Avec l'aimable autorisation de la revue Abeilles et Fleurs

Mise en pots d'un miel ensemencé et qui a bien commencé sa prise,
au moyen d'une pompe doseuse.

Conditionnement du miel pour sa vente en pots (2003)
Maurice Mary

Mise en pots à la récolte
C'est plutôt à éviter. Bien sûr, c'est possible et aussi le plus simple, si on est tout petit producteur. Il faut bien sûr que le miel ait eu le temps de bien se décanter et qu'il soit filtré dans un tamis très fin. S'il s'agit d'un miel qui va rester longtemps et naturellement liquide, genre acacia, sapin et quelques autres, il n'y a pas de problème particulier. Mais si nous avons affaire à du miel qui doit cristalliser très vite comme du colza ou du tournesol, ou un peu moins vite comme du trèfle et toutes les fleurs en général, c'est à déconseiller. Pourquoi ? D'une part, nous n'allons pas du tout contrôler la cristallisation, laquelle sera hasardeuse, rarement fine, plutôt sableuse, voire à très gros grains. D'autre part, le miel va cristalliser lentement et risque de devenir très dur, impossible à tartiner. Le couteau ou la cuiller qu'on utilisera pour le prendre risquent de plier. Ce n'est pas du tout fonctionnel mais plutôt dissuasif pour le consommateur. Enfin, vous risquez d'avoir en surface du miel une couche blanche, d'aspect farineux. C'est quoi ? En fait ce sont des micro-bulles d'air qui remontent à la surface, surtout si le miel a été long à cristalliser. Cela fait penser à un saupoudrage de sucre, de farine, et le consommateur se pose des questions ! En résumé, le miel mis en pot de cette façon risque de ne pas être apprécié à sa juste valeur. Un petit pourcentage de clients vous dira peut-être : " Tiens, cela ressemble au miel que récoltait et nous donnait grand-père ! ". Mais il faut savoir que la très grande majorité des consommateurs apprécie, pour les miels solides, la finesse de grains, et aussi qu'ils se présentent presque crémeux, faciles à prendre et à tartiner.

Stockage des miels après récolte
Dans les exploitations apicoles, petites ou grandes, après l'extraction et le passage en maturateurs, le miel est mis en seaux ou en fûts de 300 kg. Il est ensuite stocké, autant que possible dans un local sain, à une température la plus constante possible, et en tout cas à l'abri des températures trop élevées de l'été. Les miels seront bien sûr classés en fonction de leur sélection et origine florale. Les miels à vocation liquide vont le rester, en seaux ou en fûts. Les autres vont cristalliser bien évidemment. Il faudra donc reprendre ces miels en fin d'été, automne, hiver et toute l'année d'ailleurs, pour les conditionner pour leur vente en pots, et avant tout les liquéfier, les refondre.

Refonte des miels
Il faut donc réchauffer, refondre les miels, soit en étuve finement thermostatée et ventilée, pour ceux qui en sont équipés, c'est le mieux, ou avec tout autre système de réchauffage, y compris le bain-marie. Beaucoup de petits producteurs utilisent des défigeurs électriques genre AMI API, équipés de résistances qui s'enfoncent progressivement dans la masse du seau ou du fût. C'est pratique pour une petite mise en pots. Ces défigeurs ne sont pas sans inconvénients, en particulier d'un peu de surchauffe, là où le miel est en contact direct avec la résistance. Le miel étant peu conducteur de la chaleur.

Bien refondre du miel, c'est donc éviter la surchauffe, mais aussi refondre entièrement les cristaux qui se sont développés dans la masse. Il faut savoir que les cristaux de miel se liquéfient entièrement à 38 °C. Il faudra donc atteindre disons 40 °C. Au-dessus c'est inutile et peut générer des inconvénients comme la production d'HMF.

Notons qu'il faut chauffer le miel le moins longtemps possible. Les industriels conditionneurs le savent bien et lorsqu'ils pasteurisent les miels, ceux-ci sont amenés très rapidement à une température élevée mais refroidis aussitôt après. Ce qu'on appelle la " flash pasteurisation ".


Sortant d'étuve à 40 °C, le miel est passé dans
un tamis fin, lors de sa mise en maturateur

Mise en pots de miels à vocation liquide
Lorsqu'ils sortent de l'étuve ou autres, disons à 40 °C, ils sont très fluides et faciles à filtrer dans un tamis très fin lors de leur mise en maturateurs. Avant de mettre en pots, attendre tranquillement 24 ou 48 heures que le miel se débarrasse en surface de ses bulles d'air. Et le mettre en pots lorsqu'il a repris la température ambiante.

