L`Apiculture au XXIème siècle en Iran (2006)
Reza Shahrouzi
Présentation
En 1977, F. Colson, ingénieur agronome, est venu participer à une mission d’études de trois mois en Iran dans la région d’Azerbaïdjan, à la demande du Ministère des Coopératives et des Affaires Rurales Iraniennes. L’objectif de cette mission était de définir les potentialités agricoles régionales ainsi que les formes d’organisation envisageables. Etant lui-même apiculteur, il a pu constater l’intérêt économique de l’apiculture locale. Ce qui l’a conduit à insérer cette production dans le plan de développement régional. Il a publié un premier article sur l’apiculture en Iran titré : "L’apiculture dans le développement agricole - Un exemple iranien".
En 1993, j’ai publié un article dans la Bulletin Technique Apicole - Nº 83, Vol. 20 (3) - titré "L’Apiculture en Iran". C’est au cours d’un séjour en France, entre 1980 et 1985, que j’ai acquis de sérieuses connaissances en apiculture. Je possède actuellement une centaine de ruches Langstroth. Mon rucher est situé au nord-ouest du pays, dans le département de Qazvin, région d'Alamout. C’est une région très montagneuse, produisant un miel “toutes fleurs” dont le goût est très particulier.
Rucher dans le département de Gillan
Historique
L’apiculture était connue en Iran plusieurs siècles avant l’apparition de l’Islam. A l’époque romaine, on avait déjà écrit sur les abeilles, plus particulièrement dans le livre poétique Chanamer. Cinq mille ans avant Jésus Christ, le people iranien de l’Est avait déjà compris la nécessité de la pollinisation des dattiers par les abeilles.
Depuis trois décennies environ, l’exploitation de la ruche à cadres a commencé à se développer et la majorité des apiculteurs sont capables de nos jours de conduire des ruches à cadres. Cependant, la récolte du miel des colonies sauvages n’a pas totalement disparu. Partout les abeilles font encore leur nid dans de vieux arbres, des trous creusés dans la roche ou dans des cavernes.
Rucher traditionnel en vannerie
Type de Ruches
Les ruches traditionnelles sont réalisées en poterie d'argile, en bois (tronc d’arbre) ou en vannerie (branche de saule).
Les ruches en argile : il en existe de deux modèles. Les premiers ont la forme d’un cylindre d’une longueur d’un mètre environ que l’on exploite couché. Les seconds ont la forme d’une meule de paille. Pour les solidifier, ces deux modèles sont cuits au four.
Les ruches en tronc d’arbre: le tronc est évidé puis fermé à ses extrémités par une planche en bois. Des trous de vol sont pratiqués sur les côtés.
Les ruches en vannerie:sont le plus souvent constituées en branches de saule recouvertes de bouse de vaches qui en assure l’étanchéité. La majorité des ruches à cadres sont des Langstroth, mais on trouve aussi des ruches Dadant.
Collection de ruches traditionnelles en Iran
Les régions mellifères
Le vaste plateau iranien est composé de régions aux conditions climatiques très variées. On y rencontre de ce fait une flore extrêmement diversifiée. Cependant le revêtement végétal est en général épars et discontinue dans les régions sèches.
Sur les 350 familles de plantes vasculaires connues, on n’en dénombre pas moins de 180 à 200 qui poussent en Iran, c’est dire la richesse de la flore de ce pays. Plus de 1.200 genres sont présents, certains avec plus de 100 espèces. D’après Dr Ghahreman (1981), on peut estimer de 7.500 à 8.000 le nombre total des espèces vasculaires présentes.
Les régions mellifères sont localisées dans l’Azerbaïdjan,le Kurdistan, l’Ardebil, sur la côte nord de la Mer Caspienne, dans le Gillan, l’Ispahan, le Khorzan, dans le Fars, le Boyer Ahmad E Kohkiluyeh, le Chahar Mahal E Bakhtiari, le Téhéran, Zanjan, et Qazvin. Pour l’hiver, la côte du Golf Persique (les départements de Hormosgan, Bushehr, Kouzistan, etc.) peut rester mellifère.
Rucher Langstroth dans le département Téhéran en Demavend
Nombre de Ruches
Le pays possède 2.750.000 ruches dont 2.400.000 sont de type moderne (majorité de Langstroth) et 350.de type traditionnel. Il est à noter que dans les départements de l'Azerbaïdjan et du Kurdistan, il existe aussi des ruches Dadant 12. Mais depuis l’arrivée de la varroatose, le nombre de ruches traditionnelles a beaucoup régressé. Nous avons 49.000 apiculteurs et la production moyenne du miel par an et par ruche s'élève à 10 kg. Les estimations d'exportation oscillent entre 2.000 à 4.000 tonnes de miel par an.
Le rucher moderne dans département Qazvin,
Alamout (rucher de Reza Shahrouzi)
Maladies et parasites des abeilles
Le pays dispose d’organisations sanitaires et de laboratoires pour les maladies et parasites des abeilles, mais les vétérinaires de terrain sont hélas pratiquement ignorants de l’apiculture alors que les maladies, parasites ou ennemis des abeilles observés en Iran sont nombreux.
