edapi smallLe REQUAM Réseau d'Evaluation de la Qualité et de l'Adultération des Miels (2001)
J-F. Antinelli, J-F. Aurieres, C. Clement, M-C. Davico, R. Rognone, C. Cordella 
Unité Abeille AFSSA Sophia Antipolis

Les Critères de qualité des miels
Qu'est-ce que le REQUAM ?
Un des axes de recherche en cours de développement au laboratoire de Sophia Antipolis concerne la mise en évidence de l'adultération des miels par des sirops de sucres exogènes.

Cependant l'évaluation des critères de qualité des miels et des produits de la ruche reste une activité importante. Elle s'est concrétisée avec la création en juin 2000 du REQUAM : le Réseau d'Evaluation de la QUalité et de l'Adultération des Miels. L'objectif de ce réseau informel est de permettre une évaluation des miels commercialisés au niveau national avec une prise en charge des frais d'analyse par le laboratoire. Ces analyses sont réalisées en complément des programmes de recherche en développement.

Les prélèvements qui ont été reçus dans ce cadre concernent, d'une part des envois de particuliers d'autre part des enquêtes réalisées en association avec des organisations professionnelles ou indépendamment par le laboratoire. Ces échantillons proviennent à la fois de producteurs (vente directe, achats, ...) et de prélèvements réalisés en circuit de grande distribution.

Dans le cas d'enquêtes, l'une des difficultés consiste à définir le niveau d'échantillonnage permettant de refléter la réalité du marché. Cela est d'autant plus vrai pour le miel, produit naturel par excellence qui présente des variations naturelles importantes.

La synthèse des analyses réalisées dans la cadre du REQUAM doit donc être considérée comme un élément de réflexion par rapport à la tendance globale du marché.

Critères de qualité des miels
L'expertise d'un miel est complexe et seule l'interprétation combinée des analyses organoleptiques, polliniques et physico-chimiques permet la caractérisation complète d'un échantillon.

Pour les miels unifloraux, il s'agit de certifier l'origine botanique de l'échantillon avec détermination de la flore dominante, compte tenu des autres nectars récoltés par l'abeille. Cette certification est basée sur l'évaluation de la limite entre miel unifloral et multifloral. Elle peut parfois être associée à une détermination de la zone géographique de production.

Cette certification s'effectue en complément de l'évaluation de la qualité de l'échantillon qui se définit par la mise en évidence de dégradations liées au processus de récolte et de conditionnement (chauffage excessif, fermentation, ...).

Ces deux problématiques distinguent les critères d'appellation susceptibles de rendre compte de l'origine de l'échantillon, des critères de qualité.

La détermination des critères de qualité, la recherche de l'origine géographique et l'identification des nectars butinés formalisent de façon similaire la valorisation des miels multifloraux. Cependant les mesures développées par les laboratoires pour certifier l'origine du miel sont plus élaborés que ceux retenus par la législation.

Ainsi, la commercialisation d'un miel en France est soumise au respect des exigences définies dans le décret n°76-717 du 22/07/1976. De façon complémentaire, tout miel commercialisé en Europe doit satisfaire aux exigences de la Directive Européenne en cours (1974) jusqu'à la date limite de consommation. Un projet de révision de cette directive est actuellement en cours de discussion.

Le tableau 1 rappelle les paramètres physico-chimiques retenus par la législation en vigueur.

requam 1Tableau 1. Méthodes de référence dans l'analyse des miels.
(1)Chromatographie Liquide Haute Pression - Détection Ampérométrique Pulsée.
(2)Chromatographie en Phase Gazeuse - Détection à Ionisation de Flamme.
(3)Chromatographie Liquide Haute Pression - Détection à Barrettes de Diode

Parmi ces critères, trois traduisent plus particulièrement la qualité du miel : 

  • la teneur en 5-hydroxy-2-méthyl-furfural (HMF), liée à la déshydratation du fructose lors du chauffage ou du stockage du miel ;
  • l'indice diastasique, représentatif de l'activité enzymatique de l'amylase, dont la valeur, malgré une variabilité naturelle, traduit la dégradation des enzymes naturelles du miel ;
  • la valeur de l'acidité libre, associée au dosage des acides libres dans le miel. Cette valeur est susceptible de traduire une altération du miel, en particulier par son augmentation lors de la fermentation.

Parallèlement, la teneur en eau doit être inférieure à 21% (23% pour les miels de callune et de trèfle). Une teneur en eau inférieure à 18% permet d'éviter tout risque de fermentation du miel au cours du stockage.

