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Cliché Gruzelle (73)

  C’est décidé, je serai apiculteur...
Par  B. Cartel

Puisque nous entrons dans la phase active d'une nouvelle saison apicole, cette page des jeunes sera d'abord consacrée à ceux qui ont pris cette décision de joindre l'utile à l'agréable. Comment se procurer des abeilles, quel matériel faut-il acheter, comment choisir ? Les conseils qui suivent devraient aider à réaliser ce projet.

Pour les apiculteurs qui le sont depuis peu, nous irons ensuite au rucher, organiser et réaliser les travaux préliminaires à la visite de printemps. Cette opération capitale se fera début avril : avant cette période, un retour du froid n'est pas à exclure et les colonies réorganisées pendant cette visite risqueraient fort d'en souffrir.

Les premiers achats
Maintenant que la décision de devenir apiculteur est prise, il faut passer aux actes. Cette activité demande de l'organisation : le manque de matériel peut entraver le déroulement d'un processus et mettre l'apiculteur dans de mauvaises conditions pour pratiquer.

Le débutant ne doit jamais oublier qu'il va opérer sur du "matériel" vivant, dans un environnement pas toujours favorable à cette activité. Chaque opération doit être de ce fait, réfléchie et n'être entreprise que si tous les outils ou matériels nécessaires sont disponibles. L'improvisation avec les abeilles est interdite car elle peut se révéler dangereuse, tant pour l'apiculteur que pour le voisinage.

Puisque nous parlons de danger, c'est le moment d'alerter les sujets allergiques au venin d'abeilles afin qu'ils se conforment aux prescriptions de leur médecin. Listons ce qui est indispensable d'acquérir au minimum, dans un premier temps : les abeilles et le matériel. Nous pensons, bien entendu, à ceux qui n'héritent pas d'un rucher bien équipé !

LES ABEILLES
Comment et quelle solution adopter pour s'en procurer ? Ruches peuplées ou essaims ?

1) Les ruches peuplées
Outre le bouche à oreille qui fonctionne bien dans le milieu et qui transmet des adresses d'apiculteurs - vendeurs de ruches de surcroît - les organismes départementaux dont le syndicat sont des points de renseignements utiles. Ils possèdent souvent une liste de petites annonces apicoles, introuvables ailleurs. Une fois qu'un vendeur est identifié, il convient de le contacter et d'être précis dans la demande d'achat :

 - quel modèle de ruche ? (ex. Dadant, Layens, Langstroth ...)

 - nombre de cadres par ruches : 10, 12 ?

 - nombre approximatif d'années d'utilisation des ruches (état du bois ?).

Nous conseillons vivement l'achat de matériel standard et du même modèle. Ex. on peut acheter dans un modèle X trois ruches, une de 10 cadres, une ruche de 11 cadres et une de 12 cadres, ces derniers étant standardisés dans ce modèle.

apiculteur 2Cliché Boudinot

Donc ne pas acheter 2 ruches de deux modèles différents (par ex. une Dadant et une Layens) : l'interchangeabilité des cadres dans ce cas est impossible. Les ruches de 12 cadres sont lourdes et ne conviennent guère à la transhumance. Evitons également d'acheter des ruches délabrées, intransportables sauf si l'on dispose de ruches vides, en bon état et du même modèle. Dans ce cas, le transvasement s'effectue sur place avant transport vers le nouveau rucher qui se crée. Quant au choix de la colonie elle-même, voici quelques critères sur lesquels se baser :

 - les abeilles : race locale, noire, hybride, autre ?
- âge des reines : est-il connu ? Les reines sont elles marquées du point de couleur de leur année de naissance ?
- état sanitaire : est-il bon ? quel est le type de traitement anti-varroase de l'année précédente ?

Ce n'est pas être exigeant que de réclamer ces quelques indications. Les réponses permettront d'en savoir un peu plus sur le passé de ces colonies et de prendre des mesures pour gérer leur présent et leur avenir.

le prix : il n'y a ni barème ni argus en la matière. C'est la loi de l'offre et de la demande qui gère le marché. L'achat de ruches peuplées présente avantages et inconvénients.

apiculteur 3
Cliché Chazelle (42)

Avantages 
Ruches en état de produire immédiatement, sans intervention importante à court termeL'apiculteurs néophyte n'a pas besoin de grandes connaissances apicoles pour gérer ces colonies puisqu'elles sont déjà en état de produire.

Inconvénients
L'origine des colonies est souvent inconnue ou imprécise (race, âge des reines, état sanitaire....), le devenir est incertain.

Ce sont souvent les colonies les moins performantes qui sont vendues en priorité.On fait parfois de bonnes affaires en achetant l'ensemble d'un rucher bien entretenu, mais le contraire est possible en cas de rucher partiellement ou totalement abandonné.

