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Résidus dans le miel dus à l’utilisation du cadre à thymol dans les colonies (2006)
Stefan Bogdanov, Verena Kilchenmann, Anton Imdorf et Peter Fluri

Station fédérale de recherches laitières Liebefeld - Section apiculture
CH-3003 Berne, Suisse

Introduction
Le thymol n’est pas seulement un agent thérapeutique efficace contre
Varroa, mais il a en plus l’avantage d’être très bien toléré par les abeilles [1] . En Suisse, les apiculteurs et apicultrices appliquent le thymol principalement sous la forme de l'„Apilife VAR" [2] , qui est enregistré auprès de l'Office intercantonal de contrôle des médicaments. Pour obtenir de bons résultats, il faut l'appliquer pendant 8 semaines au terme de la récolte de miel, c'est-à-dire à la fin de l'été et jusqu'à l'automne. A noter que même après plusieurs années d'utilisation, la qualité du miel n’a pas été influencée négativement et il n’a eu aucune accumulation de résidus dans la cire. A côté de l’"Apilife VAR", on trouve désormais sur le marché suisse, depuis environ trois ans, un autre procédé, le „cadre à thymol Frakno", mis au point par le maître apiculteur allemand Hans Knobelpries [3] . A l'inverse de "l'Apilife VAR", cette méthode doit être appliquée dans les colonies tout au long de l'année. On peut donc se demander si, après une si longue utilisation, la qualité du miel n'est pas altérée par les résidus de thymol. Certes, ceux-ci sont sans danger pour la santé, mais ils peuvent influencer le goût du miel, ce qui serait en contradiction avec la législation sur les denrées alimentaires qui, tant dans l'Ordonnance suisse sur les denrées alimentaires que dans les prescriptions européennes, interdit l’ajout dans le miel d’additifs susceptibles de modifier son goût naturel. En Suisse, le seuil de tolérance du thymol dans le miel a été fixé à 0,8 mg/kg, concentration que les consommateurs ne peuvent percevoir. Quant au seuil de perception du thymol dans le miel, il s'élève à environ 1,1 mg/par kg.

A l'origine de la présente étude, l'inquiétude qu'une application de thymol de longue durée puisse nuire à la qualité du miel. En 1997, l'Institut apicole de l'université de Hohenheim a publié des résultats [4] selon lesquels un cinquième des miels provenant de colonies ayant subi un traitement de longue durée avec les cadres à thymol enregistrent des valeurs bien supérieures au seuil de tolérance en vigueur en Suisse. Avec cette étude, nous nous sommes fixé comme objectif de déterminer la concentration de thymol dans le miel suisse après une application à long terme du cadre à thymol. Bien que notre investigation soit loin d'être achevée, puisqu’elle a débuté voilà une année seulement, il nous a semblé judicieux de communiquer nos premiers résultats aux apiculteurs et apicultrices.

Echantillons et analyses
Les miels ont été prélevés dans 17 ruchers (14 avec des ruches suisses et 3 avec des ruchers Dadant) au cours de la récolte de 1997. La lutte contre Varroa a débuté dans ces ruchers en 1996 (à l'exception d’un: 1995) et a été effectuée au moyen du cadre à thymol de Knobelspies. Les cadres sont restés suspendus dans les colonies (zone du couvain) toute l'année et ont été remplis avec 12 grammes de cristaux de thymol deux fois par an, en général en mars-avril et en juillet-août, le thymol s’évaporant du cadre plusieurs mois. Un seul apiculteurs a retiré le cadre début avril pendant la miellée. Au total, ce sont 22 échantillons de miel que l'on a analysés. L'origine botanique des miels a été déterminée au moyen de la conductibilité: 6 miels de fleurs, 6 miels de miellat, 10 miels de mélange fleurs et miellat. C'est au moyen de la chromatographie en phase gazeuse que les teneurs en thymol ont été mesurées. Le seuil de détection du thymol s'élevait à 0,02 mg/kg.

Résultats et discussion

thymol
Figure: Résidus de thymol dans le miel après un traitement de longue durée au moyen du cadre à thymol.
CH = 22 échantillons suisses; D = 18 échantillon allemands, analysés par le Dr Klaus Wallner [4].

