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Comportement(s)… (2004)
F. Anchling

En ce début d'année, les rédacteurs de cette rubrique, mon collègue Bruno Cartel et moi-même souhaitons à tous les apiculteurs et à leurs familles une bonne et heureuse année 2004, une année de réconciliation avec notre environnement, sans pertes hivernales inexplicables, sans intoxications, avec peu de varroas mais avec de merveilleuses et abondantes récoltes.

Une nouvelle année commence ; voilà une expression que nous avons déjà entendue : la nouvelle année scolaire, la nouvelle année liturgique, la nouvelle année fiscale, la nouvelle année civile, la nouvelle année apicole.... il y a toujours une nouvelle année pour quelqu'un. Au fait, la nouvelle année apicole, c'était quand ? Elle a débuté sans bruit ni pétards, dans l'obscurité de la ruche avec la naissance des premières abeilles d'hiver, enclenchant ainsi le processus qui donnera une nouvelle population de butineuses dès ce printemps. Et ce printemps est proche, la durée du jour recommence à augmenter et la course du soleil monte chaque jour un peu plus au-dessus de l'horizon.

La nouvelle année nous apporte au moins une bonne nouvelle, l'acide oxalique tout d'abord recommandé en apiculture biologique, puis interdit d'usage eu égard à sa toxicité, est enfin réhabilité. Cette substance est inscrite à l'annexe II, qui répertorie les produits qui n'ont pas de LMR (limite maximum de résidus. Ce produit dont nous avons maintes fois relaté les différentes applications dans les pays limitrophes, (pour rappel : pulvérisation, dégouttage et vaporisation) y compris les études de toxicité (en Suisse, en Autriche ou en Allemagne) a fait l'objet de très nombreuses expériences depuis une quinzaine d'années, avec des performances égales à celles de l'Apistan. Néanmoins les précautions à prendre par l'utilisateur de cet acide puissant restent d'actualité, surtout dans les cas de pulvérisation ou de vaporisation. Le port d'un masque de protection est obligatoire. Il est rappelé qu'une très faible dose d'acide oxalique peut provoquer un blocage des reins.

L'acide oxalique est un acide organique. Dans le commerce on trouve de l'acide oxalique anhydride ou sous forme déshydratée. L'acide oxalique se présente sous la forme de cristaux translucides, incolores et hygroscopiques, solubles dans certains solvants comme l'éthanol. Chauffé à 160 degrés, l'acide oxalique se décompose en acide formique, en monoxyde et dioxyde de carbone et en eau. Sous forme de poussières en suspension dans l'atmosphère il peut être à l'origine d'incendies et d'explosions.

L'acide oxalique pur ou en solution concentrée est un caustique puissant qui produit des brûlures immédiates des tissus avec lesquels il entre en contact. Les solutions diluées sont également très caustiques. L'ingestion d'acide oxalique est suivie de douleurs buccales puis abdominales. L'exposition à des aérosols d'acide oxalique provoque une irritation intense des muqueuses oculaires et respiratoires. Les valeurs limites dans l'air des locaux de travail sont fixées par le ministère du travail à 1 mg par mètre cube.

Il est donc évident que les précautions pour l'utilisation de cet acide sont impératives, Nous en reparlerons dans un prochain article.

Il est aussi rappelé que sa mise en œuvre dans la ruche n'est parfaitement efficace que hors couvain ; et que les abeilles ne supportent pas de traitement à répétition.

Que devient notre rucher ?
Le mois de janvier est traditionnellement le plus froid de l'hiver, de ce fait notre activité au rucher est bien souvent nulle. Néanmoins il ne faut pas l'abandonner et une visite de contrôle fréquente s'impose, pour vérifier que rien ne trouble la quiétude nécessaire à un bon hivernage et d'une manière particulièrement attentive les entrées des ruches. Celles-ci doivent toujours être parfaitement dégagées à l'extérieur mais aussi de l'intérieur.