2) Les essaims
A l'inverse, ce choix d'achat nécessite davantage de connaissances apicoles : il faudra amener ultérieurement l'essaim au stade de colonie à produire. Il est également nécessaire de posséder des ruches vides (du même modèle) pour loger ces essaims. Ceux-ci possèdent des reines jeunes, de l'année, voire de l'année précédente et des cadres de couvain. Ce sont donc de jeunes colonies, sans passé, mais qui, bien gouvernées, auront un avenir prometteur, sans être totalement garanti, car nous avons toujours affaire à quelque chose de vivant avec les aléas que cela comporte. Les prix sont pratiquement affichés, proportionnels au nombre de cadres occupés par les abeilles. Ils peuvent être facilement comparés d'un commerçant à l'autre et ceux-ci, qualifiés, répondront exactement aux questions posées plus haut. Ce choix présente lui aussi avantages et inconvénients.

apiculteur 4 Cliché Chazelle (42)

Cliché Calcagno (31)

Avantages 
 - Origine de la souche et âge reine connus
 - Etat sanitaire certifié par le vendeur
 - Plaisir ou fierté de réussir à transformer l'essaim en colonie à produire.

Inconvénients
 - 2 achats à faire au lieu d'1 (abeille + ruche)

 - Investissement plus important quand il s'agit de ruches neuves
 - Davantage de temps à consacrer pour le suivi et le développement de ces essaims.

La coutume est de réserver 1 à 2 mois à l'avance l'essaim auprès du fournisseur. Cela lui laisse le temps d'organiser sa production. Ils sont généralement disponibles début mai, laps de temps nécessaire à l'apiculteur pour acquérir des ruches neuves ou d'occasion munies de leurs hausses (2 par ruche). Bien gouvernés, ces essaims seront en état de produire lors de la miellée principale du début de l'été.

Nota : l'achat d'un ensemble essaim + ruche neuve constitue un investissement plus important mais plus durable que celui d'une ruche d'occasion peuplée, compte tenu du passé de la colonie et de l'état de la ruche même.

LE MATERIEL
1) Les vêtements de protection
Pour débuter et travailler dans de bonnes conditions de sécurité, avec des gestes assurés, nous conseillons la vareuse avec gants qui protège la tête, le buste et les mains. Mais la capuche qui reste au contact du crâne et dont le voile frotte sur le front, le nez, le menton laisse ces zones accessibles aux dards à travers la toile ou à travers le voile. C'est pourquoi nous la complétons de préférence avec un chapeau de paille qui dégage le tissu de ces zones sensibles.

2) Le petit matériel
Au minimum, il faudra acheter : un bon enfumoir, un lèvre-cadres, une brosse à abeilles.


Des nourrisseurs sont également utiles, qu'ils se posent directement sur le trou de nourrissement ou qu'ils remplacent avantageusement le couvre-cadres. Une bonne idée de cadeau à se faire offrir, utile pour l'extraction, est un couteau à désoperculer, simple ou électrique avec thermostat.

Prévoir l'achat de deux gros appareils :
d'une part un maturateur équipé d'un robinet, d'un tamis et d'un couvercle, avec ou sans pieds ;
d'autre part, un extracteur tangentiel ou radiaire de préférence, avec ou sans pieds, manuel ou motorisé.

Ces appareils, qu'ils soient neufs ou d'occasion doivent être en inox alimentaire et adaptés à l'importance du cheptel envisagé. Sans voir trop grand, ni trop juste, il ne faut pas oublier qu'un rucher s'agrandit, à la suite des essaimages successifs. Se munir d'un catalogue avant d'entreprendre ce type d'achat. Il servira de référence, pour les prix et les différents modèles.


Cliché Thuin (55)

AU RUCHER
Il est probablement trop tôt pour ouvrir les ruches et pratiquer la visite de printemps tant que les saules n'ont pas fleuri. Aussi nous contenterons-nous d'observer les planches de vol.

Qu'allons-nous voir sur chaque ruche, dans le contexte général du rucher ?
le flux des abeilles,
les rentrées de pollen,
la propreté ou au contraire les souillures des planches de vol,
le comportement des abeilles.

