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Bois d’abeille par E. Constant

Avec un peu de passion et quelques outils, vous pouvez faire revivre un Brusc (ruche tronc), mais le faire vivre de façon à contrôler la colonie comme une ruche mobiliste.

Car vous allez bien fabriquer une vraie ruche à cadre, à ce détail près qu’elle sera ronde, prise dans la masse d’un arbre, neuf ou ancien, peut-être bi-centenaire …

J’entends déjà le chœur des traditions productivistes et des sacro-saints « Progrès » ! mais la démarche est ailleurs… Dans une ruche du commerce, la caisse – c’est le mot – est constituée de planches de 25 mm au mieux, 22 mm au pire. Sous l’entaille des prises de mains, il reste 3 mm de bois : tentation du Pic-vert ou Pic épeiche (oiseaux somptueux et protégés). Rupture des échanges thermiques pour les ruches qui hivernent en montagne sans partitions.

L’intérêt n’est pas là. L’abeille s’accommode de tout si la colonie est forte. Et il ne saurait être remis en question l’usage des hausses si commodes pour les récoltes.

La ruche tronc, le Brusc, c’est « quelque part ailleurs », c’est « les ancêtres qui nous parlent », une flamme qui danse. C’est une ruche invisible – ou presque – cachée dans le bois.

Brusc maison : cadre de couvain et meil après un mois de vie
- Votre serviteur. (Cliché M.F. Barrières)

Subliminal, cosmique : enruchage d'un essaim dans un brusc aménagé.
 (Cliché Vallier)

La beauté rurale du passé autarcique : ceux qui avaient la chance d’échapper à l’usine et aux bureaux où s’éteignent si vite ces lueurs pétillantes aux yeux des jeunesses.

Après avoir négocié un Brusc vide (Ardèche, Lozère, Vercors) ou l’avoir fabriqué, vous allez réaliser une feuillure au ciseau à bois, pour soutenir les têtes de cadres et il vous restera la fabrication de ceux-ci en suivant au mieux les courbes du profil intérieur de l’arbre, égalisant ici, courbant là, ajustant, réalisant ce que les ébénistes appellent un « tablettage » de façon à éviter au maximum les constructions de cire qui risquent de souder les cadres au corps. Numérotez-les. Ne placez pas de crémaillères … vous réglerez l’espace à l’œil. Armez les cadres, placez la cire gaufrée, confectionnez un beau et large chapeau de pierre ou de bois.

Alors, par un soleil de Mai, enruchez le plus bel essaim envoyé par les dieux. Voyez comme il va apprécier cet habitat !

S’y installer dans la joie …

Un collègue qui a eu la même idée (sans concertation).
Brusc taillé à la tronçonneuse !  (Cliché Vallier)

Vous pourrez faire toutes les manipulations habituelles : changer la reine, la marquer si vous y tenez (par pitié, ne la clippez pas !), traiter Varroa Jacobsoni comme il le mérite, fabriquer une hausse ou inclure quelques cadres à section en bois pour la récolte …

A l’heure où débarque sur le marché un soufflet électrique à batterie rechargeable au lithium (et qui ressemble à une arme), j’avoue que ma ruche primitive, sans peiner Monsieur LANGSTROTH me comble de ravissement.

Etablies en forme d’œuf tronqué – c’est leur nature –, protégées du froid et du soleil par 50 à 60 mm de bois à la rondeur naturelle, voilà une colonie abritée par un gîte de charme !L’instituteur du village – un peu apiculteur, un peu matérialiste – me déclare : « c’est inouï, je n’ai jamais vu ça, mais c’est « anti productif » !!

Eh bien non ! Cet ami cher se trompe : la beauté rustique est génératrice d’énergie, de joie, d’envie d’entreprise, d’ivresse …

Je n’ai pas renié mes Dadant 10 cadres au carré mathématique à feuilleter comme un livre.

Un peu de fantaisie inutile pour le plaisir des yeux … un peu de retour vers le futur, c’est aussi un peu de magie : le sel de la vie.

Emile CONSTANT