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Entre deux saisons
Par B. Cartel
La rentrée
C’est la rentrée pour nos jeunes, bientôt celle du repos pour nos colonies. Mais il nous reste quelques opérations importantes, indispensables pour une mise en hivernage correcte : aide alimentaire, contrôles sanitaires, homogénéisation des colonies. Nous entrons dans la période charnière où les abeilles d’été épuisées laissent la place à celles d’hiver : elles subiront la claustration et assureront l’élevage printanier.
Chacun comprendra facilement qu’une colonie mal préparée, mal soignée, aura moins de chance d’être en pleine forme au printemps suivant.
La visite d’automne
Ses objectifs sont multiples :
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Dès fin juin, la reine avait réduit sa ponte progressivement pour adapter le nombre d’ouvrières aux besoins de la colonie. Mais souvent, fin août, on observe une reprise de ponte comme un second souffle, pour générer des abeilles d’hiver à longue vie. Dans nos régions tempérées, le cycle de ponte et donc desnaissances peut se matérialiser selon la courbe ci-après.
Si le premier souffle avait pour but d’obtenir des milliers de butineuses nécessaires pour engranger les provisions, le deuxième, moins ambitieux est indispensable pour élever des ouvrières, dont le rôle sera de maintenir la colonie en vie et d’assurer l’élevage du couvain printanier.Elles seront différentes, même si l’œil humain ne le remarque guère. Enveloppées d’une couche de graisse plus épaisse, elles sont faites pour mieux résister aux longues périodes de froid et vivront de 3 à 5 fois plus que leurs sœurs d’été.
Tout comme celui du printemps, ce couvain d’automne doit être compact, signe de bonne santé et de dynamisme de la reine. Un couvain dispersé, en mosaïque est un signe d’alerte ! Est-ce le résultat de la ponte d’une reine âgée, ou est-ce le signe d’une parasitose telle que la loque européenne, américaine, l’ascopherose (couvain platré, calcifié).
Dans le premier cas, les cellules non utilisées à l’intérieur de la zone couvain sont vides ou remplies de miel. Il devient urgent de remplacer cette vieille mère …
Dans le deuxième cas,on observe des larves affaissées,jaunâtres, mourantes, des écailles non adhérentes (loque européenne) ou des larves momifiées (ascopherose).
Pire, la présence de cellules operculées mais affaissées, présentant un petit trou sur l’opercule, des écailles adhérentes sont le signe d’uneprobable loque américaine, très contagieuse. Selon le degré de gravité ces colonies doivent être traitées avant l’hivernage. Il y a urgence à contacter le responsable sanitaire de la commune qui prendra les mesures nécessaires.
- Jusqu’à présent, sans pour autant posséder d’Autorisation de Mise sur le Marché (A.M.M.), des antibiotiques étaient utilisés pour traiter certaines maladies (loques, nosémose). Ils étaient et restent efficaces sur les bacilles concernés tant qu’ils se présentent sous la forme végétative. Mais dès qu’ils passent à la forme de résistance, sous forme de spores, ces molécules deviennent inopérantes. Pour des raisons de santé publique, la politique sanitaire nationale apicole penche pour une restriction d’emploi de ces antibiotiques, voire l’interdiction totale à terme. Par ailleurs il est impératif de sauvegarder l’image du miel vierge de toutes substances et de réserver l’usage de ces molécules à la santé humaine.
De toutes les façons, il faudra bien traiter le cas de ces colonies malades et savoir avec quelles substances … à moins de prendre des mesures drastiques telle que l’alimentation pure et dure de celle-ci. La réponse viendra peut-être dans les mois à venir. Mais en attendant, il devient de plus en plus urgent de mettre en place, dans chaque rucher, une politique deprophylaxie apicole, comme nous l‘évoquions dans la page des jeunes n°880.Pour bien hiverner, une colonie doit disposer de provisions abondantes et de bonne qualité. L’excès n’est pas nuisible tant qu’il n’occasionne pas un blocage de ponte, faute de place. Douze à quinze kg de miel semblent être une quantité suffisante ce qui représente la valeur de 3 à 4 cadres Dadant totalement operculés. Elles doivent être constituées que de miel de nectar ou de sirop. Le miel de miellat est à éliminer. Il contient souvent un pourcentage d’éléments indigestes pour les abeilles qui pourraient les indisposer en cas d’impossibilité de vider l’intestin au cours des longues périodes de claustration hivernale. Généralement les colonies sont suffisamment pourvues en pollen. Dans les rares cas contraires, il faut suppléer par un succédané disponible dans le commerce apicole.