Chacun de ces paramètres est analysé et avec un peu d'expérience, l'apiculteur se forge une idée sur l'état de chaque colonie selon les quelques observations suivantes :

Avantages Inconvénients
Flux d'abeilles important et régulier
Flux d'abeilles insignifiant
Grosses rentrées de pollen
Faibles rentrées de pollen
Déjections sur la planche de vol et sur la face avant de la ruche
Larves momifiées ressemblant à du plâtre
Larves et/ou nymphes mortes depuis peu
Déchets de cire ; abeilles évacuant des fractions de cire
Abeilles agitées courant en tous sens
Abeilles douces ou agressives
Aucune activité
La colonie est bien vivante et populeuse
La colonie est vivante mais faible ou morte et pillée
Elevage important de couvain
Ruche vivante mais élevage peu important
Diarrhée ou nosémose
Colonie atteinte de mycose : ascophaerose
Cause : refroidissement du couvain périphérique, suite à la contraction de la grappe quand la température chute.
Ruche pillée ?
Colonie orpheline ?
Caractère de chaque colonie
Colonie morte ? A vérifier sur le champ. Dans l'affirmative, fermer les entrées et éloigner la ruche.


Cliché Thunin (13)

La liste de ces observations n'est pas exhaustive. Nous conseillons à chaque fois que cela est possible de prendre le temps d'observer les planches de vol. H. STORCH a écrit "Au trou de vol" (*) sur ce sujet. Sa lecture nous démontre qu'on peut découvrir une bonne partie des secrets de la colonie, avant même de l'ouvrir, à condition d'être attentif et patient. Toutes les observations doivent être consignées sur la fiche de chaque ruche. Elles seront exploitées, comparées à celles relevées pendant la visite de printemps.

NETTOYAGE DES FONDS
C'est une opération peu valorisante mais nécessaire. On dit souvent que le fond est le carrefour de la pollution de la ruche. C'est vrai. C'est là que tombent les déchets, les larves, les nymphes, les abeilles mortes de maladie. C'est sur le fond que se déplacent les abeilles et qu'elles se chargent les pattes de nombreux agents pathogènes qu'elles remontent ensuite sur les cadres, contaminent leurs soeurs à tous les stades de leur développement.


Depuis longtemps, les apiculteurs ont réfléchi pour s’éviter ou simplifier cette tâche. La ruche "automatique" était censée éliminer les déchets par gravité. Les fonds amovibles, emboîtables ou coulissants permettent un nettoyage plus aisé mais avec quelques difficultés pour un seul opérateur.

Depuis quelques années, la mise en service de fonds entièrement grillagés présente l’avantage de s’affranchir de ce travail et d’apporter une réponse à la prophylaxie générale de la ruche. Mais bien peu de ruches en sont équipées car cette méthode n’est pas encore entrée dans la coutume apicole et les fabricants de ruches ne se précipitent pas pour généraliser le système. Comment nettoyer les fonds pleins, dans la mesure où ils sont amovibles ? Après les avoir démontés non sans difficultés, car ils sont souvent propolisés, équipés de ponts de cire qui s’accrochent au-dessous des cadres, les fonds sont raclés énergiquement et désinfectés pour détruire les agents pathogènes. Certains les brossent avec de l’eau javellisée, d’autres les passent à la flamme du chalumeau. La seconde méthode me paraît plus expéditive, à condition d’insister jusqu’au brunissement du bois. L’idéal est de posséder des ruches avec des fonds identiques qui permettent après démontage d’un fond, de le remplacer par le fond nettoyé de la ruche précédente. Dans la pratique, on se rend compte que les fonds sont souvent différents, ou qu’ils présentent des différences de dimensions qui, même faibles, interdisent les échanges.*

DEVELOPPER LE RUCHER


Cliché Vallier (26)

Pour qui veut développer son rucher, sans faire d’achat, la méthode pour diviser une colonie est facile. Elle consiste à forcer la ponte de la reine fortement et tôt dans la saison. Lorsque la ruche arrive à saturation de couvain d’abeilles, l’apiculteur divise par exemple la colonie en deux parties d’égale importance. Il peut également diviser la colonie en trois parties, mais dans ce cas, les petites colonies qui en résultent mettront davantage de temps pour être en état d’hiverner. Quelle colonie choisir ?

La plus belle, la plus douce, la plus productive, la plus... bref, la meilleure colonie du rucher. Pourquoi la meilleure ? Tout simplement afin que celle-ci perpétue les qualités de sa reine d’origine dans la partie l’ayant accueillie et afin qu’elle reproduise tout ou partie de ses qualités dans l’autre partie devenue orpheline.

Comment procéder ?
Dès que la ruche A (avec une jeune reine de préférence) est choisie, nous suggérons dès lors de forcer la ponte de la reine par de petits apports réguliers de sirop 50/50 comme défini plus loin. Cette colonie sera suivie très régulièrement pour surveiller l’étendue de son couvain, tout au cours du mois d’avril. La division interviendra un peu avant saturation de la ruche.


Pendant ce temps, l’apiculteur préparera une ruche B, désinfectée, 2 cadres de cire gaufrée et 2 partitions. La ruche B sera installée légèrement en retrait à côté de la ruche A à diviser.

