Syndrome d’effondrement des ruches
Mieux comprendre le phénomène et les différents facteurs en cause

par Ludovic Labeste
Diplomé de sciences pharmaceutiques et toxicologiques et environnementales

Les abeilles sont des insectes qui ont une forte capacité d'adaptation dans un environnement donné, mais elles sont également sensibles aux agents extérieurs auxquels elles sont confrontées; ces derniers sont multiples et l'addition de ces agents extérieurs a une incidence sur la santé de l'abeille et sa pérennité dans le temps.

Tous d'abord, les herbicides sont constamment relargués dans l'environnement, certains ont une action assez persistante dans le temps, même s'ils ne font pas mourir certaines plantes, elles subsistent difficilement. Cette forme de résistance aboutit à une production de nectar et de pollen parfois de qualité médiocre en terme de qualité nutritive, à cause des séquelles laissées par les herbicides ou autre produits.

C'est la question qu'il faut se poser : notre environnement végétal est touché et ne peut plus produire de façon qualitative la nourriture indispensable aux abeilles. Ainsi l'apport en sel minéraux, oligoéléments et vitamines dans le nectar et le pollen semble parfois insuffisant pour nourrir de façon qualitative tous les insectes butineurs dont l'abeille. Est ce que les pesticides insecticides, les néonicotinoides auraient cet effet sur les végétaux?

Nul ne peut le confirmer actuellement mais c'est une question à se poser.

Les herbicides peuvent en être la cause et pourquoi pas les fongicides?

L'abeille possédant une nourriture de qualité médiocre, elle n'aura donc pas tous les éléments nutritifs pour sa propre vitalité et le développement du couvain. De plus, les monocultures agricoles accélèrent le phénomène de carence nutritive en apportant toujours la même nourriture, et la suppression des jachères au niveau européen ne va pas dans le bon sens, car cela réduit la biodiversité florale et en conséquence les qualités nutritives pour l'abeille qui n'a plus d'autres choix que d'aller plus loin et de dépenser plus d'énergie.

Il est clair que les néonicotinoides ont une action non négligeable sur le système nerveux de l'abeille, sur le retour de l'abeille à sa ruche; celles qui sont les plus résistantes et qui ramènent à la ruche le pollen et le nectar contaminé, vont ainsi contaminer la colonie entière, et le couvain en formation, ce qui ralentit son développement, voir le bloque totalement jusqu'à la mort des ouvrières les plus résistantes.
Les semences enrobées par les néonicotinoides ont le désavantage de relarguer le pesticide dans la plante mais également dans le sol. Ces derniers ont une persistance dans le sol qui peut aller jusqu'à 3 ans et 6 mois pour l'imidaclopride (gaucho blé et férial blé et imprimo betterave), ce qui explique que lors de la rotation des cultures ( un tournesol ou un colza suite à une semence enrobée), la présence de néonicotinoide imidaclopride dans le nectar du colza ou dans le pollen de mais ou de tournesol; pour ce qui est du thiametoxam (cruiser) à la semence de 1ere année, la rotation des cultures est interdite à la 2eme année pour un colza ou un tournesol, en revanche, à la 3eme année, ceci est autorisé, et la persistance du thiametoxam est encore plus longue que celle de l'imidaclopride, jusqu'à 3 ans de persistance.

Ainsi on peut retrouver la présence de thiametoxam 2 ans après dans le nectar colza ou le pollen de tournesol ou mais, puisque cette molécule est de la même famille que l'imidaclopride et possède donc les mêmes propriétés chimiques et physiques, elle se comportera de la même façon, et toutes les plantes qui seront semées sur 3 années après le semi cruiser absorberont cette substance par les racines.

On comprend bien que l'intoxication sur l'abeille peut durer jusqu'à trois ans après une première semence enrobée avec l'imidaclopride et le thiametoxam, ce qui explique la persistance et la nocivité de ses substances dans le temps et dans le silence.

L'addition de ces deux facteurs (manque de vitamines et oligoéléments et intoxication par les néonicotinoides), rend l'abeille plus vulnérable aux différents parasites qui normalement devraient rester opportunistes chez les abeilles les plus résistantes. Ainsi apparaissent de nouveau des maladies qui normalement ne devraient pas voir le jour si l'abeille était dans sa plus grande forme. On comprend bien pourquoi le syndrome d'effondrement des ruchers est toujours si difficile à expliquer, et assez difficile à comprendre et il n'existe pas une origine, mais plusieurs origines cumulées (manque de vitamines et oligoéléments, toxicité des néonicotinoides) :

  • ainsi, le premier syndrome d'effondrement des ruchers sans maladie s'explique pour des souches d'abeilles très sensibles aux pesticides, très résistantes aux maladies, et qui présente une carence en vitamines et oligoéléments,
  • et enfin le 2ème syndrome d'effondrement des ruchers (avec maladies) touchera plus particulièrement des espèces très sensibles aux pesticides, et plus sensibles aux maladies que les premières, avec les mêmes carences vitaminiques.

Les solutions a apporter en priorité repose sur deux choses, l'apport en vitamines et en oligoéléments (vitamines et eau minérale sans trop de sulfates) qui semble indispensable, pour préserver la forme, la vitalité et la résistance de l'abeille face aux agents extérieurs tels que les parasites ou les néonicotinoides, et enfin des traitements qui permettent de lutter contre toutes les maladies possibles.

Cette 2eme solution est plus délicate et difficile à trouver, car on ne peut pas dire actuellement qu'il existe un produit efficace sur tout à la fois.

Les huiles essentielles ont démontré des actions bactéricides, fongicides, et virucides, mais cela demande de la compétence, de la vigilance et de l'expérience, même si elles sont très bien tolérées par l'abeille, sous peine d'aromatiser le miel sur hausse si l'intervalle d'une semaine entre le dernier traitement et la pose de la hausse n'a pas été respecté.

Et tout dépend également du type de ruche utilisée!

Deux nouvelles études (sur ruche à plateaux fermés, je précise) sont en cours avec des dosages supérieurs en huiles essentielles (protocole d'hiver et de saison estivale), et je n'hésiterais pas à partager mes résultats dès le prochain hiver.

Les résultats de deux années d'études sur les nouveaux dosages sont déjà très satisfaisants sur mes ruches mais également sur celles de mon confrère GUICHARD Olivier.
Il faut tout de même remarquer que les huiles essentielles à elles seules ne suffiront pas pour réduire le syndrome d'effondrement des ruchers, elles servent simplement à limiter, voir éviter les maladies, il faut absolument associer les deux techniques pour mettre toutes les chances du côté de l'abeille.


Ludovic Labeste
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