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Évaluation des risques liés aux importations d’abeilles
par Jean-Marie Barbançon

 L’évaluation des risques de dissémination des maladies de l’abeille repose sur trois niveaux :

  • le bilan de la répartition mondiale des agents pathogènes, ou épidémiologie descriptive,
  • l’étude des flux commerciaux d’abeilles et produits de la ruche,
  • les observations et données expérimentales sur les maladies, ou épidémiologie analytique.

L’évaluation du risque comporte quatre volets.

risques importation 1

L’évaluation du risque relève des autorités sanitaires du pays concerné (en France, la Direction Générale de l’Alimentation et les Services Vétérinaires déconcentrés) qui étudient le zonage et la régionalisation du risque, c’est-à-dire la localisation et l’étendue des problèmes sanitaires, maladie par maladie. Les autorités évaluent la surveillance sanitaire et le suivi de la santé animale.


L’appréciation du risque se fait au niveau de l’émission, de l’exposition et des conséquences de ce risque. Cette estimation du risque sanitaire fait l’objet d’un rapport permettant de gérer le risque en terme d’évaluation du risque et des options du risque, de mise en œuvre d’un plan de gestion de ce risque et enfin du suivi et de la révision de ce plan si la situation évolue dans le temps .

Étude de l’épidémiologie descriptive
Répartition mondiale des maladies Le premier recensement de données a été réalisé en 1981 sur la varroase, donc un travail très récent au regard de l’ancienneté d’autres maladies apiaires.

En 1982, la liste des maladies étudiées a été étendue à 8, puis à 10 des principales maladies ou parasitoses de l’abeille.

Une réactualisation des données est régulièrement faite par l’Office International des Épizooties (OIE) et autres sources d’information.

On aboutit à la réalisation de tableaux où sont notées l’absence ou la présence de maladies pour chaque pays concerné. Toutefois, il est à noter l’impossibilité d’apprécier la fréquence des maladies et la fiabilité des résultats négatifs de certains pays du fait de l’absence de procédures communes d’investigation pour une maladie ou parasitose donnée et du niveau variable des contrôles sanitaires réalisés d’un pays à un autre.

Étude de l’épidémiologie analytique - Analyse des risques sanitaire et génétique
Les risques sanitaires
Un risque important et commun à tous les pays d’Europe est lié à la forme de résistance (spore) de l’agent responsable de la loque américaine, Paenibacillus larvae. Les spores peuvent être présentes dans la colonie, sur les emballages de transport d’abeilles et dans le miel. Le contrôle sanitaire est rendu difficile par la présence de spores sans signes cliniques apparents sur les paquets d’abeilles importés. Un contrôle efficace pourrait reposer sur la recherche de spores dans le miel (déjà réalisé dans certains pays). Cette méthode
consiste en la mise en culture puis le dénombrement des spores du miel.

Un second risque est lié à l’agent responsable de la loque européenne, Melissococcus pluton, mais il est bien moindre que pour la loque américaine du fait de l’absence de sporulation de l’agent pathogène M. pluton (la spore est le principal facteur de dissémination de la loque américaine).

Toutefois, le tableau clinique de la loque européenne est souvent compliqué par d’autres agents pathogènes infectieux (P. alvei et autres...).

On sait que la loque européenne est fortement dépendante des conditions de milieu et est liée à une carence en protéines dans l’alimentation des larves. L’apparition du parasite Varroa destructor a ainsi largement accru l’incidence de cette maladie, du fait de la production par les nourrices parasitées d’une gelée nutritive de mauvaise qualité (carence en protéines).

Enfin, étant donné l’absence de spores, l’agent pathogène ne subsiste que dans les déchets de la colonie (pollens, fonds de cellules, larves) et le risque sanitaire lié aux importations de paquets d’abeilles isolées (sans les cadres) reste donc minime. Le risque serait accru si l’on importait des abeilles sur cadres.

Un troisième facteur de risque est constitué par la spore du protozoaire Nosema apis, responsable de la nosémose. Cette maladie est la plus répandue dans le monde avec 96,9 % des pays qui réalisent un contrôle positif de cette parasitose.

