Francis Ithurburu
Apiculteur de loisir à Biscarrosse (40 - France)
Éditée le 28 novembre 2012 - Mise à jour le 26 janvier 2015

Préambule.
Les apiculteurs professionnels ne sont pas réellement ou très peu impactés par le frelon asiatique. Cette fiche s'adresse en priorité aux nombreux apiculteurs de loisir qui tendent à se décourager et abandonnent en masse l'apiculture, dans les zones infestées.

Le constat actuel

A l'origine 2004, une fondatrice ou une colonie introduite accidentellement dans le Sud-Ouest de la France.
Aujourd'hui, soit dix ans après, Vespa velutina occupe les trois quarts de notre territoire.  Il ne connaît pas les frontières puisque déjà signalé chez nos voisins espagnols, portugais, italiens, il entrera très bientôt en Suisse, Belgique, Allemagne et …. Angleterre.  
Il faut se rendre à l'évidence,  son éradication n'étant pas possible, Vespa velutina fixera lui-même les limites de son expansion. 

Chaque année, de nouveaux départements sont colonisés sans que soit constatée la moindre amélioration dans les départements d’origine. Quelque chose ne va pas dans la riposte que nous lui opposons.

Dès la première heure, certaines recommandations ont bien été émises par les scientifiques de notre pays. Ces derniers, rapidement désavoués par les organismes représentatifs de la filière apicole, s'appuyant sur on ne sait quelle compétence technique en la matière, ont même appelé à la mise en œuvre généralisées de mesures contraires.

A présent, l'évidence s'impose, rien ne semble pouvoir empêcher l’adoption des «recettes» et moyens de lutte qui n’ont pas fonctionné par les acteurs intéressés dans les zones nouvellement infestées.
Cette réaction, directement induite de l'exaspération collective, du sentiment d'impuissance et de la méconnaissance de la biologie de l'insecte, favorise sa propagation.

Il semblerait, pour modérer cette dernière affirmation, qu'une concertation s'instaure. L'établissement de cette fiche à la demande et l'adresse de certains responsables des structures apicoles des zones en voie de colonisation en est la preuve.   

Nombre , taille et localisation des nids

La tendance montre des nids plus petits mais plus nombreux dans les secteurs colonisés depuis plusieurs années. Elle conforte notre théorie sur la territorialité.

Les nids sont construit du sous-sol (regards, fosses, anfractuosités) jusqu’à la cime des arbres hauts, en passant par tous les étages (buissons, cabanes,  auvents, toitures).

Une préférence très nette se dégage pour la zone urbaine, les constructions offrant à la fois des niches de diapause favorables à la survie hibernale des jeunes reines mais également une multitude d'emplacements protégés pour la fondation de la colonie.

Cette préférence est un atout dans la lutte, les nids construits dans et autour des habitations sont plus rapidement localisés que dans l'espace rural.

Si la relocalisation (construction d'une ou plusieurs colonies satellites suite à la destruction accidentelle de la colonie initiale) est un fait, je n'adhère pas à la théorie de la délocalisation systématique de l'espèce (construction d'un nid primaire qui sera abandonné en cours de saison pour un autre emplacement plus grand ou plus sûr).  En revanche, la délocalisation chez Vespa crabro est très régulièrement observée.

Il est inexacte d'affirmer que Vespa velutina progresse en suivant le réseau hydrographique. Il colonise volontiers les arbres qui bordent les cours d'eau parce qu'ils sont hauts et dans un milieu riche en insectes.

Il est également inexact de dire que Vespa velutina a besoin de beaucoup d'eau pour pouvoir bâtir son nid. Cette idée est faussement déduite de la précédente.

Territorialité, rivalité entre fondatrice et interaction

La répartition territoriale des nids semble de plus en plus être la règle et la proximité l’exception. http://www.sudouest.fr/2011/04/26/frelon-contre-frelon-381173-3307.php .
Certaines observations de nids proches les uns des autres, voire sur le même arbre sont toujours le résultat d'un accident ou d'une destruction mal conduite.
On observe généralement une dispersion des colonies qui est intimement liée à la richesse de l'entomofaune du territoire. 

Quand Vespa velutina conquiert une nouvelle zone, il profite des ressources abondantes offertes par ce nouvel espace sans concurrence ni rivalité. L'année suivante et les autres années il doit partager.... avec lui même.  

La rivalité entre les fondatrices pour la détermination de l’emplacement du nid est avérée.  Nous observons régulièrement jusqu'à 8 fondatrices rivales trouvées mortes à l’aplomb des fondations.

L’observation de la couleur et de la texture de l’involucre externe du nid nous renseigne sur l’alternance des rivales. On sait à présent qu'elles se livrent un combat à mort qui s'apparente à un véritable  jeu de chaises musicales, lequel repousse dans l'espace et dans le temps la possibilité de fonder une colonie.