- Maladies du couvain
Loque européenne, loque américaine, mycoses et le virus du couvain sacciforme (SBV) - Maladies de l’abeille adulte
Nosémose, Tropilaelaps clarae, Septicémie, l’Acarapis woodi et la dysenterie, L’irruption de l’acarien ectoparasite Varroa destructor dans les années 80 sur le territoire iranien et ainsi que la résistance de varroa aux pyréthrinoïdes (en Iran, dans les années 1997 à 2006), ont probablement facilité la dispersion des virus de l’abeille dans et entre les colonies. - Les virus de l’abeille adulte
Sont présents en Oran le virus des ailes déformées (DWV), le virus de la paralysie chronique (CBPV), le virus de la paralysie aiguë (ABPV), le virus des cellules noires de reine (BQCV). le virus filamenteux (FV), le virus de l’abeille Y (BVY), l'acute paralysis virus (APV) et le slow paralysis virus (SPR).
Parasites et ennemis
- Parasite des rayons
Les rayons peuvent être parasités par les teignes Galleria mellonela L. (grande teigne) ou Achroïa grisella Fab. (petite teigne), la mite des étoffes ainsi que par les acariens du pollen (Tyroglyphus, Glyciphagus).
- Ennemis divers
Parmi les principaux ennemis des abeilles, on peut citer : guêpes, trionglins, fourmis, araignées, pou des abeilles, mouches et divers coléoptères. Des oiseaux : rouge-queue, pie-grièche, mésange charbonnière, pic-vert, guêpier et enfin des rongeurs : souris et rats.
La transhumance
Depuis le XIXème siècle, les apiculteurs d’Azerbaïdjan ont compris l’intérêt de la transhumance. Ils transportaient leurs ruches traditionnelles dans la montagne pour y récolter le miel de la flore d’altitude. Les transports se faisaient à dos d’homme ou à l'aide d'ânes. Chaque âne pouvait transporter trois ruches. Plus tard, les ruches ont été transportées en charrettes à deux roues tirées par des ânes encore ou par des chevaux. L’Iran a un climat très varié en fonction des régions. La flore est abondante et très diversifiée. Le butinage printanier commence très tôt, dés le mois de janvier et se prolonge jusqu’à la fin de mai. Les agrumes sont en fleurs durant cinq mois de l’année, de janvier à mai, en allant de l’Est au Nord-Ouest du pays. Pour profiter de cette situation climatique exceptionnelle, la majorité des apiculteurs professionnels transhumaient leurs ruches. Depuis maintenant trois décennies, les apiculteurs transportent désormais leurs ruches en camion. Ces transhumances se font vers la côte nord de la Mer Caspienne pour la récolte du miel des agrumes et pendant l’hiver vers la côte de la golfe persique (départements de Hormozgan, Busher et Kuzistan).
La technologie apicole
La technologie apicole en Iran reste partagée entre l’apiculture traditionnelle et l’apiculture moderne. Il y a de peu progrès dans ce domaine. Si l’Iran possède des ruches à cadres, elles sont généralement mal construites. Parmi leurs principaux défauts, on notera en particulier un trou de vol trop petit et la mauvaise aération qui en résulte, l’épaisseur des parois presque toujours insuffisante (souvent inférieure à 18 mm), l’absence de couvre-cadres. En fait on ne peut pas dire qu’il s’agisse vraiment de ruches modernes. Les apiculteurs iraniens produisent un miel de haute qualité mais sa présentation est défectueuse car ils manquent d’appareils modernes de traitement et de conditionnement dans leurs mielleries. Concernant l'élevage de reines, il n'y a pas vraiment de sélection sur la race, les éleveurs pratiquent selon des méthodes non scientifiques qui produisent des colonies qui essaiment beaucoup, fabriquent de la mauvaise cire, hivernent mal, sont agressives, produisent de moins en moins de miel, sont très sensibles aux maladies et sont, de plus en plus, de petite taille.
Conclusion
Grâce à son climat, l’Iran est un pays où on peut facilement développer la production apicole. L’étude géographique et géologique montre en particulier que la côte de la Mer Caspienne, la plaine montagneuse de l’Alberz, l’Azerbaïdjan, le Kurdistan, l’Ardebil, le Gillan, l’Ispahan, l’Khorzan, le Fars, le Boyer Ahmad E Kohkiluyeh et le Chahar Mahal E Bakhtiari sont des régions bien connues pour leur intérêt apicole. L’apiculture est une science qui a été négligée par rapport aux autres activités agricoles. Elle manque d'appareils modernes pour les mielleries ainsi que de machines pour la transformation des produits. Malgré le peu d’aide que reçoivent les apiculteurs notamment dans le domaine sanitaire ou de la formation, il faut espérer que l’apiculture iranienne arrivera un jour à vraiment se moderniser. Ceci est capital pour le pays, non seulement pour le miel mais aussi pour le rôle indispensable que joue l’abeille en matière de pollinisation.
Reza Shahrouzi
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Bibliographie
- Colson.F, 1977 : "L’apiculture dans le développement agricole - Un exemple iranien"
Bul. Tech. Apic., 4(2), 14, 13-21. - Sammataro D. Gerson U. & Needham G, 2000, "Parasitic mites of honeybees : life,
history, implications, and impact", Annual Review of Entomology, 45 :519 - 548. - Shahrouzi Reza – "L’apiculture en Iran", Bul. Tech. Apicole, Nº 83 Vol. 20 (3) 1993.
- Shahrouzi.R,– "Two decades of living with varroa in Iran", Apimondia, Durban - South- Africa, 28 Oct to 1 Nov. 2001.
- Shahrouzi.Reza.,1991, "Les maladies et parasites des abeilles en Iran", Congrès vétérinaire à Téhéran.