Ensemencement des miels à vocation solide
Là, c'est plus de travail. Le ou les miels en mélange sortant de l'étuve seront filtrés, bien sûr, lors de leur mise en maturateurs. Après un temps de repos on pourra, si elle est importante, écumer la couche de mousse blanche en surface.


Lorsque le miel est revenu à 25 °C, on y ajoute le miel fin, pâteux,
pour l'ensemencer


Ici, un mélangeur à hélice incorpore et homogénéise la semence
dans la masse de la cuvée. Au fond, des miels en pots, en palette métallique

On attendra que la température de la cuvée retombe à 25 °C pour y mélanger 3 % de miel pâteux à cristallisation très fine, lequel servira de semence pour la prolifération de ces cristaux ultra fins dans toute la masse de la cuvée. Lorsqu'on a ajouté cette semence, il faut la mélanger, la diluer dans le miel de la cuve, lequel prendra aussitôt un aspect trouble.

Et là, il faudra soit brasser à la main avec une spatule pour une petite quantité, soit utiliser un mélangeur à hélice, ou autres.

 Miel semence en réserve 

Après ensemencement, il faut encore attendre 24 ou 48 heures pour que le miel de plus en plus trouble épaississe légèrement, et alors seulement mettre en pots.


Miel semence en petite quantité, brassé au moyen d'un agitateur portable.
On peut aussi bien en faire un pétrin de 300 kg en fonction des besoins

Local de conditionnement
L'idéal, pour cette technologie d'ensemencement, est de travailler et de stocker ensuite les miels en pots, dans une pièce à température constante d'environ 15 °C. Mais il faut un local bien isolé thermiquement, avec un équipement de climatisation adéquat, donc un investissement. Ensuite c'est une température pas trop coûteuse en énergie : un peu de froid, un peu de chaud. Cette température constante permet de planifier toute l'année ce travail : temps de refroidissement, d'ensemencement, de cristallisation, etc., sans être influencé par la température extérieure. D'autre part, il faut savoir que c'est à 14-15 °C que la cristallisation du miel est la plus rapide, avec en prime plusieurs avantages :

  • pas de remontée en surface de micro-bulles d'air (donc pas de farine en surface du miel) ;
  • le miel, qui se solidifie très vite, restera souple et facile à prendre, alors qu'à 20 °C ou plus, il se solidifie plus lentement et devient beaucoup plus dur ;
  • enfin, à 15 °C, la conservation même longue du miel est parfaite.

Semence fine de miel : comment l'obtenir ?
Certains miels cristallisent d'eux-mêmes très finement. C'est le cas en particulier du colza, encore que ce ne soit pas systématique avec les hybrides actuels. Et puis avec un pot de miel fin, on peut en faire un seau et ainsi de suite. On peut aussi utiliser du miel passé, broyé, dans un homogénéisateur. Certains apiculteurs utilisent d'ailleurs ces équipements pour faire tout leur miel crème au lieu d'ensemencer. Toutefois, ces appareils sont chers, et d'un débit limité.


24 ou 48 heures après l'ensemencement, le miel est au point pour être mis en pots

La semence fine de miel peut être perpétuelle. En effet, après chaque mise en pots, le fond de votre cuvée peut être récupéré dans un seau, un estagnon ou un pétrin. Et pendant quelques jours suivants, on le malaxe un peu pour que ça reste pâteux, presque coulant, et ça vous servira pour les prochaines cuvées.

Remarques
Les négociants conditionneurs ensemencent également une partie de leurs miels ; mais cette fois par injection de semence dans le circuit de pasteurisation. Là, c'est à une autre échelle de volume, de tonnage et aussi d'investissements. Pour nous, il s'agit en fait d'exploiter et d'utiliser au mieux les propriétés physico-chimiques naturelles des miels à des températures voisines de celles de la ruche, et sans altération du produit. Cette technique peut paraître simple, primitive, et elle le reste. Cela demande du travail, du tour de main, ça n'est pas sans échec parfois mais c'est une passion d'apiculteur : faire toujours mieux et aussi vendre mieux.
Texte et photos : Maurice Mary