Plus récemment, le dosage du glycérol est apparu comme un indicateur pertinent de la fermentation des miels en raison de la corrélation observée entre sa teneur en mg/kg dans les miels et le nombre de levures.

Au niveau analytique, une méthode enzymatique disponible commercialement permet la détermination de la teneur en glycérol dans de nombreuses matrices alimentaires. Son application à l'analyse des miels a été rapportée dans des publications internationales.

Ainsi, une valeur supérieure à 300 mg/kg semble actuellement acceptée par les laboratoires d'analyses européens comme représentative d'un état de fermentation de l'échantillon. Des essais réalisés au laboratoire tendent à montrer une perception gustative pour des taux proches de 200 mg/kg. Cette perception dépend cependant de la variété du miel et de sa flaveur.

Actuellement, aucun seuil limite n'est défini par la législation pour la teneur en glycérol. Cependant de nombreux laboratoires européens incluent ce critère dans la caractérisation des miels compte tenu des exigences de la directive européenne sur l'absence de fermentation du miel. Les résultats rapportés tiennent compte de ce paramètre comme critère de qualité des miels. Par ailleurs, la Directive Européenne précise que " le miel ne doit pas avoir commencé à fermenter ou être effervescent ".

Résultats
Les échantillons analysés provenaient essentiellement du marché français, y compris des miels d'importation. Deux enquêtes spécifiques sur quelques miels des marchés anglais (13 échantillons) et espagnol (11 échantillons) ont été réalisées (tableaux 2 et 3). Les résultats présentés tiennent compte d'une enquête spécifique réalisée par le laboratoire sur les miels de lavande-lavandin (72 échantillons).

La mesure de l'acidité libre n'a été réalisée que sur un nombre très faible d'échantillons, au profit de la détermination du glycérol (données non présentées).


Tableau 2. Répartition des échantillons selon le pays de prélèvement.


Tableau 3. Nombre de déterminations réalisées.

I - Miels commercialisés en France
Teneur en HMF 
La législation fixe à 40 mg/kg la valeur limite d'HMF dans le miel. Une valeur de 20 mg/kg peut, à titre indicatif, servir de point de repère par rapport aux cahiers des charges des production sous certification.

Sur les 302 déterminations, 5 apparaissent non conformes avec des taux supérieurs à 40 mg/kg dont :

  • 2 miels Toutes Fleurs d'origines diverses,
  • 1 miel de montagne (France),
  • 2 miels de lavande.

Ces échantillons non conformes provenaient des circuits de la grande distribution.

De façon complémentaire, une limite de tolérance à 20 mg/kg a conduit à la répartition suivante.

19 miels avaient une teneur supérieure à 20 mg/kg, dont :

  • 12 miels Toutes Fleurs d'origines diverses,
  • 2 miels Toutes Fleurs de France,
  • 5 miels unifloraux, d'origine florale différente.

Taux d'humidité
L'ensemble des 302 déterminations a démontré des teneurs en eau en accord avec les critères de conformité.

A titre indicatif, 27 échantillons présentaient des teneurs en eau supérieures à 18%, susceptibles d'évoluer vers des états de fermentation (hors miels de callune et de trèfle).

La répartition de ces échantillons est présentée dans le tableau 4.

requam 4
Tableau 4. Répartition de la teneur des échantillons analysés.
UF : unifloraux ; TF : Toutes fleurs ; F : origine France ; OD : mélange d'origines diverses.
1 dont un miel d'Espagne ; 2 miel d'origine chinoise
.

Activité diastasique
Un nombre plus réduit de déterminations a été réalisé pour ce paramètre sur les échantillons collectés. 

Sur les 142 déterminations effectuées, 5 miels présentaient des valeurs inférieures à 8 sur l'échelle de Schade dont :

  • 1 miel Toutes fleurs d'origine France,
  • 1 miel Toutes fleurs d'origines diverses,
  • 1 miel de tilleul origine Chine,
  • 2 miels de lavande.

Teneur en glycérol
118 déterminations ont été réalisées sur les miels précédemment analysés (79 miels unifloraux origine France, 16 miels multifloraux origine France, 6 miels unifloraux d'importation, 17 miels multifloraux d'origines diverses).

Parmi ces prélèvements, aucun des miels unifloraux produits en France ne présentait de teneur en glycérol supérieure à 200 mg/kg

Cinq miels d'importation présentaient des teneurs supérieures à 300 mg/kg représentatives d'un état de fermentation avancé , dont :

  • 4 miels de Toutes Fleurs d'origines diverses,
  • 1 miel de tilleul d'origine Chine.

Ces teneurs élevées en glycérol ont été relevées dans des échantillons provenant des circuits de la grande distribution.