Le jour J (ce sera soit en avril, soit en mai), nous procéderons de la façon suivante, en prenant comme hypothèse que la ruche A possède 10 cadres dont 7 de couvain.

1er cas avec recherche de la reine
La ruche A est déplacée de 1 mètre environ sur la gauche et en retrait de son emplacement d’origine.


4 cadres de couvain + 2 cadres de miel couverts d’abeilles (sans reine) sont transférés dans la ruche B, auxquels on rajoute 1 cadre de cire gaufrée et une partition. Dans la ruche A, il reste 3 cadres de couvain, 1 cadre de miel et la reine. On rajoute 1 cadre de cire gaufrée et une partition. Les deux ruches A et B sont alors organisées telles que sur le schéma ci-dessous. Les butineuses rentrent pour la plupart dans la ruche B, placée à proximité de l’emplacement de la souche.

2ème cas, sans recherche de reine
Dans ce cas, l’apiculteur n’a pas trouvé la reine. La répartition et l’organisation proposées dans le premier cas restent les mêmes, mais les deux ruches A et B sont placées à égale distance de l’emplacement de la souche. La colonie qui possède la reine va attirer les butineuses et le flot de celles-ci va s’y diriger progressivement. Cette ruche sera alors écartée de 50 cm au moins afin qu’au contraire les butineuses au retour des champs se dirigent vers l’autre ruche située près de l’emplacement de la souche privée de reine. De cette façon, l’équilibre entre les deux ruches s’établit. Les butineuses d’un côté, la reine de l’autre.


Dans les deux cas, à partir d’une bonne souche nous avons maintenant :

 - 1 colonie avec la reine d’origine, du couvain mais sans butineuses,
 - 1 colonie orpheline avec du couvain et des butineuses.

Celle-ci va entreprendre un élevage royal. Il y naîtra une reine ayant une partie des qualités connues de sa mère, mais également l’héritage de gènes de quelques pères inconnus...

Nous continuerons de nourrir les deux colonies et de les agrandir en ajoutant régulièrement un cadre de cire gaufrée selon leur propre rythme de développement, c’est-à-dire dès que le cadre de cire

gaufrée mis précédemment est construit et occupé par les abeilles.


Cliché Drezen (29)

)apiculteur 10
Cliché Blois (73)

LES NOURRISSEMENTS
Puisque la température s’élève, l’apport de nourriture liquide devient possible. Nous distinguons deux types de nourrissement

1) Celui d’appoint, donné massivement en 1 ou 2 fois, aux colonies dont les provisions sont faibles. Comment s’en rendre compte sans ouvrir les ruches ? Par pesée, à l’aide d’une bascule ou d’un peson, ou en décollant l’arrière de chaque ruche, ce qui permet d’en estimer son poids. La méthode est artisanale, mais par comparaison permet de détecter les ruches les plus légères.

Le sirop sera concentré : 3,5 kg de sucre pour deux litres d’eau et 1 cuillerée à café d’eau de Javel par litre d’eau.

2) Le nourrissement spéculatif
Destiné aux colonies en retard de développement, il est administré par petites quantités et régulièrement. L’objectif est d’exciter, de favoriser la ponte de la reine, par l’action des rentrées régulières de sirop. Celui-ci est dosé 50/50 (50 % d’eau, 50 % de sucre) avec également une cuillère à café d’eau de Javel par litre. Le revers de la médaille, c’est le risque que certaines colonies entreprennent un processus d’essaimage difficile ensuite à contrôler. Seul un suivi des surfaces de couvain permet de réguler ces apports en fonction du développement ou non du couvain. Ce type d’action est également à appliquer aux colonies faibles.Soit elles se remettent " à niveau " par rapport aux autres, soit elles continuent de stagner et deviennent des non-valeurs. Lors de la visite de printemps, la décision à prendre alors sera de rassembler ces colonies avec la conservation seulement des meilleures reines.

Certains de nos amis ont donc fait ce bon choix de devenir apiculteur ou apicultrice. Nous sommes persuadés qu’ils seront pris par la passion et nous pouvons espérer que quelques-uns ou quelques-nes d’entre eux deviendront des responsables de demain en la matière.

Quelles que soient leurs motivations, ils entrent dans une grande famille, dans laquelle les plus expérimentés tendent la main aux nouveaux. Si nos anciens étaient parfois réticents à transmettre leur savoir, aujourd’hui ce n’est presque plus le cas. Cette Page des Jeunes participe aussi à leur formation, tout comme le rucher-école, les réunions, les stages et autres rencontres informelles. Que nos débutants profitent de toutes ces possibilités, leur progression sera plus rapide, tout comme leur intégration dans le monde apicole. Nous leur souhaitons de trouver auprès de nos abeilles laborieuses le calme, la sérénité, un vrai bonheur.


B. Cartel