Le nourrissement
En cas de besoin, le nourrissement doit être pratiqué le plus rapidement possible, impérativement avant fin septembre. Passé cette période, le sirop risque de ne plus être operculé et sa conservation deviendra aléatoire.
Deux types de sirop peuvent être administrés :
- sirop confectionné en diluant du sucre en morceaux ou en poudre (saccharose) avec de l’eau chaude (60% de sucre et 40% d’eau en poids)
- sirop prêt à l’emploi, distribué dans les commerces apicoles.
Le premier sera plutôt administré le soir, pour éviter le pillage.Le second ne provoque pas d’agitation de colonies, est plus facile d’emploi, pas plus cher. Pourquoi s’en priver ? Comment le distribuer ? Les petites doses régulières favorisent la ponte mais nécessitent de nombreuses interventions au rucher. Les apports massifs sont moins contraignants mais exigent des nourrissements de grandes capacités …
Les nourrissements solides du type « candi » ne seront proposés que plus tard. Il reste le nourrissement avec du miel. Dans l’absolu, c’est l’idéal, mais il revient cher et peut provoquer au rucher une effervescence et un pillage difficile à maîtriser. Prudence !Le léchage des cadres Avant de les stocker, il est préférable de faire lécher les cadres sortis de l’extracteur. Il existe deux possibilités. La mauvaise consiste à exposer les cadres en plein air. Très rapidement, les abeilles, les guêpes, les frelonset autres pillards, attirés par l’odeur, se concentrent, se battent sur ce butin inespéré et c’est une belle pagaille qui s’improvise. Les cires sont plus ou moins endommagées par de nombreuses mandibules indésirables. Dans les ruchers des alentours, c’est l’affolement. Cette méthode est à proscrire.
Il est de loin préférable de faire lécher les hausses directement sur les ruches et pourquoi pas sur celles qui ont besoin d’être stimulées, dans la mesure où elles sont saines. Dans ce cas, il est impératif de réduire les entrées afin encore d’éviter un pillage d’autant plus facile sur des colonies aux moindres résistances. Quelle que soit la ruche choisie, j’intercale toujours entre corps et hausse à lécher, un nourrisseur type couvre-cadres possédant un trou central d’environ 50 mm, coiffé d’un plateau chasse abeilles « vidhaus » commandé de l’extérieur, selon les schémas ci-contre.Après 3 ou 4 jours, j’actionne latirette (position B) du chasse abeilles pour mettre ce dernier en action. Les abeilles occupées à lécher, à réparer les cires, se sentent isolées, retournent dans le corps de ruche enpassant successivement par le chasse abeilles et le nourrisseur. En une nuit, la hausse est vide d’abeilles et prête à être stockée. On peut recommencer l’opération après avoir manœuvré la poignée du chasse abeilles dans l’autre sens (position A). Sur des ruches très fortes, on peut disposer ainsi, 2 ou 3 hausses, mais il faudra un peu plus de temps avant de lesretirer.
Le stockage des hausses
La cire coûte cher. Il faut la protéger des rongeurs et des diverses teignes. Précisons au passage, que les abeilles doivent consommer 7 à 8 kg de miel pour produire 1kg de cire. Mal stocker les hausses c’est prendre le risque de les voir détruites par ces prédateurs. La méthode de stockage la plus simple consiste à les disposer en piles d’au moins 2 mètres de hauteur, en prenant soin de placer au fond et au sommet de chaque pile une grille à petites mailles (2 à 3mm de vide). L’ensemble est placé de façon à laisser l’air circuler sur 2 moellons par exemple.
Ainsi, les rongeurs sont interdits d’accès et le courant d’air naturel provoqué par l’effet « cheminée » contrarie le développement désastreux des fausses teignes.
Par sécurité, on peut brûler un peu de soufre au sommet de chaque pile, dès qu’elles sont constituées. Le gaz sulfureux qui s’en dégage, plus lourd que l’air, se disperse dans les hausses et détruit les œufs et larves quipourraient exister.Mais il ne faut pas ignorer le côté pervers de ce gaz qui s’attaque également aux parties métalliques.
N’utiliser qu’avec modération. Naturellement, les piles doivent être protégées des intempéries, du soleil, et ne pas présenter de failles où pourraient pénétrer quelques intrus.
Par ailleurs, la bactérie « bacillus thuringiensis » lutte naturellement contre les teignes. Elle est mise et présentée sur le marché apicole sous diverses formes, sous le nom commercial deB 401. Le traitement consiste à pulvériser les 2 faces de chaque cadre avant stockage.
