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Le miel coule des arbres - Cameroun (2000)
Théodore Tsapi

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  Syfia / Mai 2000

La "sensibilisation des paysans" les laisse souvent... insensibles. Mais en leur montrant qu'en protégeant la forêt, ils peuvent faire du miel et de l'argent, une association camerounaise a marqué des points pour l'environnement. 

Détruire les arbres, c'est tuer l'abeille au miel d'or. Mais comment faire passer le message ? Paul Mzeka, un fonctionnaire camerounais à la retraite depuis plus de 10 ans, a son idée. "Notre objectif est d'amener les paysans à constater que pour mieux faire l'apiculture, il faut des arbres qui donnent des fleurs, et des ruisseaux, parce que les abeilles ont besoin de beaucoup d'eau. Nous leur expliquons que s'ils détruisent les arbres, ils détruisent l'eau également. Et par conséquent, ils n'auront ni abeilles ni miel. D'où la nécessité pour eux de préserver leur environnement." Ce passionné d'apiculture est allé se former au Kenya, au Ghana et en Suisse. Puis il a mis sur pied en 1992 l'Association des apiculteurs du Nord-Ouest (Noweba).

Conscient des enjeux économiques de l'apiculture pour les paysans, la Noweba a lancé un programme intitulé "Forêt conviviale". Son but : susciter l'intérêt de ses membres pour la préservation de l'environnement de leur région, gravement menacée par l'érosion. L'association fabrique et vend aux paysans des ruches modernes pour qu'ils arrêtent de brûler les ruches afin de récolter le miel. Cette pratique traditionnelle, qui décime les abeilles, déclenche aussi des feux de brousse. Une pratique astucieuse permet même aux apiculteurs qui n'ont pas d'argent d'acquérir des ruches modernes. Seule condition : qu'ils plantent au moins 25 arbres en contrepartie de chaque ruche donnée gratuitement.

Parallèlement, l'Ong suisse Helvetas travaillait à la préservation des points d'eau potable en créant des zones protégées sur lesquelles l'activité agricole et pastorale est proscrite. Ce qui n'était pas évident, compte tenu de la difficulté d'une surveillance efficace de ces espaces. Mais en les transformant en réserve pour les abeilles, l'Ong se donnait plus de chances de convaincre les paysans. Elle a donc pris contact avec la Noweba, comme l'explique un des responsables de cette dernière : "Helvetas nous a chargés de donner des enseignements aux populations vivant dans les zones protégées. Aujourd'hui, beaucoup d'entre elles s'adonnent à l'apiculture et plantent des arbres". "Par contre, poursuit-il, si vous allez dans les villages pour expliquer la nécessité de planter des arbres pour des besoins d'agroforesterie, les gens ne comprendront rien."

500 000 F CFA par an
Une enquête faite sur le terrain estime à plus de 50 000 le nombre d'arbres déjà plantés. Les paysans participent sans s'en rendre compte à la foresterie et avec beaucoup d'enthousiasme car ils en tirent directement profit à travers le miel qu'ils récoltent. "Beaucoup de choses ont changé dans ma vie depuis six ans que je suis dans cette association, se réjouit un apiculteur. Avant, nous ne savions pas comment écouler notre production de miel. Maintenant, mes récoltes me rapportent en moyenne 500 000 F cfa par an".

La Noweba compte plus de 5000 membres constitués en 223 groupes. Ces derniers produisent d'énormes quantités de miel dont l'association achète environ 40 t par an. La production totale de la province se situe autour de 100 t par an et c'est un miel apprécié des consommateurs car il est naturel contrairement aux autres qui sont coupés avec de l'eau.

La Noweba collecte aussi des sous-produits de la ruche (pollen, propolis et cire) avec lesquelles elle fabrique des bougies, des produits dermatologiques et de beauté, du cirage, du vin de miel, du savon et des détergents en poudre. Ce sont les bénéfices de leurs ventes qui financent ses activités.

L'aide que l'association reçoit de divers organismes européens de soutien à la protection de l'environnement lui permet d'offrir des ruches modernes à bas prix. "Le coût de fabrication de l'une est de 10 000 F cfa. Mais nous la revendons aux apiculteurs à 2500 F cfa seulement. Nous évitons de donner ces ruches gratuitement parce que cela les rendrait paresseux. En plus, ils en font un meilleur usage dès lors qu'ils savent qu'ils y ont investi de l'argent".

La formation des apiculteurs de la Noweba a permis d'améliorer la qualité de leur production. Depuis qu'ils utilisent la technique de l'enfumage pour la récolte, le miel fermente moins car il ne contient plus de couvain ni d'abeilles mortes comme c'est le cas du miel obtenu en incendiant la ruche.

De si douces perspectives s'offrent au miel de la Noweba que son responsable envisage d'élargir ses ventes à toute l'Afrique centrale.