L’interaction avec le frelon européen a été observée. Elle sera exploitée la saison prochaine dans le cadre d’une campagne de protection prévoyant la mise en place de nichoirs et l'implantation de colonies aux abords des ruchers.
Rappelons à cette occasion que Vespa.crabro est une espèce utile et protégée en Allemagne.

Piégeage des fondatrices

La situation actuelle de la colonisation de notre pays nous montre que le piégeage des fondatrices, tel que perpétré actuellement, n'est pas une solution utile.
Les dégâts collatéraux observés sur l'entomofaune et en particulier sur le frelon européen nous privent principalement de l'interaction que ce dernier exerce sur le frelon à pattes jaunes.

L'utilisation du piège bouteille au printemps doit donc être abandonné. Il a fait et continue de faire la preuve de son inefficacité dans les secteurs infestés. Une campagne d'information d'ampleur nationale doit être conduite  dans cet objectif, il en va de l'image de l'apiculteur, protecteur de la biodiversité mais également surtout d'une meilleur appréhension de la problématique.

L’étalement dans le temps et dans l'espace des fondations

Les fondations s’échelonnent dans le temps, du printemps à l’été. 
Pour la possession d'un site de nidification ou même d'une fondation établie,  les fondatrices se livrent à  un véritable « jeu de chaises musicales » qui peut durer jusqu'au mois d'août, comme il nous a été donné de l'observer plusieurs fois.

C'est ce même principe des chaises musicales, induit de la territorialité, qui repousse les colonies dans les zones non encore infestées.

Tous les moyens de transport modernes sont également susceptibles d’accélérer le périmètre de la zone infestée, au printemps ou en automne. Ainsi, le déplacement des fondatrices en diapause ou de jeunes colonies à l'autre bout du territoire national peut donner naissance à un nouveau foyer.
Ce type de contamination, est de nature à accélérer la diffusion du frelon à pattes jaune dans l'ensemble de notre pays selon la théorie du nénuphar, le front sud-nord venant à la rencontre du front nord-sud comme nous le constaterons très bientôt.

Localisation et destruction retardée des colonies  préférable au piégeage, empoisonnement, lutte manuelle, protection des ruches  etc…

L'une des meilleures pistes à suivre (car il en a beaucoup) c'est d'inciter les apiculteurs à privilégier la localisation de la où des colonies prédatrices.

Il faut essayer de convaincre les apiculteurs que perdre une demi journée à localiser la colonie prédatrice peut leur éviter de passer tout l'été et une partie de l'automne la raquette de badminton à la main. 

La localisation au radar harmonique fonctionne mais elle coûte cher et son emploi reste limité à la zone rurale pour des raisons d'interférences avec les matériels électroniques.

Retarder le plus possible et au mieux au mois d'août la destruction des colonies localisées, quand la sécurité des personne l'autorise. De cette manière, on s'appuie sur l'effet de «territorialité » et cette colonie devient un auxiliaire  dans la protection du secteur.
En détruisant trop tôt une colonie bien visible,  on permet à une autre colonie de s'installer à l'emplacement libéré, mais peut-être aussi à une autre de prospérer davantage dans un autre endroit qui nous est étranger et que nous ne découvrirons peut-être qu'à l'automne.

Recherche et développement de souches d’abeilles réactives que nous appelons « abeilles rebelles ».

Observations de certains changements comportementaux des protagonistes :

Depuis quelques années, nous avons sélectionné la douceur de l'abeille comme un critère intéressant pour le travail de l'apiculteur . Force est de constater aujourd'hui que ce critère lui est un handicap dans sa confrontation avec ce nouveau prédateur.

Cependant, nous observons aujourd'hui que certaines colonies semblent se  défendre mieux que d’autres et ne tolèrent pas la présence du frelon en stationnaire devant la planche, allant jusqu’à le poursuivre dans les couloirs d’envol.
D'autres colonies intermédiaires dirons nous, ne restent pas figées sur la planche et continuent de vaquer à leurs occupations malgré la prédation.
Il conviendrait d'orienter la communauté apicole, même de manière expérimentale, vers la sélection et la duplication de telles colonies.

Chez le frelon on remarque qu’il se montre méfiant face à ce type de colonies « rebelles ». Il abandonne le vol stationnaire, contourne la ruche, virevolte autour, se montre plus nerveux plus furtif. Sa capacité de prédation est fortement atténuée, la colonie redevient active et forte.

Autres moyens

Le piégeage bouteille.

Par Monsieur ToutLeMonde … Les apiculteurs doivent tout faire pour revenir sur cette propagande désastreuse dont l'inefficacité et l'impact sur vespa crabro et l'entomofaune en particulier n'est plus à démonter.

