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Cliché Calcagno 
    Chypre
    par Dominique Micheletto   
 

Temps gris aujourd’hui sur Nicosie, ce qui me permet enfin de prendre la plume avant que mes « pépettes » n’accaparent toutes mes journées, ce qui ne devrait tarder vu l’état d’avancement des floraisons sur toute l’île. Je voudrais une fois de plus vous faire part de certaines observations et constatations sur l’évolution du varroa suite à l’utilisation de bâtisses en petites cellules (4,9 mm) dans mes ruches. Le plus déplorable à noter étant qu’après 4 ans sans utilisation de molécules chimiques, j’ai dû en automne 2004 ressortir les lanières d’Apistan pour 25 ruches soit 1/4 du rucher. Croyant être à l’abri de telles pratiques désormais, ce fut un petit coup pour mon moral.

En effet, après les premiers comptages de varroas de début à mi septembre (période sans couvain ou presque), force fut de constater une infestation de varraos très variable d’une ruche à l’autre, mais qui, même pour les taux les plus faibles ne laissait présager rien de bon. Depuis les pertes subies en 2002, où malgré des symptômes inquiétants, je n’étais plus intervenu sur mes ruches et ce afin de vérifier l’efficacité des plateaux grillagés et des petites cellules, j’ai décidé, quoique puissent en penser les « puristes », de ne plus « laisser faire », même si cela semble fonctionner pour certains. J’ai donc procédé à un dégouttage d’acide oxalique sur toutes les ruches. Les chutes naturelles de varroas mesurées trois semaines après le traitement ont confirmé les différences très conséquentes d’une ruche à l’autre préalablement observée.

Ces chutes naturelles variaient de 0 à 1 varroa/jour pour certaines colonies alors que d’autres gardaient la barre au dessus de 4 à 5, voire une dizaine, soit des taux très préoccupants, surtout avant la reprise de ponte imminente de ce que j’appelle notre deuxième printemps et qui intervient vers la mi-octobre avec la floraison de l’inule visqueuse, des caroubiers, de certains eucalyptus puis des néfliers du Japon qui elle perdure jusqu’en janvier à certains endroits.

Il n’était pas question d’utiliser l’acide oxalique une seconde fois dans un délai si bref qui plus est avec des surfaces de couvain déjà conséquentes où les varroas y jouaient à cache cache. L’utilisation de l’Apistan révéla des chutes plus ou moins égales à 1000 varroas sur la première semaine pour 5 des 25 ruches traitées avec ces lanières (preuve entre autre que cela peut encore être efficace).

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De fin décembre à mi-janvier, les comptages de chutes naturelles sur toutes les ruches ont permis de constater une amélioration de la situation tout en sachant que les colonies qui gardaient des chutes de 3 à 4 varroas/jour ne pourront pas traverser 2005 sans intervention, au risque de s’affaiblir dangereusement peu de temps après la récolte de printemps (mai).

Mes ruches sont toutes équipées de planchers grillagés fermés avec tiroir de récupération des varroas sur lange gras. Certaines n’ont que des bâtisses en petites cellules (4,9 mm), d’autres qui ont du mal à bien construire cette dimension ont un mélange de 4,9 et 5,1 mm. Les quelques ruches « test » non traitées depuis deux ans et bien stabilisées depuis sur le 4,9 mm n’ont pas eu, lors du contrôle à l’automne, de chutes plus importantes que la moyenne des différents ruchers.

Cependant, j’avais au printemps 2004 éliminé environ 10 à 15 cm2 de constructions « sauvages » en couvain de mâle fortement infesté sur ces ruches. Je reconnais que cela manquait d’objectivité et que j’aurai dû laisser ce couvain en place, mais quant à l’ouverture de chaque cellule, on y voit entre 3 et 4 (sur certaines 5 ou 6) varroas grouiller sans vergogne. Il est bien difficile d’y rester indifférent et de laisser la nature suivre son cours.

Je salue au passage les collègues et amis Luxembourgeois et Belges qui eux ont le courage et la pertinence de le faire pour aller jusqu’au bout de leur raisonnement et trouver un jour l’abeille qui saura limiter ou résister aux populations de varroas. Je signale également que je n’avais jamais pratiqué l’élimination de couvain de faux bourdons qui, comme le signale Raymond Zimmer dans son livre, peut conduire à juste titre à la sélection de varroas s’accommodant très bien de cellules autres que celles de mâles qui restent actuellement leur préférence pour y compter fleurette !… Après ces quelques années à utiliser les constructions en petites cellules, je ne peux donc pas affirmer que cela soit d’une réelle efficacité comme l’ont fait les Lusby en leur temps. A savoir également que j’ai ramené à la menuiserie toutes les ruches montées en 11 cadres (32 mm d’espace de centre à centre) afin de les ramener à 10 cadres pour les 35 à 36 plus classiques. Ce rapprochement des cadres n’a pas (au vu de mes méthodes de comptage) d’effet significatif sur les populations de varroas. Malgré tout, j’aurais très bien pu ne rien modifier et garder ces ruches 11 cadres, mais le resserrement de ceux-ci n’entraîne que des manipulations difficiles et l’obtention de constructions anarchiques quand la proéminence du couvain de mâle empiète sur les cadres adjacents. Sans oublier une augmentation des ponts de cire (avec cadres de 24 mm de large) qui nécessiterait de ramener la largeur des dits cadres à 20 mm pour éviter ce problème. Donc trop d’inconvénients par rapport aux supposés avantages que cela devrait procurer dans la lutte contre varroa.