Résidus après le traitement de longue durée au thymol
Les résultats de l'étude menée à Liebefeld en 1997 et les mesures de l’Institut apicole allemand de 1996 sont représentés dans la figure. La moyenne des 22 échantillons suisses s'élèvent à 0,33 mg de thymol/kg de miel (minimum 0,02 mg/kg, c'est-à-dire en dessous du seuil de détection; maximum: 0,83 mg/kg). Dans un échantillon, la concentration de thymol dépassait légèrement la valeur de tolérance suisse de 0,8 mg/kg. Les résidus mesurés par l'Institut apicole de Hohenheim (Dr Klaus Wallner) en 1996 dans les miels allemands étaient en général plus élevés que ceux mesurés dans les échantillons suisses: moyenne 0,63; minimum 0,07; maximum 2,1 mg/kg. Les raisons de ces différences entre les mesures allemandes et suisses n’ont pas été déterminées. On peut toutefois avancer comme hypothèse le nombre d’année de traitement qui en Allemagne était plus élevé.

Influence du nombre d’années de traitement
Dans l'étude Suisse, on a comparé des colonies dans leur deuxième année de traitement avec des colonies dans leur troisième année de traitement: les mesures dans ces dernières s'avèrent nettement plus élevées. Cette observation doit toutefois encore être confirmée par des analyses ultérieures.

Différences selon la sorte de miel
Selon la sorte de miel, on observe des différences de concentration de thymol dans les échantillons de 1997:

On constate sur la base de ces valeurs que les miels printaniers enregistrent des résidus de thymol plus élevés que les miels de miellat de l'été. On ne pourra toutefois confirmer ces résultats qu'après avoir répété ces analyses.

thymol 2

Retrait du cadre à thymol pendant la miellée
On peut se demander si le retrait du cadre à thymol pendant la miellée réduit les résidus de thymol dans le miel. Pour répondre à cette question, on a retiré les cadres dans l'un des ruchers. Résultats: les concentrations de thymol après la seconde récolte de miel étaient sensiblement moins élevées que dans les autres ruchers. Cette observation ne peut toutefois être considérée comme résultat définitif étant donné qu'il est nécessaire de répéter les analyses pour la confirmer.

Comparaison avec l’Apilife VAR
Il est intéressant de comparer les résidus de thymol dus à l’application du cadre à thymol avec ceux dus à l’application de l’Apilife VAR (8 semaines d’application en automne):

thymol 3

Les résidus dus à l’application de l’Apilife VAR sont nettement moins élevés que (p = 0,005) ceux dus à l’application du cadre à thymol.

Efficacité du cadre à thymol Frakno
Dans la présente étude, il n’a pas été tenu compte du degré d'efficacité. Selon les indications des apiculteurs, l’efficacité s’est révélée bonne dans les 17 ruchers. Si toutefois on ne respecte pas les recommandations d'utilisation (interruption pendant quelques semaines avant la miellée), il faut s'attendre à une diminution de l'efficacité dont les conséquences ne sont pas connues.

Conclusion


  • Après un traitement tout au long de l'année, au moyen du cadre à thymol, une partie des échantillons de miel enregistre des résidus de thymol se situant dans le domaine de tolérance (0,8 mg et plus). On ne peut exclure une modification du goût du miel due à ces concentrations.
  • Le retrait du cadre à thymol pendant la miellée réduit vraisemblablement les résidus. Dans ce cas toutefois, le taux de réussite du traitement peut s'abaisser et, le cas échéant, ne plus être suffisant pour lutter contre Varroa.
  • En raison des problèmes d'altération de la qualité du miel posés par l'utilisation du cadre à thymol, nous ne pouvons pour l’instant recommander ce procédé de lutte contre Varroa.

Bibliographie

  • Imdorf A. et al., 1995. Toxizität von Thymol, Campher, Menthol und Eucalyptol auf Varroa jacobsoni und Apis mellifera im Labortest. Apidologie 26, 27-31.
  • Imdorf A. et al., 1994.l'Apilife Var' - un produit de lutte contre varroa à base de thymol. J. Suisse d'Apicult.1994; 91, (6), 216-24.
  • Knobelspies F., 1996. Die Varroamilben und die Thymolanwendung im Sommer. ADIZ, 1996, (6), 20-21
  • Wallner K. 1997. in: Bericht der Landesanstalt für Bienenkunde der Universität Hohenheim für das Jahr 1996, ADIZ, (3), S XV