Avec l'aimable autorisation de la revue Abeilles et Fleurs

Recherche de nouveaux emplacements de ruchers (2002)
Maurice Mary

Beaucoup de raisons peuvent nous amener à chercher de nouveaux emplacements de ruchers. On peut citer:

  1. La création ou l’extension d’une exploitation qui augmente son nombre de ruches ; pour ceux qui peuvent encore investir avec l’assurance de rentabilité. 
  2. La fuite parfois, d’une zone agricole autrefois mellifère et qui l’est de moins en moins, soit par l’évolution des cultures, soit surtout à cause des dégâts dramatiques causés par les pesticides dans cette zone. 
  3. Enfin, les emplacements nécessités pour transhumer les ruches momentanément dans d’autres sites, proches des acacias, châtaigniers, lavande, bruyère, prairies de montagne, etc.

Contraintes
Quelles sont les contraintes, j’allais dire le «cahier des charges», pour un emplacement de ruches ?

  • La distance par rapport aux floraisons visées. On sait que le rayon de butinage peut aller jusqu’à 3 km et plus, par très beau temps, sans vent. Mais cela engendre une grande perte de temps et d’énergie. Et au printemps, et toute la saison, par temps frais ou venté, il vaut mieux que les floraisons soient proches de ruchers. Un kilomètre des fleurs est une distance encore acceptable, plus près c’est infiniment mieux. 
  • L’accès possible avec nos véhicules habituels. Donc chemin carrossable la plus grande partie de l’année. Ceci, même si on est équipé de 4x4 sur des chemins détrempés n’est pas forcément apprécié par les propriétaires. Une clairière, bien ensoleillée tout le matin, protégée des vents dominants, représente l’endroit idéal. 
  • Une bonne exposition dégagée vers l’est et le Midi est souhaitable. Et si possible, un écran de végétation ou autre pour protéger des vents dominants, de nord et d’ouest en particulier. 
  • Eviter de mettre les ruches sous de grands arbres, où existent souvent des courants d’air. L’hiver également, les grands arbres, en périodes de brouillard, givre et dégel, créent des chutes de grosses gouttes, lesquelles par le clac sur les toits des ruches perturbent les colonies bien groupées à cette époque. 
  • Penser, c’est très, très important, à la gêne et aux risques que pourraient créer vos abeilles dans l’environnement immédiat. Chemins, routes empruntés par des promeneurs, et qui risqueraient de se trouver dans la trajectoire des abeilles. 

Ceci est également vrai pour la gêne et le danger possible aux agriculteurs qui cultivent à proximité. Ça l’était encore à l’époque des chevaux. Il existe, il est vrai, le Code rural qui fixe des règles de distance des voisins, des routes, etc. Mais plus encore et mieux, il existe le bon sens et l’expérience de l’apiculteur, pour installer ou ne pas installer des ruches à un endroit donné. 

Même, si par ailleurs, on avait l’accord du propriétaire, pas forcément lui-même juge des risques possibles. La bonne image de l’apiculteur, et des apiculteurs en général, peut être gâchée par une insouciance ou un sans-gêne coupable.

Il nous arrive aussi d’avoir à installer, faute de mieux, un rucher en bordure de culture adossé à une haie (laquelle est importante pour donner des repères aux butineuses) mais dans ces cas-là, nous avons eu, au préalable, l’accord de l’agriculteur. 

L’installation d’un rucher à l’intérieur d’une culture est déconseillée, à cause de la « dérive » des butineuses ; celles-ci, manquant de repères, se trompent de ruches et s’en vont généralement « gonfler » les ruches des extrémités. L’effet est désastreux. Par contre, dans les vergers, les abeilles se repèrent plus facilement. 

Observations annexes
Dans les clairières naturelles de forêt, où le bois ne pousse pas, les fougères non plus, mais seulement de l’herbe plate, il vaut mieux ne pas mettre de ruches. Les abeilles s’y portent mal généralement. Peut-être dans ces clairières les 
ondes telluriques émanant du sous-sol sont-elles néfastes. A l’inverse, là où poussent bien les orties, les abeilles se portent très bien. Quand on arrive dans un rucher et que les orties sont plus hautes que les ruches, on y trouve les hausses pleines. Surtout ne pas désherber… Si quelqu’un a des explications scientifiques à ces observations, nous les apprécierons. Nous l’en remercions d’avance.