Les ruches « tests » prouvent malgré tout que les petites cellules ont un effet de « non attractivité » pour le varroa mais cela ne peut être le remède miracle à lui seul pour gérer les populations de parasites et garder les ruches productives tout au mois dans mes conditions. Mes nucléi de fécondation eux, se débrouillent tout seuls sans aucun traitement. Les abeilles, puisqu’elles n’ont qu’une amorce de cire sous chaque cadre, construisent naturellement leurs bâtisses et ont stabilisé leurs cellules autour de 5.0/5,1 mm. Celles parvenues à 4,9 mm sont en minorité. Or, pour les Lusby, 4,9 mm est la dimension impérative pour arriver à des résultats. Pour donner, tout de même, un point de plus aux petites cellules, il faut savoir que j’ai perdu 60 unités sur 300 durant l’été 2004 (avec ces petites unités, j’ai moins de remords à laisser faire la nature) et que les cires de ces ruchettes avaient été construites en début de saison par les abeilles d’une de mes lignées championne mais qui dédaignait outrageusement construire petit ; à tel point que les cellules ainsi ébauchées avoisinaient plus ou moins 5,3 mm !… Mon bel optimisme en a pris de nouveau un coup alors que sur 3 ans, j’avais pu constater une baisse régulière et continue de la taille des cellules dans ces nucléi. Peut-on sur cette simple constatation affirmer l’efficacité des petites cellules ? Même si je le pense de moins en moins, il n’est pas utopique d’y voir malgré tout un plus à ne pas négliger.

L’an dernier, je m’étais déjà permis (malgré tout le respect que je leur dois) de souligner que les résultats obtenus par les Lusby, résidaient probablement plus dans le fait que leur méthode darwinienne, de laisser la nature faire son oeuvre, avait permis la sélection d’une abeille « résistante » et que ce caractère était nettement plus influençant que les petites cellules qu’ils jugeaient quant à eux comme étant le facteur et même la condition sine qua non de leur aboutissement. Cette sélection darwinienne comme aime le souligner Raymond Zimmer ne peut être que la clé à toutes ces questions.

Aborder ce paragraphe serait probablement hors sujet et beaucoup trop de paramètres entrent en ligne de compte dans le cycle de la vie d’une colonie d’abeilles pour permettre malgré toutes nos observations d’apporter des jugements définitifs. L’article de F. DUPELEY dans l’Abeille de France de janvier en est un exemple. D’après lui, l’utilisation du plateau grillagé lui garantit la survie de ses avettes dans sa région et qui plus est lui font de bonnes récoltes alors que pour moi, avec mes reines en ponte quasi continue, le plateau n’est qu’un frein à l’évolution des populations de varroas qui ont la possibilité de procréer toute l’année. Idem le plateau à tubes Legris de Jean-Pierre LEPABIC, très efficace chez lui mais qui ici ne suffit pas à lui seul pour vivre sans se préoccuper de la « bébête ».

La liste des questions réponses est interminable et ce n’est pas nouveau ; les discussions passionnées entre apiculteurs ont encore un bel avenir. Je ne regrette qu’une seule chose : que les expériences avec les petites cellules n’aient pas été entreprises à ce jour par plus de collègues (j’aimerais avoir tort) ou même d’une façon plus sérieuse par les instituts apicoles qui eux ont la possibilité (le temps et l’argent) de travailler d’une manière rigoureuse, scientifique sur le long terme sans avoir à se préoccuper de production ou tout simplement de la survie de l’exploitation. Depuis les premiers comptes-rendus soit des Lusby ou d’Erik Gesterlund, je n’ai jamais pu retrouver que ce soit dans les magazines apicoles ou sur Internet, de véritables commentaires (preuves à l’appui) relatifs à l’utilisation des petites cellules. Je trouve que c’est regrettable et j’espère que le jour viendra pour me contredire.

Bonne saison apicole à tous les collègues et amis de France et de Navarre.
Dominique Micheletto
9 Papadiamantis
2400 ENGOMI NICOSIE
CHYPRE