Pendant l'hiver de nombreuses abeilles arrivées en fin de vie meurent et tombent sur le plancher de la ruche. Si une température trop basse s'oppose à toute sortie, les abeilles mortes ne sont pas évacuées et stagnent devant les portières d'entrée, bloquant l'accès aux portières et aussi les entrées d'air frais. Il est alors conseillé de relever délicatement ces portières et avec un fil de fer recourbé d'extraire les cadavres, de sorte que nos protégées ne soient jamais gênées si la possibilité d'un vol de propreté leur est offerte par un réchauffement de l'atmosphère.

Si de la neige obstrue le trou de vol, n'ayez aucune inquiétude, elle permet toujours une petite circulation d'air. La neige ne pose problème qu'en cas de redoux ; la réverbération du soleil sur la neige attire les abeilles vers l'extérieur, elles se posent sur la neige et surprise par le froid se trouvent paralysées. De telles périodes entraînent toujours une hécatombe préjudiciable au démarrage d'une colonie déjà affaiblie par le manque de butineuses. Pour palier à ce risque il est recommandé d'obscurcir le trou de vol en posant une tuile ou une planchette destinée à intercepter les rayons du soleil encore bas sur l'horizon.

Par contre si la neige s'est muée en glace, mieux vaut l'évacuer car elle est étanche à l'air. Evidemment si vos ruches sont posées sur des plateaux grillagés il n'y a aucun risque, les arrivées d'air seront suffisantes.

Il est totalement exclu et inutile d'ouvrir une ruche pour en visiter l'intérieur. Dès la mi-janvier la ponte de la reine a repris et les quelques abeilles restantes ont beaucoup de mal à maintenir la température nécessaire à cet élevage. Tout refroidissement est mortel pour la colonie. Mais alors dira l'apiculteur impatient, comment savoir si tout va bien ?

Que se passe-t-il dans mes ruches ?
Plusieurs fois au cours de la saison passée, nous avons parlé du grand intérêt à équiper les ruches de plateaux grillagés avec des langes, afin de connaître à tout instant l'état sanitaire de nos colonies. L'observation de ces langes donne toujours une très bonne réponse aux questions que l'on peut se poser :

  • L'importance des déchets nous indique la force de la grappe et sa position dans la ruche, le nombre de cadres occupés, l'age des cires selon la couleur des déchets et même si la nourriture est de bonne qualité (les cristaux non consommés brillent parmi les déchets).
  • Le nombre de varroas retrouvés morts nous permet aussi de juger de l'efficacité des traitements d'élimination réalisés à l'automne. S'il tombe plus de cinq varroas par semaine, il faut envisager un traitement de secours dès que la température le permet.
  • Ces langes doivent être nettoyés, graissés et remis en place avec beaucoup de précautions et sans le moindre bruit pour ne pas déranger la grappe. Chaque bruit ou tremblement provoque une surconsommation qui est toujours préjudiciable au bon état sanitaire de la grappe. Les abeilles qui consomment remplissent trop rapidement leur ampoule rectale et ont alors du mal à se retenir jusqu'au prochain vol de propreté.

Si l'on dispose d'une ruche sur bascule, une information supplémentaire nous est donnée par le relevé périodique de la variation du poids de cette ruche. Une colonie en bonne santé consomme très peu en janvier et malgré des froids très vifs et prolongés on ne relèvera qu'entre 0,5 et au maximum un kilo.

L'humidité et l'eau stagnante sont très néfastes pour les abeilles. Avec les planchers grillagés ce risque n'existe pas. Par contre vous avez encore des fonds pleins nous vous rappelons qu'il a été recommandé d'incliner très légèrement les ruches vers l'avant pour faciliter l'évacuation de cette eau de condensation.

Peut-on en savoir plus ?
Évidemment l'apiculteur digne de ce nom est préoccupé tout au long de la période hivernale et veut savoir ce qui se passe à l'intérieur de la ruche pendant les mois d'hiver. Pour lui venir en aide un apiculteur allemand H. Storch a écrit un petit livret intitulé "Au trou de vol" qui explique avec beaucoup de détails, tout ce que l'on peut déduire de l'observation et de l'écoute des bruits de la colonie au trou de vol. Les explications fournies sont très instructives et rassurantes. Ce livret est disponible à la vente au S.N.A.