Prospection
A l’expérience, il s’avère que le premier travail à faire est de prospecter la nouvelle zone envisagée pour repérer les emplacements potentiels, qui soient dans ou à proximité des floraisons ciblées.

Ces lieux d’implantation de ruchers peuvent être très divers : bois, friches, adossements à une haie, vergers abandonnés, etc. 

Ces possibilités, nombreuses autrefois, se raréfient, et plus encore dans les zones de grande culture ; avec le remembrement, lequel a tendance, bien sûr, à raser les bois, les haies et les friches. 


Dans les zones de grande culture, les emplacements potentiels peuvent être assez rares.
 Un bois isolé, encore respecté pour être un refuge à gibier, est une opportunité. 

Peut-être d’ailleurs, un mouvement inverse se dessine-t-il ? Puisqu’on subventionne maintenant la plantation de haies. C’est quand on a tout rasé, haies et talus, qu’on s’aperçoit des conséquences climatiques et environnementales désastreuses. Faire, défaire, refaire… 

En zone de montagne ou de landes, on a plus de possibilités, mais l’accès n’est pas toujours facile.Recherche des propriétaires.

Maintenant que nous avons repéré les possibilités, il nous faut chercher le ou les propriétaires.

Là, on peut s’adresser en priorité aux voisins, s’il en existe ; et parmi lesquels avec un peu de chance on trouvera le propriétaire. Sinon, on obtiendra peut-être des renseignements sur celui-ci : adresse, téléphone, etc. 

Dans des cas plus difficiles, se renseigner en mairie, avec cadastre et matrice cadastrale. 

Négociation
Lorsqu’on a trouvé le propriétaire, il nous faut obtenir son accord.

Là, tout est affaire de bon contact : prendre le temps d’expliquer, de parler de notre métier, de ses contraintes, du rôles des abeilles, etc., et aussi des difficultés que nous avons pour maintenir notre cheptel, avec l’emploi inconsidéré des pesticides. 

Les médias, ayant assez bien depuis quelque temps relayé nos problèmes, les gens abordent très vite le sujet et sont dans l’ensemble à notre écoute et favorables aux abeilles. 
Même les agriculteurs, lesquels ont souvent, hélas, une information incomplète, non objective, pour ne pas dire mensongère, relayée par les commerciaux des pesticides, sont le plus souvent très intéressés par nos explications. Ils savent de plus en plus que les abeilles sont irremplaçables pour certaines cultures fruitières, oléagineuses, légumineuses, et bien d’autres… que nos professions sont complémentaires. Il faut bien sûr être à l’écoute de leurs problèmes, c’est une affaire de tact et de considération réciproque.

Loyer des ruchers
Dans la pratique, sauf location de ruches négociée, pour verger ou autre culture, l’apiculteur se fait un devoir de donner un loyer annuel, en miel très généralement. Ici, dans notre exploitation, nous distribuons en novembre de chaque année les loyers.

Il s’agit d’un forfait de 10 kg par emplacement, sans tenir compte du nombre de ruches, ni de la durée dans l’année où elles ont été présentes ou pas.

Le carton de miel contient par moitié des pots kg et des pots de 500 g. C’est traditionnel et, disons-le, très apprécié.

Ce paiement des loyers en automne est aussi l’occasion de causer avec les propriétaires, demander si les abeilles n’ont pas gêné, etc. Avec les agriculteurs, c’est l’occasion d’un échange très positif. Les ruchers peuvent aussi être installés sur des terrains communaux ou en forêts domaniales. Pour les terrains communaux, le loyer peut être aussi du miel pour la cantine scolaire ; ça peut donner de bonnes habitudes aux enfants, c’est de la promotion. Pour les forêts domaniales, il y a généralement un prix forfaitaire à la ruche, fixé par l’Administration. C’est à négocier en respectant les contraintes imposées bien sûr. Là aussi, il faut avoir de bons contacts avec les gardes forestiers qui apprécieront de goûter au miel. 

En résumé
Il faut créer des relations correctes au minimum, cordiales si possible, voire amicales avec les propriétaires. C’est le cas le plus souvent, et c’est très bien ainsi. Et pour cela, n’oubliez surtout pas de payer le loyer !
Texte et Photos Maurice Mary