Synthèse des échantillons non conformes.

Le tableau 5 rend compte des échantillons non conformes sur le marché français par rapport aux critères sélectionnés.

requam 5
Tableau 5. Synthèse des 11 échantillons reconnus non conformes. 
OD : mélange d'origines diverses ; F : origine France 
NC : appellation florale non conforme par analyse pollinique ; C : appellation conforme.

- analyse non déterminée (miel multifloral)

En résumé, 12 miels ont été reconnus non conformes sur la base des critères de qualité retenus (9 sans la teneur en glycérol) pour les 302 miels analysés dans le cadre du REQUAM (soit 4%)

Parmi ces échantillons, 8 ont été prélevés dans les circuits de la grande distribution et 3 ont été envoyés par des apiculteurs.

Par ailleurs, les états de fermentation constatés sont apparus davantage associés à des miels multifloraux d'origines diverses. Le mélange de miels de qualité médiocre présents sur le marché international pourrait apparaître comme un élément de réponse à cet état de fait. 

L'absence de données précises sur l'origine de ces échantillons limite cependant l'identification des causes de ces fermentations. 

De façon complémentaire, l'analyse globale de ces résultats tend à montrer la conformité des miels unifloraux français aux critères de qualité exigés au niveau européen. La prépondérance des miels de lavande parmi les échantillons unifloraux non conformes doit être associée à leur sur-représentation dans l'échantillonnage considéré.

- Prélèvements sur les marchés anglais et espagnols

Il n'est pas facile de comparer sur la base de l'échantillonnage réalisé les marchés français, espagnols et anglais. Ces résultats doivent donc être considérés comme des enquêtes ponctuelles.

A - Miels commercialisés en Espagne


Tableau 6. Paramètres de qualité associés aux échantillons prélevés sur le marché espagnol. 
OD : mélange d'origines diverses ; Esp : origine Espagne.

B - Miels commercialisés en Angleterre


Tableau 7. Paramètres de qualité des échantillons prélevés sur le marché anglais.
OD : mélange d'origines diverses

Dans le cadre de ces enquêtes, des pourcentages de non-conformité respectivement de 15,4 % et 45,5% ont été observés pour les marchés espagnol et anglais. Ces valeurs doivent être rapportées au faible nombre d'échantillons, au protocole de collecte et à la prise en compte de la teneur en glycérol.

Elles permettent néanmoins la mise en évidence d'états de fermentation associés à des miels toutes fleurs d'origines diverses. Cette situation semble identique à celle observée sur la marché français.

Des teneurs élevées en HMF pour les 2 miels issus de l'Agriculture Biologique en provenance d'Argentine ont été constatées

Conclusion
Le tableau 8 synthétise les résultats obtenus sur l'ensemble des échantillons.

(1) Certains miels peuvent être non conformes pour plusieurs critères.

En parallèle de ces résultats, les miels toutes fleurs d'origine diverses apparaissent liés majoritairement aux non-conformités constatées par rapport aux critères de qualité. La fermentation des miels apparaît un problème émergent qui doit cependant être associé au développement récent de l'analyse en routine de la teneur en glycérol. Un suivi particulier de ces miels apparaît donc nécessaire dans un marché où leur proportion à destination du consommateur ne cesse d'augmenter.

Cette démarche s'inscrit dans le développement nécessaire du contrôle des miels commercialisés au niveau national et en particulier des miels d'importation.

Parallèlement, la limite des critères légaux actuellement mis en œuvre pour la caractérisation des miels nécessite le développement d'approches complémentaires pour une meilleure appréciation de la qualité. Cette démarche doit s'inscrire dans une valorisation des miels de qualité, ceci dans l'intérêt conjoint des producteurs et des consommateurs.

Dans le cadre du REQUAM, l'année 2001-2002 sera orientée sur la mise en place de plans d'échantillonnage nationaux afin de poursuivre l'évaluation des miels commercialisés au niveau national.

Dans le protocole envisagé, un échantillon de chaque miel commercialisé sur le lieu de prélèvement sera analysé afin de minimiser les biais d'échantillonnage. Par ailleurs, la recherche de l'addition de sucres exogènes dans les miels par l'application des méthodes de références ou en cours de développement au laboratoire sera systématisée.

Compte tenu des tendances récentes, l'analyse des miels issus de l'Agriculture Biologique en provenance de pays d'Amérique du Sud constituera un axe complémentaire de ces travaux.

Les résultats précédemment rapportés ont été réalisés en complément de la recherche de l'adultération par des sirops de sucres. Les résultats obtenus pour l'année 2000-2001 seront publiés prochainement.