Enfin, dans le cadre de la prophylaxie apicole, c’est peut-être le moment de désinfecter les cadres avant stockage.
En voici le mode d’emploi relevé dans la presse apicole :
- Matériel un bac de trempage - De l’eau de javel à 48°chlorométrique (vérifier la date de péremption) – du Teepo
- Préparer une solution de trempage titrée à 1.5 ou 2° chlorométrique pour un volume de 100 litres. A titre d’exemple : 95 litres d’eau, 18 berlingots d’extrait de javel, 0.5 litre de Teepol.
- Trempage des cadres (avec ou sans hausse) :
- agiter pour faciliter la pénétration de la solution
- immerger les cadres lester les cadres (ou hausse)
- laisser tremper pendant 30 minutes
- essorer les cadres à l’extracteur
- laisser sécher les cadres dans un lieu ventilé
- stocker les hausses jusqu’à la saison suivante
Le procédé est long mais efficace.
Observation : De nouvelles séries, jusqu’à 4 peuvent être traitées avec la même solution, en prenant soin de rajouter entre chaque série, la moitié de la dose initiale d’extrait de javel (soit 9 berlingots dans cet exemple).
Les traitements sanitaires : Ce paragraphe ne s’adresse naturellement pas aux apiculteurs rigoureux qui ont traité leurs colonies en août comme le conseillent toutes les instances sanitaires. Malheureusement, il y a toujours quelques retardataires pour diverses raisons. Pour ceux-ci, nous préconisons dans les zones au climat rigoureux, un traitement anti-varroas pour lequel une température élevée n’est nécessaire. Il est compréhensible que la durée d’un traitement étant incompressible, plus il est entrepris tardivement, plus la probabilité est grande de rencontrer en fin de saison des conditions climatiques difficiles. L’efficacité du médicament employé risque d’être atténuée, au détriment de la santé des abeilles.
Les colonies faibles
Les causes originelles peuvent être diverses : essaim enruché tardivement, colonie orpheline, reine défectueuse , colonie malade. Hiverner de telle colonie est un non sens : économiquement, car en automne ellerestera au mieux une « sans valeur ».
Politiquement car une colonie faible a davantage de chance de contracter une maladie, source de contamination au rucher. Une décision est à prendre pour chacun des cas particuliers, qui pourrait se concrétiser ainsi.
Dans une colonie bourdonneuse, on ne trouve que du couvain de faux bourdons.
Dans ce cas on peut procéder de 2 manières différentes.
- La colonie bourdonneuse est vaporisée d’eau sucrée afin que les ouvrières se gorgent jusqu’à remplir le jabot. La ruche est ensuite retirée et déplacée à 80 ou 100 mètres. Là les abeilles sont brossées dans l’herbe. Les « bourdonneuses », celles qui pondent des œufs, resteront en principe sur place. Les autres retournent au rucheret faute de retrouver leur ruche, se répartissent dans les ruches voisines où elles seront acceptées puisqu’elles sont chargées de nourriture. Les cadres de provisions peuvent être récupérés. Ils seront soit conservés soit distribués dans les ruches nécessiteuses. Ceux contenant du couvain seront détruits oufondus : ils renferment la majorité des varroas présents dans la colonie.
- Le processus reste le même mais la ruche vidée de ses occupantes est remise à son emplacement d’origine. Les ouvrières non pondeuses laréinvestissent. La colonie débarrassées de ses pondeuses est disponible pour être réunie sans qu’on attende de nouvelles ouvrières, futures pondeuses.L’introduction d’une reine reste possible mais délicat voir incertaine. Dans ce cas, nous suggérons l’emploi d’une cagette d’introduction dans laquelle la reine est maintenue prisonnière au moins 24 heures (par obstruction du compartiment « candi » avec du ruban adhésif). Passé ce délai, le ruban sera enlevé et la reine sera libérée dans les heures qui suivent, avec davantage de chance d’acceptation.
Cette année apicole a-t-elle été la juste récompense de nos efforts et de nos soins apportés à nos ruches,malgré l’été pourri que nous avons connu ? En Rhône-Alpes, nous avons enregistré une période très favorable en juin, avec des records de températures : le nectar a coulé mais la source s’est trop rapidement tarie au moment de la transhumance en montagne. Certes nos abeilles y ont trouvé une floraison belle et prometteuse mais les conditions climatiques de début juillet à la mi août n’ont pas permis la poursuite de la récolte printanière.
Dommage !
Quel que soit le nombre de pots récoltés, le débutant n’en restera pas moins fier de présenter son premier miel, le meilleur !
B. Cartel