Par les apiculteurs....  L'utilisation du piège bouteille et autres dispositifs similaires est un moyen de faire baisser la pression dans les ruchers lorsque la colonie n'a pas pu être localisée. Il ne doit être mis en œuvre que.... lorsque la pression est réellement effective. Une mise en place plus précoce de ce piégeage reviendrait à obtenir les mêmes effets négatifs qu'évoqués plus avant.

La protection de la colonie.

La muselière et le filet de protection
Ils ne donnent pas satisfaction, la faculté d'adaptation du prédateur oblige à l'abandon rapide de ces techniques.

Le rucher fermé.
Son expérimentation montre que l'éloignement de la planche d'envol par rapport à la prédation permet d'éviter l'état de prostration de la colonie. Il n'empêche pas la prédation bien évidemment. Rappelons que ladite prédation s'exerce également sur les sites d’abreuvement et de butinage.

Les expérimentations de produits insecticides et autres.

Des expérimentations hasardeuses et critiquables.

A la lecture des forums spécialisés, il appert que certains apiculteurs, dans la confusion la plus totale et une méconnaissance flagrante de la biologie du frelon à patte jaunes, se lancent dans des expériences douteuses qui peuvent desservir le milieu apicole. L'exemple de l'emploi du Frontline dont les effets du composant actif,  le Fipronil est tellement décrié.

L'appât régulateur

J'ai travaillé, en liaison avec un laboratoire étranger, à la mise au point d'un appât destiné à réguler la pression du frelon asiatique dans et aux abords des ruchers. 
Il contient un insecticide à effet larvicide rapporté au nid par les ouvrières et régurgité aux larves suivant le principe de la trophallaxie propre aux insectes de société. Benzoylurée et... ou... analogue d'hormone juvénile, le principe actif de l'insecticide utilisé a pour effet d'inhiber la fabrication de la chitine par les jeunes larves qui ne peuvent ainsi constituer leur exosquelette. L'activité du nid s'éteint en quelques jours, qu'il ait été localisé ou pas.... 
Les premiers essais ont été conduits en 2010 et poursuivis chaque saisons jusqu'en 2013. Faute d'intérêt spéculatif (rapport bénéfice/ coût de l'AMM) le projet a été abandonné.... pour l'instant.

L'appât vise deux périodes importantes dans le développement de l'espèce. Au printemps, lors du réveil des fondatrices et en milieu de saison (juillet-août). 
Il en ressort deux effets, l'échec de la fondation (au printemps) et la spectaculaire régression de la colonie dès la mise à disposition de l'appât en cours de saison.
Juin/juillet semblant être le moment le plus favorable à la régulation, cette période sera privilégiée compte tenu du développement des colonies et de la prédation perpétrée sur l'abeille. 

L'ensemble des larves de la colonie contaminée est affecté. Les ouvrières désemparées s'affairent à nettoyer le nid, le débarrassent des larves mortes. La fonction de nourrissement est abandonnée. La prédation sur les abeilles cesse. La génération d'ouvrières périclite faute de recevoir le renfort de la génération suivante. La colonie rentre dans une phase de ralentissement extrême puis s'éteint. 

Limités aux abords des ruchers, quelques dégâts collatéraux vis à vis de l'espèce Vespa (V. crabro en particulier) seront enregistrés. Ils seront de toute manière bien moins traumatisants pour l'espèce que la généralisation du piège bouteille et la prédation perpétrée parVespa velutina sur l'ensemble de l'entomofaune de notre pays. C'est aussi dans un souci de limiter, autant que faire se peut, le recours à l'appât régulateur qu'il ne pourrait être délivré dans un premier temps qu'aux seuls apiculteurs sur prescription vétérinaire. 

Par ailleurs, si l'appât régulateur est présenté ponctuellement puis retiré dès que cesse la prédation sur les abeilles, on peut observer  un redémarrage très progressif de la colonie contaminée. Celle-ci peut alors mener à terme son cycle de reproduction sans que son activité ne redevienne suffisante pour inquiéter le rucher, son développement restant bien en dessous de celui qu'il atteindrait sans cette "régulation". 
Sachant qu'il est désormais admis que le frelon asiatique ne pourra plus être éradiquer de notre biodiversité, cette observation pourrait être prise en compte dans le mode d'emploi de l'appât régulateur. Les dégâts collatéraux, visés plus avant, sur les espèces non ciblées seraient alors moins conséquents et bien moins encore si l'utilisation en été limitée à la période estivale.

L'appât régulateur ne pourrait être disponible sur le marché qu'après avoir été soumis à une procédure AMM, non mise en œuvre à ce jour.

Mise engarde :  l'utilisation de produits biocides en dehors des spécifications définies dans le cadre de son AMM est sanctionnée par la loi. Exemple.. utilisation du FRONTLINE.