L'on y apprend ainsi à différencier le léger bruissement provoqué par la rotation des abeilles dans une colonie en parfaite santé, du bruissement semblable à celui d'une brise dans la forêt lorsque la grappe s'ouvre et se resserre au gré des changements de température, du bourdonnement plus prononcé d'une colonie dont certaines abeilles sont malades. On apprend aussi comment discerner des signes de dysenterie, ou de dérangement par des musaraignes ou des souris.

Le guides des bonnes pratiques apicoles
Je vous ai entretenu en novembre 2003 de la directive du conseil 93/43/CE relative à l'hygiène des denrées alimentaires, qui encourageait l'élaboration d'un guide des bonnes pratiques apicoles et je vous informais de sa révision prochaine. Lors du Congrès Européen d'Apiculture en Belgique à Louvain la Neuve, les 23 et 24 novembre dernier il nous a été confirmé que cette révision était très avancée et que la nouvelle directive serait présentée très prochainement.

D'autre part, après le 31 décembre 2004, toutes les entreprises de la filière agro-alimentaire devront mettre en place la traçabilité effective de leurs produits et de leur procédé de fabrication ou de récolte. Cette réglementation touche toutes les entreprises de la filière agro alimentaire, qu'il s'agisse d'entreprises de production, de transformation, d'import ou d'export, de grossistes ou de distributeurs installés en Europe ou fournisseurs de l'Europe.

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Enfin, il faut souligner que la traçabilité des produits agroalimentaires est un enjeu commercial, stratégique, politique, social, marketing, sanitaire, majeur car contrairement à la plupart des réglementations ou normalisations imposées par les états, elle est populaire auprès des consommateurs qui trouvent ainsi le plein exercice de leur pouvoir de choisir ce qu'ils mangent.

Nous avons vu que les risques de dénaturation du miel sont d'ordre biologique, chimique, physique, et nous avons suivi notre miel dans nos mielleries en pointant les phases et les endroits où ces risques sont susceptibles d'interférer.

La période hivernale étant propice à ce genre d'observations nous essayons maintenant de conduire la même réflexion, de l'installation du rucher jusqu'au transport de la récolte à la miellerie. Cette réflexion a simplement pour but de formaliser et de classifier en trois catégories de risques, les pratiques usuelles reconnues et conseillées dans les différents ouvrages apicoles ou enseignées dans les cours d'apiculture. Elle reprend d'ailleurs les éléments décrits dans les référentiels techniques des miels certifiés ou avec label. Il est certain que l'évolution rapide de la législation, des connaissances scientifiques et de la technologie conduiront à une mise à jour régulière de ce guide des bonnes pratiques apicoles.

Chaque apiculteur pourra reconnaître dans ce guide ce qu'il a toujours fait ou savait faire sans nécessiter l'achat de matériel supplémentaire ni un accroissement de sa charge de travail.

Risques concernant le matériel
La ruche : la ruche constitue un abri idéal pour les abeilles, mais aussi pour un certain nombre d'organismes susceptibles d'en menacer la santé : virus (la maladie noire), bactéries (loque américaine), champignons (ascosphérose), acariens( varroa), insectes (poux) etc., de plus tous les produits utilisés dans ou sur la ruche risquent de se retrouver dans le miel. Certains produits de traitement du bois présentent une toxicité prouvée (carbonyle. Les abeilles se posent souvent sur la face avant de la ruche avant d'y pénétrer, emportant sur leurs pattes des traces du produit de nettoyage ou de traitement du bois.

  1. risques biologiques : proviennent principalement de la possibilité de survie des agents pathogènes dans les interstices du bois. Pour prévenir ces risques ; le nettoyage des planchers, la désinfection régulière du matériel, une rotation rapide des différents éléments d'une ruche sont recommandés. Si le traitement par le feu assure une décontamination de surface, il ne permet pas toujours de détruire toutes les spores présentes dans le bois qui reste un matériau très difficile à désinfecter. Il est toujours conseillé de travailler avec des colonies très fortes qui possèdent un instinct de nettoyage très développé.
  2. risques chimiques : provient tout autant des produits de traitement du bois que des désinfectants. Dans tous les cas un rinçage abondant est obligatoire. Le meilleur produit pour la désinfection et la protection du bois est la cire micro cristalline.