Ce parasite est très fréquent dans les colonies où il reste souvent à l’état latent (sans affection clinique apparente). Les spores peuvent s’accumuler dans les rayons et persister pendant un an dans la cire, première source de contamination avec les abeilles infestées (malades ou latentes). Le risque lié à l’importation d’abeilles est important puisque les abeilles sont également un facteur de dissémination de la maladie par la présence de spores dans leur tube digestif.

Ces éléments doivent bien sûr être tempérés en fonction de la présence ou de l'absence de la maladie visée dans le pays où l’on se trouve.

L’acariose, provoquée par l’acarien parasite Acarapis woodi, peut entraîner dans certaines conditions une parasitose grave, comme c’est le cas en Amérique du Nord et au Canada où la situation est aggravée par la présence de Varroa destructor et du dernier coléoptère parasite de la ruche découvert, Aethina tumida. Cette maladie est également très présente en Amérique du Sud, en Afrique, en Asie et en Europe qui semble en fait être le point de départ de cette maladie (maladie de l’Île de Wight). La gravité de cette parasitose est liée aux conditions climatiques, en particulier au confinement. La résistance du parasite est inférieure à trois jours dans les abeilles mortes.

La dissémination est provoquée localement par le phénomène de dérive des butineuses d’une ruche à une autre surtout.

Le risque sanitaire lié aux importations d’un pays à un autre existe quant à lui du fait de la dissémination par les transhumances et les importations de reines (avec abeilles accompagnatrices) et de paquets d’abeilles.

La varroase provoquée par le parasite externe Varroa destructor est très répandue dans le monde mais épargne encore la presque totalité de l’Océanie.

La propagation a été très rapide depuis l’Asie vers nos contrées européennes.

La dissémination se fait de proche en proche par la dérive, l’essaimage et la transhumance (qui passe les frontières) et d’un pays à un  autre par les échanges de paquets d’abeilles et de reines avec accompagnatrices.

Un autre parasite que nous ne connaissons pas chez nous est l’acarien parasite Tropilaelaps clarae, qui ressemble à une petite tique de forme allongée, de 1 mm de long environ et de couleur brun rouge.

Il a pour hôte Apis mellifica, mais aussi Apis dorsata, A. cerana et A. florea.

Il se déplace très rapidement sur les abeilles et le couvain et peut causer la perte rapide de colonies.

Il parasite tous les stades de couvain, ouvert et fermé, ce dernier lui étant absolument nécessaire pour vivre ; c'est pourquoi il semblerait qu’il y ait moins de risque d’infestation dans les zones à climat tempéré avec périodes d’arrêt de ponte dans les colonies.

Un moyen de lutte efficace consiste au retrait du couvain et à la réduction de la colonie à l’état d’essaim nu.

Les importations constituent un risque important d’introduction du petit scarabée des ruches Aethina tumida. En effet, originaire
d’Afrique subsaharienne où il causait peu de problèmes aux abeilles africaines, il s’est rapidement retrouvé aux États-Unis et au Canada où les dégâts sur les abeilles occidentales se sont révélés catastrophiques. Les échanges d’abeilles sont la cause de ce transfert et, en 2002, il fut découvert en Australie malgré des mesures draconiennes de surveillance aux postes frontières.

Le principal traitement se fait avec du coumaphos.

Son cycle de développement se fait en deux étapes :

une première phase de ponte et développement des larves dans la ruche où il se nourrit de miel et pollen,

une seconde phase à l’extérieur, dans le sol où les larves vont se métamorphoser et donner l’insecte adulte qui parasitera à nouveau
les ruches pour un nouveau cycle de ponte.

À défaut de ruches, il peut effectuer également son premier cycle de développement sur les fruits.

Les virus sont également source de risque sanitaire lors d’échanges d’abeilles. Citons par exemple le virus du cachemire, KBV, qui se
trouvait pas loin de chez nous, en Espagne et en Grande Bretagne et qui a été récemment découvert en France en 2002 (4 cas dépistés).

Est-ce qu’il était présent depuis longtemps ? Nous n’avions pas les moyens de l’identifier. C’est l’amélioration des techniques qui a permis de le détecter. A-t-il été importé récemment avec les échanges d’abeilles ?

Dans tous les cas, sur les quatre cas décelés, aucune pathologie grave n’a été identifiée.

Il existe d’autres virus tels que l’EBV ou Egyptian Bee Virus.