Divers

D'autres pistes pourraient pourtant être utilement exploitées pour contrôler la situation.

Le frelon à pattes jaunes a des prédateurs naturels.

Lui-même, suivant le principe de territorialité propre à l'espèce, comme observé et démontré depuis plusieurs années.
Cette compétition territoriale entre les colonies peut être utilisée contre lui. Il faut pour cela différer la destruction des colonie localisées jusqu'à leur maturité (juillet – aout). Cette élimination retardée a pour effet d'interrompre le cycle de reproduction de l'espèce tout en s'assurant d'un territoire qui ne sera pas réoccupé en cours d'année.
Détruire trop précocement une colonie localisée au printemps, c'est offrir à une autre colonie non localisée la possibilité de se développer sur ce même territoire soit de s'y implanter sans rivalité. Comme bien souvent, cette colonie sera découverte à l'automne lors de la chute des feuilles, il sera alors trop tard.

Pourquoi les asiatiques ne sont pas génés par la présence du frelon à pattes jaunes... Tout simplement parce la recherche des colonies représente pour eux un intérêt lucratif, les larves étant considérées comme un mets de choix.  La colonie repérée sera « prélevée » à maturité, avant l'apparition des sexuée en dehors de la phase de colonisation..... 

Le frelon commun Vespa crabro (comme évoqué plus avant).

Le poulet en croissance

De manière incidente au printemps 2010, ayant oublié de fermer aux volailles l'accès de mon rucher, j'ai observé que le poulet pouvait être un auxiliaire précieux de l'apiculteur de loisir.

En mars, les fondatrices sont attirées par les ruches et la protéine des abeilles. Becquetées au stade de la fondation, leur disparition équivaut à un piégeage sélectif.

Quelques fondatrices  bien entendu échappent à la prédation du poulet.  Les ouvrières de la premières caste, dont on sait l'importance pour le développement de la colonie,  se présentent alors devant les ruches. Becquetées à leur tour, leur effectif diminué ne permet pas à la colonie de se développer « normalement ». Les avortements sur des nids jusqu'à la taille d'un melon sont alors observés .

Plus tard, on observe que la prédation du poulet joue certainement un rôle dans l'interruption de  l'information afférente à la source de protéine que constitue le rucher. Ainsi tout au long de la saison, on a l'impression de voir arriver des pionnières isolées qui se font becqueter à leur tour et ainsi de suite.

Aux abords de mon rucher, j'ai observé lors de ces trois dernières année un taux d'avortement des fondations plus important que la normale. Aucune colonie n'est parvenue à maturité dans un rayon de 1000 m. Ayant une petite entreprise de destruction des guêpes et frelons et suis parfaitement identifié pour en connaître.

Le poulet en croissance a un grand besoin de protéine. Je nourris les miens uniquement de maïs ce qui semble devoir être pris en considération dans l'intérêt qu'ils portent aux frelons.  La poule sans poussins se montre moins intéressée.

Les poulets de mon parc de volailles sont issus de poussins nés en couvaisons, conduits et éduqués par la poule. Je ne suis pas en mesure de dire si des poulets nés en couveuse, qui ne seraient pas éduqués dans la recherche d'insectes et autre vermine seraient  aussi efficients que ceux nés en couvaison.

Les frelons qui se présentent sur le rucher tenu par les poulets  se montrent très mobiles et instables, vraisemblablement en raison de quelques « loupés » . Le vol stationnaire de prédation devant la planche se fait plus rare ce qui a pour effet de faire disparaître le stress qu'il occasionne sur les abeilles. L'activité des ouvrières de la ruche est normal ce qui me permet de dire que le frelon asiatique est devenu pour mon rucher un épiphénomène.

Les poulets mangent quelques abeilles moribondes au sol,  des nymphes, larves  rejetées de la ruche et autres papillons de la teigne. Ils  se méfient des gardiennes dont ils se tiennent à distance d'attaque.  Sur ce dernier point, il convient de ne pas confiner l'enclos et de laisser aux poulets une distance de fuite d'au moins trois mètres. La proximité d'arbustes de haie étant l'idéal pour assurer leur protection en cas d'attaque.

Pour me rapprocher d'une démarche scientifique, j'ai essayé à plusieurs reprises de condamner l'accès du rucher aux volailles en cours de saison. Régulièrement, après 24 heures environs Vespa velutina était déjà de retour en nombre devant les planches d'envol (retour de l'information).  Dès la réouverture, la situation redevient normale.

En fin de saison, les frelons peuvent pénétrer directement (sans vol stationnaire) dans la ruche dont la colonie commence à se mettre en grappe et échapper ainsi à la vigilance des poulets.  La mise en place d'une grilles de protection de l'entrée est évidente en cette saison.