La cire des cadres : la cire gaufrée utilisée par les apiculteurs provient le plus souvent de vieux rayons fondus et épurés par le cirier. Après étirage par les abeilles les cadres peuvent contenir du couvain, du pollen ou du miel.

  1. risques biologiques : progressivement les rayons se chargent d'impuretés, des restes de cocon d'élevage, des moisissures et levures apportées par l'environnement ou par des cadres non léchés. Pour prévenir ce risque la rotation des cadres est préconisée tant dans les corps de ruche par tiers chaque année que dans les hausses. D'autre part les cadres de réserve ne doivent être remisés qu'après un léchage parfait et être stockés à l'abri de la poussière, des fermentations et de toute intrusion d'insectes.
  2. risques chimiques : ce sont les plus importants ; le caractère lipophile de la cire favorise la rétention de nombreuses matières actives des produits phytosanitaires en provenance de l'environnement et des produits vétérinaires utilisés pour la lutte anti varroa. De nombreuses analyses ont mis à jour les résidus présents dans les cires. Les risques de transfert au miel sont réels.

De plus, il a été constaté que certaines cires sont tellement chargées de produits phytosanitaires que les larves meurent dans les cellules avant maturité. Pour prévenir ce risque, il est conseillé de travailler avec des cires exemptes de résidus. Les cires de corps sont transformées en bougies et les cires gaufrées sont élaborées à partir des cires d'opercules. De plus, il faut privilégier toutes les solutions qui évitent le recours aux produits chimiques.

Les abeilles : les abeilles peuvent également être la source de problèmes sanitaires. Bien souvent l"apiculteur n'a aucune connaissance de l'origine d'un essaim. Le maintien de colonies faibles, de reines trop âgées constituent une source potentielle de pathologies. L'importation de nouvelles races ou de souches non indigènes ne sont pas toujours adaptés à nos climats. Il faut être prudent et éliminer toute lignée non adaptée aux conditions environnementales du rucher.

L'environnement du rucher
De plus en plus actuellement l'environnement du rucher revêt une très grande importance sur le développement des colonies.

  1. les risques chimiques la raréfaction des sources de butinage doit être prise en compte pour éviter l'implantation d'une trop importante densité de ruches dans un périmètre donné, afin d'éviter les carences alimentaires. On constate de plus en plus fréquemment une carence de pollen et surtout de la diversité des sources de pollen, ce qui entraîne des retards de développement de la colonie et favorise l'apparition de certaines maladies (loque européenne- virus). Un emplacement trop humide ou trop sombre peut également favoriser l'apparition de maladies de faiblesse. La mise en transhumance d’un nombre de ruches trop important sur certaines miellées peut être la cause de contaminations : (varroas) Les mesures préventives consistent à bien choisir ses emplacements surtout pour les ruchers sédentaires. Les abeilles doivent pouvoir disposer d'une alimentation diversifiée et en quantité suffisante tout au long de l'année. Les emplacements seront choisis à l'abri du vent, de l'humidité, protégés du grand soleil et des grosses chaleurs.
  2. les dangers chimiques : la principale source de contamination vient de l'agriculture. Bien que les zones butinées par nos abeilles se rétrécissent, les zones restantes sont fortement imbibées de produits de traitements phytosanitaires. Une contamination du miel récolté sur les parcelles traitées n'est pas à écarter bien qu' en règle générale une abeille intoxiquée meure en route où est rejetée par ses consœurs avant de pouvoir accéder dans la ruche.

Les traitements à la streptomycine pour lutter contre le feu bactérien sur fruitiers ont déjà été à l'origine de contamination des miels. De même dans les zones d'élevage où l'on donne de grandes quantités d'antibiotiques au bétail, le lisier contaminé et visité par les porteuses d’eau ramène la contamination par antibiotique au rucher.

Les mesures préventives consistent donc à éviter toutes ces zones polluées par l'agriculture, l'arboriculture et même par les grands axes de circulation automobile.

Nous analyserons dans un prochain numéro les risques de contamination par le travail de l’apiculteur sur ses ruches : contrôle, nourrissements, récolte du miel et transport à la miellerie.
F. Anchling