la période d'essaimage a pris fin il est important de vérifier le comportement de toutes nos colonies. Il n'est pas rare de se retrouver avec une ruche qui a essaimé, dont la population encore importante n'a qu'une activité réduite. En frappant la paroi de cette ruche avec l'index replié, une sorte de plainte se fait entendre qui se prolonge et s'atténue. Les abeilles qui reviennent au trou de vol semblent hésitantes et ne rentrent pas ou très peu de pollen. Ce sont des signes d'orphelinage. En ouvrant la ruche et en auscultant les cadres, l'on se rend compte qu'il n'y a pas de couvain d'abeilles mais des cellules de mâles disséminées un peu partout et aussi des cellules de reines vides, en plein milieu des cadres : ce sont des cellules de sauveté. C'est la confirmation de l’absence d'une reine que les ouvrières ont essayé de susciter. Elle a pu mourir de vieillesse, ou être blessée lors d'une manipulation.
La ruche a essaimé et la jeune majesté qui devait assurer la survie de la colonie n'est pas rentrée de son vol nuptial. Ceci est fréquent lorsque les conditions météo sont exécrables comme ce fut le cas cette année. Certaines ouvrières ont essayé de pallier l'absence de la reine et ont pondu des œufs non fécondés évidemment desquels ne peuvent sortir que des faux-bourdons. La population ouvrière décroît de plus en plus rapidement jusqu'à disparition complète. Il ne faut surtout pas attendre cette extrémité qui serait exploitée par la fausse teigne et conduirait automatiquement au pillage. Ce n'est pas la peine non plus d'introduire une nouvelle reine, elle serait détruite par les pondeuses. Il est néanmoins possible de récupérer les abeilles de cette colonie. Pour cela par beau temps, j'emporte la colonie à une centaine de mètres du rucher, je l'enfume abondamment pour que les abeilles se gavent de miel. Au bout d’une dizaine de minutes, je l'enfume encore une fois puis je sors les rayons un par un et secoue les abeilles dans l'herbe. Les rayons vidés de leurs occupantes sont mis dans une boîte et évacués du rucher. Les abeilles retournent à leur ancien emplacement et au bout d'un certain temps se répartissent entre les ruches environnantes dans lesquelles elles sont acceptées puisqu'elles apportent du miel.
F. Anchling