Il faut savoir que les reines peuvent être atteintes par plusieurs virus et sont donc susceptibles de participer à leur dissémination. Les échanges de reines avec accompagnatrices sont une source de risque de contamination. Les risques génétiques Ils sont inhérents aux parasites ou aux agents infectieux et peuvent avoir une incidence sur les pathologies. Il existe par exemple 20 souches du bacille de la loque américaine dans le monde, le risque d’importer une nouvelle souche en France existe

Ils sont liés à l’introduction de souches d’abeilles sensibles à telle ou telle affection (ex. : l’abeille nord-américaine est particulièrement sensible à l’acariose).

Mesures sanitaires réglementaires
Règles sanitaires aux frontières
Un certain nombre de règles sanitaires applicables aux frontières sont définies au sein de l’Union Européenne par des directives :

92/65/CEE pour abeilles,

2000/462/CEE pour abeilles considérées comme des animaux domestiques,

90/675/CEE pour le miel,

92/118/CEE pour les produits apicoles non consommables.

La directive 2000/462/CEE par exemple réglemente la certification sanitaire pour les importations en provenance de pays tiers l'abeilles/ruches ou de lots de reines avec accompagnatrices. Elle donne notamment un modèle de certificat sanitaire et d’attestation de provenance par les services de contrôle.

Mais nous n’avons aucune garantie de fiabilité des certificats sanitaires qui accompagnent les animaux et les produits (on ne remplace pas les barrières naturelles). De plus, le développement des parasitoses apicoles constatées dans le monde fait douter de l’efficacité des mesure réglementaires (cas de la varroase).

Mesures sanitaires intérieures aux pays
La situation est variable selon les pays au niveau de l’importance des investigations, c’est-à-dire du pourcentage de ruchers testés, mais aussi au niveau des maladies contrôlées et des techniques de dépistage et de diagnostic. Il est donc difficile de comparer les informations obtenues.

Étude des flux commerciaux
Nous avons peu de données sur les échanges internationaux d’abeilles, les informations douanières ne sont pas regroupées pour les produits de l’apiculture, mais classées avec les marchandises ordinaires. On estime à 100 000 le nombre de reines importées.

Pour avoir des données sur les flux internationaux d’abeilles, la seule solution serait d’interroger individuellement les exportateurs et les importateurs de par le monde. Les importations d’abeilles en France ont pour origine principalement l’Australie, la Nouvelle Zélande, les États-Unis, l’Amérique du Sud et la Géorgie.

Les échanges d’abeilles vivantes constituent bien sûr un risque principal de dissémination de maladies. Or les contrôles aux frontières sont difficiles.

En effet, on peut concevoir le prélèvement de quelques abeilles dans les paquets d’abeilles importés, mais cela n’est pas envisageable pour les reines avec accompagnatrices. Pour ces dernières, l’idéal serait de changer les accompagnatrices à l’arrivée pour éliminer le risque sanitaire qu’elles constituent. Cela se pratique déjà dans certains pays.

On peut se poser la question des réels contrôles effectués à l’arrivée dans la mesure où le diagnostic mettant en évidence les pathogènes indésirables implique le sacrifice des animaux.

Lors d’échanges entre deux pays atteints par la même maladie, il est inutile de multiplier les contrôles aux frontières (trop coûteux), mais l’importateur doit exiger des garanties sanitaires sans failles. L’objectif de ces contrôles sanitaires est d’éviter l’introduction d’un agent pathogène dans une zone indemne. Cela nécessite l’existence de réseaux de surveillance épidémiologique et sanitaire dans les pays candidats aux échanges.

Conclusion
Les données nécessaires à l’évaluation du risque sont très incomplètes. Au mieux, on a une esquisse des tendances pour prévenir l’extension des maladies d’un pays à l'autre.

Pour améliorer cette tendance, il est nécessaire de mettre en place une surveillance épidémiologique rigoureuse dans les pays exportateurs, avec des protocoles et des techniques de diagnostic harmonisés, d’où l’intérêt de la création d’un institut apicole en France et du développement de l’élevage de souches locales pour produire les reines nécessaires et limiter les importations. Le développement de la formation à l’élevage est important car l’apiculteur qui élève des reines d’abeilles devient plus performant.